Feat Kaori

Je me suis échappé, je suis sorti du camp. Je crois que j’en avais grand besoin. 
C’est dur. Dur d’être parmi eux et de pas pouvoir être moi-même, de faire ce que je veux. Parce qu’il faut toujours demander l’autorisation, toujours avoir l’accord de ses supérieurs pour faire quoi que ce soit et personne ne veut rien n’y changer, non. Ils sont heureux comme ça, heureux avec leur hiérarchie, les ordres qu’on leur donne. Moutons, ils ne sont rien d’autres que des moutons. Alors on suit, on suit la tête baissée, on fonce les yeux rivés au sol et on se prend des murs en pleine gueule. On perd ceux qu’on aime parce qu’il faut prendre ses responsabilités, grandir, mûrir. Je ne veux pas grandir, j’ai jamais voulu mûrir. Moi ce que je voulais c’était rester un gamin avec des rêves plein la tête, un gamin qui s’inventait des histoires pour rêver que la vie pouvait être meilleure ailleurs, qui s’inventait un monde à lui. Un monde où le gamin se sentirait à sa place. 
Alors ouais, je me suis barré, je me suis tiré vers les quelques maisons qu’on aperçoit loin dans la cambrousse. Parce que j’ai besoin de m’éloigner, de changer d’air, de voir du monde mais pas ceux du monde que je n’aime pas. Je veux faire des rencontres, je veux voir des gens, des gens qui seront sympas, des gens qui seront différents, comme moi. Ouais, je me sens différent. Je ne sais pas pourquoi. C’est peut-être de ma faute, à force d’inventer des tissus de mensonge pour impressionner les autres et me faire des amis, je n’ai peut-être fait que me placer en marge de cette société pourrie dans laquelle nous vivons tous. Ou c’est peut-être de leur faute à eux mais de toute façon, je peux toujours attendre une vie puis dix autres avant qu’ils ne commencent à peine à se remettre en question. Parce qu’ils sont parfaits eux, ils ont toujours raison et ils ne font jamais d’erreur.
J’en fait depuis ma naissance, des erreurs.
Là encore, je viens de faire une erreur.
Je viens de me perdre.
Putain !
En plus je ne suis même plus seul. Ah oui parce que comme un con je suis allé me paumer dans un jardin hein, genre le mec il remarque même pas qu’il a franchi une barrière ou je ne sais quoi. Putain quel con. Et l’autre aussi elle a l’air débile dans son arbre, qu’est-ce qu’elle fout d’ailleurs ? J’en sais rien.
Elle a l’air en difficulté du haut de sa branche. Comme si elle se demandait comment descendre. Ou comment monter, je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, elle a l’air indécise et légèrement embêtée. Je devrais sans doute être serviable, lui proposer mon aide, c’est ce que ferait quelqu’un de gentil et je le suis, gentil. Mais je reste tout de même un moment à l’observer, un air amusé sur le visage. 

« Qu’est-ce que… Euh… T’aurais pas besoin d’aide ? »

Allez souris, sois serviable.
Peut-être qu’elle sera sympa.