Feat Zazou

Il n’aimait pas cet endroit, pas du tout. Ce n’était pas chez lui, ici. Cela ne le sera jamais. Et c’était dur d’être loin de chez soi, il n’aimait pas vraiment cela non plus. Il ne s’y sentait pas bien, constamment stressé. Toujours sur le qui-vive. Il était tellement mal à l’aise qu’il n’arrivait même plus à couler un bronze, c’était pour dire ! Il voulait rentrer chez lui.
Il soupira et sortit de cette clairière principale toujours trop bondée. Trop de monde, trop d’inconnus. Trop de gens qui paraissaient amicaux mais qui, en fait, étaient hostiles. Enfin, c’était ce qu’il pensait. Peut-être que ce n’était pas le cas, en tout cas, il fallait tabler sur l’hypocrisie avec eux. Non, pardon, la diplomatie comme il se plaisait à l’appeler. C’était de l’hypocrisie, mais sous un autre nom, qui rendait cela plus noble. C’était tout simplement le fait d’être hypocrite pour pouvoir vivre en société, vivre en paix. La paix. Ah ah. Quelle vaste blague. Jamais il n’y aura de pas. Ni entre eux, les deux Troupes, parce que oui, ils resteront deux Troupes, quoi qu’il pût arriver. Jamais il n’acceptera de s’associer à eux. Enfin, si, techniquement, il avait accepté de s’associer à eux, mais jamais il ne deviendra complètement l’un des leurs, il en était hors de question. Plus tard, dans quelques lunes, il ne savait quand, il repartira sur ses terres. Ce n’était pas un souhait piqué des hannetons. Il était d’ailleurs très logique et censé, pour quelqu’un comme Trïco déployant ses Ailes, un Chasseur très attaché à ses origines. Sa Troupe, la Troupe Embrumée était la deuxième de ses priorités, après La, bien entendu. Parce que La, eh bien, elle n’était pas comparable. Elle était au-dessus de tout, à ses yeux. Et il l’aimait plus que tout, également. Elle lui faisait perdre la tête, et, lui qui avait toujours été maladroit pour démêler voire simplement exprimer ses sentiments, il s’estimait heureux d’avoir pu comprendre cela. Cette vague d’amour qui écrasait son coeur dès qu’il posait ses yeux  sur sa belle.

Il s’était dirigé vers le lac de Seyn. La fille des eaux, la traîtresse aux yeux de la Brume. Elle les avait quittés pour rejoindre ces saligauds d’Inondés. Le Chasseur n’aimait pas Seyn, et son lac encore moins. Il n’aimait pas vraiment l’eau, en général. C’était trop calme, trop plat. Et quand les averses venaient à être plus intenses, la crue inondait immédiatement les terres autours de ce lac. Et les inondations, c’était chiant, il lui était impossible de marcher sans s’enfoncer dans la boue.
Heureusement, là, les fourrés non loin du point d’eau étaient secs. Il y était accroupi, d’ailleurs. Il observait sa proie, tapis dans la végétation. Malheureusement, il n’était pas très concentré. Il était en train de réfléchir au fait qu’il fallait qu’il se montrât plus amical avec ceux qui les hébergeaient. Mh. Il ne savait pas trop sur quel pied danser avec eux, il aviserait plus tard. Soudain, il sentit un choc. Une touffe de poil ressemblant à la pierre l’avait percuté. Il chuta. La boule de poil sauta à nouveau sur lui et l’immobilisa. Trïco montra les crocs. Qui était-ce ? Un Escogriffe ? Il fronça les sourcils avant d’associer ce visage à un nom. Inari priant l’Eau, Chasseuse de l’Inondée. Elle finit par partir, fière de son coup. Le mâle ne fit que arquer un sourcil et un petit sourire se dessina sur le coin de ses lèvres.

« J’espère que je ne t’ai pas fait rater ton petit-déjeuner.
— Je pense qu’il est déjà loin, désormais. »

Il lui avait répondu sur le ton de la rigolade. Heureusement, c’était le Temps de Jade. Le gibier y était  abondant et les Troupes ne mourraient pas de faim. C’était pour ça qu’il avait trouvé cette intervention drôle. Si cela s’était passé durant le Temps d’Ivoire, il aurait littéralement pété un câble sur l’autre.

Trïco pencha légèrement sa tête sur le côté et se contenta d’une question.

« Pourquoi m’avoir sauté dessus ? »