Démantelé ~ Fjäril & Smaragd

Démantelé

Démantelée.
La Secte avait été démantelée et tout ça à cause de Saeyoung. Fjäril ne savait pas vraiment comment il se sentait. Vide. Étrangement vide. Comme si une partie de lui-même avait disparu avec les cavernes. C’était toute sa vie, et lui, il savait au fond, que la vie, ce n’était pas ça. Pas baiser des meufs prisonnières. Il le savait, les prisonnières, elles racontaient, comment c’était avant. Avant d’être enfermées dans une petite caverne. Fjäril il ne savait pas comment on faisait pour vivre ailleurs. Autrement.
Il préférait Smaragd, c’était ce qu’il pensait. Il avait toujours préféré Smaragd, parce que c’était la plus belle. Pas seulement, elle avait un truc que les autres n’avaient pas.
C’était peut-être juste lui. Smaragd, il avait jamais aimé quelqu’un comme ça. Mais Fjäril il n’y connaissait rien à l’amour.

Il était doux avec elle. Il lui disait parfois, qu’un jour, il parviendrait à la faire sortir. Il n’y croyait pas vraiment, comme il ne croyait plus vraiment en la Secte non plus. Mais il avait sa place ici, et il avait grandi avec eux. Il n’imaginait pas réellement partir comme ça, sans regarder derrière lui. Pourtant, c’est ce qu’il fit.

C’était le chaos. Lui-même ne se souvenait pas vraiment comment tout cela était arrivé. C’était juste arrivé, soudainement, tout le monde criait et Ssakry avait disparu. Et Fjäril vit une brèche, une petite ouverture dans cette prison qu’était devenue la Secte. Alors il avait pris Smaragd sous son aile et ils étaient partis.

Maintenant, loin de toute cette agitation, ils se retrouvaient à ne plus savoir quoi faire. Fjäril ne savait pas ce que c’était d’être libre. Il ne l’avait jamais été, et il obéissait seulement aux ordres qu’on lui avait toujours dictés. Il se retrouvait seul avec Smaragd, et il y avait du vent et de la pluie, qui collait son pelage. Fjäril avait froid.
Il aurait peut-être mieux fait de rester là-bas, de mourir en guerrier dans cette caverne. Mais il voulait voir autre chose, il voulait vivre, pour une fois, apprendre à vivre vraiment. Il se tourna vers Smaragd, et son regard vert était terrifié, sans doute autant que celui de la femelle.

Il était terrifié. Il pensa que Smaragd allait le laisser, maintenant qu’elle était libre, et qu’il se retrouverait à nouveau seul, plus encore qu’il ne l’avait jamais été. Parce que la Secte avait été démantelée. Parce qu’il n’avait plus personne, plus rien pour se raccrocher. Il ferma les yeux un instant, sous la pluie battante. Un instant qui se transforma vite en secondes, peut-être même en minutes. Mais Fjäril n’avait plus la notion du temps. Il restait là.
Il était persuadé que lorsqu’il ouvrirait à nouveau les yeux, tout serait redevenu comme avant. La Secte, la caverne avec cette odeur de cadavre, les Poules pondeuses.
Ou peut-être qu’il pensait juste que Smaragd aurait disparu, soudainement, comme elle était arrivée.

Il rouvrit les yeux.
Smaragd était toujours là.
Fjäril ne savait pas s’il devait être soulagé. Il l’était sans doute un peu. Il n’était pas seul.

Alors il se remit en marche, collant son pelage trempé à celui doré de l’ancienne Poule pondeuse. Il fallait trouver un abri pour la nuit. Et pour les prochains jours. Et pour après, peut-être. Mais il ne fallait pas s’enfermer dans une routine. Fjäril avait peur que tout s’écroulât à nouveau.

(c) Biket

Démantelé

Il n’y avait plus rien. Plus que le vide. Il n’y avait plus de Secte, plus de Ssakry, plus de geôle, plus de geôliers. Il n’y avait plus rien d’autre que Fjäril, unique être vivant dans cette tempête. Tout avait disparu, la mort comme la vie, l’esclavage comme la liberté, les bourreaux comme les amis. Il n’y avait plus rien, tout s’était effondré. La Secte avait été démantelée. Tout l’équilibre avait été brisé.

Non, Smaragd n’avait pas été heureuse d’appartenir à la Secte. Elle n’en avait jamais voulu. N’avait pas désiré d’être kidnappée, ni tout ce qui s’ensuivit. Mais c’était une vie réglementée, précise, et c’était devenu comme une habitude, un repère. Maintenant que plus rien n’était là, elle n’avait pas pour autant envie de fuir. Elle était restée trop longtemps, on avait trop changé son esprit, confiné ses pensées. Elle ne savait plus quoi faire. Comme si elle attendait que ça recommence, qu’on revienne la chercher, et qu’à nouveau, on essaie de lui faire des chatons sans qu’elle ait dit oui. Alors, quand Fjäril l’avait emmenée, ailleurs, elle avait suivi, sans résister, sans rien dire.

Smaragd n’était plus grand chose. Elle n’avait que très peu de souvenirs de sa vie d’avant, comme si la Secte avait pris toute la place, et remplacé ses souvenirs par d’autres. Comme s’il n’y avait jamais eu que ça, alors que c’était faux, contrairement à Fjäril. Il y avait eu un avant. Lorsqu’elle sentit le vent, la pluie, les odeurs, elle se rappelait de tout ça. Ce n’était pas la première fois. Mais c’était extrêmement flou. La Secte avait pris tout la place, parce qu’elle appartenait à la Secte.

Maintenant, il n’y avait plus de Secte. Peut-être que maintenant il y avait de la place. De la place pour la vie, de la place pour des pensées, de la place pour des sentiments, aussi. De la place pour prendre le temps, pour savoir à quoi ressemble le monde, pour savoir d’où on vient et qui on est. De la place pour pouvoir dire non, et de la place pour apprendre à dire oui. Pour apprendre à connaître Fjäril, peut-être. Il n’y avait plus que lui, qu’elle connaissait si peu, qui était comme tous les autres. Mais il n’y avait plus que lui, et il était comme un phare. Le seul repère qui restait. Peut-être que maintenant, il y avait la place pour construire ses propres repères, et non se contenter de ceux imposés par défaut.

Elle suivait Fjäril par défaut. Peut-être que maintenant, elle pouvait prendre le temps de le suivre par envie. Ou de ne pas le suivre.
Il n’y avait plus rien. Mais ils étaient toujours en vie. Peut-être que le vide n’était advenu que pour pouvoir tout reconstruire autrement.

(c) Biket