Histoire

- Mais elle est morte.
- Non, elle n'est pas morte. Elle dort.
- Elle ne dort pas, elle est morte.
- Elle dort juste profondément, très profondément. Alors laissez-moi espérer qu'un jour elle se réveillera et tout ça n'était qu'un mauvais rêve.

Parfois, je vois le regard triste de maman et je me sens mal. Je viens la coller en ronronnant. Je l’adore, ma mère. J’adore ma famille au complet. Je n’aime pas lorsqu’ils sont tristes. Je ne suis jamais triste, moi.

« Maman, ne t’en fais pas. Petite Victoire et Petite Rose sont seulement très fatiguées ! Elles vont se réveiller lorsqu’elles auront assez dormi. »

Et je ne sais pas trop pourquoi, mais lorsque j’étais chatonne, ça lui faisait toujours esquisser un sourire. Maintenant, il n’y a plus rien. Je pense qu’elle a arrêté de croire. Pas moi. Le lien que j’ai avec mes sœurs est profond. Je sais qu’un jour, elles vont se réveiller. En attendant, je continue d’aller leur porter des balles de mousse, des proies. Il faut bien qu’elles aient quelque chose à manger lorsqu’elles se réveilleront. Si je ne suis pas là lorsqu’elles auront assez dormi, elles auront faim. J’ai toujours pris soin de venir leur parler pour qu’elles ne se sentent pas seules, qu’elles sachent que je suis là. Je laisse des boules de mousse, des proies, là où elles aimaient aller. Parce qu’elles se réveilleront. Je le sais, on peut pas me dire le contraire, elles vont finir par avoir assez de sommeil et se réveiller et on pourra tout oublier comme on oublie un mauvais rêve.

Parfois, je vois le regard triste de maman et je viens lui parler pour chasser cette émotion. Parce que j’aime ma famille et que la tristesse ne doit pas y rester. Parfois, je pense que mon frère est triste et je viens lui proposer d’aller chasser parce qu’il faut qu’il soit heureux. Je déborde d’amour à son égard et j’aimerais que ce soit suffisant pour effacer les problèmes dans leurs prunelles. Parce qu’il est tout pour moi et que je suis proche de lui, peut-être fusionnelle. Parce qu’on a grandi ensemble et que j’aurais aimé pouvoir lui faire comprendre qu’elles se réveilleront, mais je n’ose pas trop en parler. Ils paraissent tristes à chaque fois.

On est né ici, dans le Clan du Tonnerre et je ne pense pas qu’il y ait réellement quelque chose à redire. Nos deux soeurs se sont endormies, elles étaient lourdes de sommeil, tellement épuisées qu’elles se sont endormies et qu’elles dorment encore. Je vous assure qu’elles dorment profondément, c’est pour ça qu’elles ne se réveillent pas, mais maman et mon frère disent qu’elles sont mortes. Ce n’est pas vrai. Elles dorment, c’est tout. J’aimerais qu’ils espèrent, comme moi, parce que j’ai raison et qu’elles se réveilleront un jour. J’aimais bien jouer avec mon frère et j’aime toujours ça, je n’ai pas changé même si on peut considérer ce comportement comme celui d’un chaton. Je l’aime vraiment. J’ai toujours aimé joué avec les autres chatons de la pouponnière aussi, je m’entendais avec tout le monde et apprendre des apprentis qui voulaient bien prendre le temps de nous accorder de l’attention.

Et comme la logique des choses le veut, je suis devenue apprentie. Comme mon frère. Et j’ai toujours voulu faire mes entraînements avec lui, passer du temps avec lui en dehors des entraînements, parce que je ne voulais pas le laisser seule, parce que je l’aimais et que je me suis toujours sentie proche de lui. J’ai apprécié mon mentor, il était droit, franc, silencieux. Comme son nom l’indique, Silence des Étoiles. C’est un nom mélodieux, poétique, et celui qui le porte est très gentil. Je m’entendais très bien avec lui même si j’étais souvent la seule à parler parce que faut le dire, c’est pas le plus bavard du monde. Mais c’était agréable et j’ai beaucoup appris de lui. J’espère qu’il a appris de moi. Je n’ai pas oublié mes soeurs. Leur absence me rendait triste, parfois, mais je me reprenais toujours parce que je n’aime pas être triste et que de toute façon, elles vont se réveiller et elles seraient pas contentes d’apprendre que je me suis laissée aller à la tristesse.

J’ai oublié de parler de mon père, je crois, mais il n’y a pas grand chose à dire. Je ne l’ai pas connu et même si j’ai pu poser quelques questions enfantines à son sujet, je n’ai jamais réellement chercher à savoir qui c’était. C’est sûrement ce qui m’aidait à me sentir proche de mon mentor qui, lui, ne connait strictement pas la moindre information au sujet de son père, pas même son nom ou son appartenance. Et ma mère dans tout ça ? Ma mère, elle est merveilleuse. Ma mère, elle est magique. Elle est forte et je me suis toujours promise d’être comme elle plus tard. J’espère qu’elle est fière de moi, et je peux assurer que je l’aime plus que tout, tout comme j’aime mon frère.

Mon mentor m’a toujours dit que j’agis de façon très enfantine, comme un chaton refusant de grandir et peut-être qu’au final, je refuse réellement de grandir, mais je ne crois pas que ce soit grave. Ça ne semblait même pas le déranger. On peut pas dire que j’ai réellement changé entre le temps où j’étais chaton et celui où j’étais apprentie, et même lorsque je suis passée guerrière. Et je suis passée guerrière. Elles ne sont toujours réveillées. Le temps est long, mais j’ai confiance. J’ai eu une apprentie. Elle vient de passer novice il y a quelques jours. Une lune en retard, mais la meneuse ne va pas très bien depuis que son compagnon est mort. Elle est tombée gravement malade, mais elle a l’air d’aller un peu mieux, en tout cas, la maladie l’a quitté et donc Petite Orchidée est devenue Nuage d’Orchidée et comme elle me l’avait dit, cette novice est devenue celle dont je dois m’occuper. Je suis ravie. J’espère que maman et mon frère sont autant ravis que moi.