Comme tout le monde [Ft Aido]
Je serai une guerrière !
Aujourd’hui, Petite Chèvre se sentait bien. Mieux que lorsqu’elle avait discuté avec Petit Soleil, même si son ami n’était en rien responsable des tourments de son esprit. Cette journée-là s’annonçait plus belle, plus rayonnante, elle avait réussi à se lever tôt pour être productive - en faisant quoi, on ne savait pas trop, peut-être aller voir les anciens, jouer avec sa fratrie, discuter avec ses amis, à voir - et s’était échappée de la chaleur presque étouffante de la pouponnière pour accueillir avec joie la douce caresse de la brise fraîche du matin. Oui, aujourd’hui, elle se sentait bien. Une journée de calme, une journée claire dans toutes les ténèbres qui semblaient lui enserrer le coeur. Elle sentait le soleil chauffer sa fourrure, à défaut de le voir gagner du terrain dans le camp durant son ascension qui se stopperait, comme tous les jours, à midi au zénith. C’était les choses simples qui la faisait sourire en ce moment, les petits détails que plus personne ne s’arrêtait pour regarder, les petits détails du quotidien qu’il faisait pourtant bon de se rappeler de temps en temps. Parce que l’environnement est constitué de mille et une merveilles pour lesquelles il vaut bien la peine de s’arrêter deux minutes.
Elle avait rêvé cette nuit. Pas un rêve comme ceux des autres, pas un songe coloré de mille et une couleurs éclatantes, des formes dans tous les sens et des objets matériels qu’elle ne verra jamais. Lorsqu’elle rêvait, tout était noir. Lorsqu’elle rêvait, il n’y avait plus que les sons et les odeurs, ce qu’elle touchait du bout des pattes et ce qu’elle percevait au loin. Elle avait raconté cette expérience à un ou deux amis, parfois, mais c’était étrange pour eux, ils ne rêvaient pas de la même façon. Petite Chèvre aimait bien ses rêves particuliers, malgré tout. Ils avaient quelque chose de singulier, d’unique au monde comme faits sur mesure rien que pour elle ce qui, dans un sens, était vrai. Cette nuit-là, les odeurs avaient été agréables. Elle avait senti Ambre, Vol d’Hirondelle, Artémis et les enfants qui vivaient avec le trois solitaires. Elle avait entendu des rires, des conversations amusées et les cris d’une énième chamaillerie entre deux chatons, peut-être Heagan et Éden, elle n’avait pas réussi à capter leurs odeurs. En soi, le rêve n’avait rien d’exceptionnel, elle n’avait parlé à personne. Mais la chaleur rassurante de la grotte aux mille éclats l’avait comme rappelée à elle pour une nuit de plus. À présent, les habitants de la grotte lui manquaient d’autant plus mais elle ne pouvait rien y faire. Elle savait qu’elle ne saurait pas retrouver son chemin jusque là-bas, elle était déjà à moitié inconsciente quand Ambre l’avait trouvée et amenée jusqu’à son foyer. Peut-être que, par chance, elle serait amenée à la recroiser un jour, qui sait ? Petite Chèvre l’espérait du fond du coeur. La petite sortit de ses pensées en sentant une odeur bien familière se dégager de l’entrée de la pouponnière, un coeur dont le rythme commençait à se réguler, en pleine phase d’éveil.
« Petit Champignon ! » piailla-t-elle d’une voix un peu trop aiguë. Elle s’avança en trottinant jusqu’à son frère qui venait de quitter la pouponnière, un grand sourire sur le visage. Si ses yeux avaient pu, ils auraient brillé de mille feux. « Tu imagines ? Dans quelques jours on sera apprentis ! » L’excitation dans sa voix était palpable. Elle doutait encore, elle se posait toujours énormément de questions mais aujourd’hui cela n’importait pas, aujourd’hui elle se sentait étonnamment bien et voyait la vie, peut-être pas en rose, mais en couleurs claires et agréables. Elle ne voulait pas penser au fait que leurs parents ne seraient pas là pour les voir devenir apprentis, ni au fait qu’Ambre lui manquait terriblement même si elle avait du mal à se l’avouer sans se sentir coupable et encore moins aux interrogations que lui causait la perspective d’un avenir incertain. Non, aujourd’hui elle voulait seulement profiter du fait qu’elle se sentait mieux que jamais. Le calme avant la tempête. Ça non plus, elle ne voulait pas y penser.
(c) Sun pour Biket seulement
Feat Biket | Je suis de ceux qui prônent l'espoir. J’ouvre un œil bouffis par le sommeil avant d’ouvrir l’autre. Un bâillement se détache de ma bouche alors que j’étire mes pattes engourdis par la nuit que je venais de passer. Un sourire illumina mon visage, encore une merveilleuse journée à passé, à jouer et à profiter de la vie ! Il faut que je profite de ce temps où je suis un chaton, parce qu’après je serai un apprenti et j’aurai des choses importantes à faire comme m'entraîner à me battre, à chasser, marquer le territoire et plein d’autres choses trop cool à faire ! Je pourrai sortir du camp, enfin bref, plein de choses trop bien. Mais sauf que lorsque je ne serai plus un petit chaton, je n’aurai plus le droit de passer mes journées à jouer avec mes frères, sœurs et amis. Il faudra que je me détache de tout ça pour me focaliser sur mon objectif premier : Devenir un des meilleurs guerriers du clan. C’est vrai que dit comme ça c’est pas quelque chose de très différent des autres objectifs des chatons. Mais moi, c’est vrai, c’est quelque chose de vrai et non des paroles en l’air. Quelque chose qui me donne la force de me lever tous les matins pour me mettre en mouvement, pour faire travailler mes muscles et déjà être fort. Je m’amuse mais en même temps je travail. Je m’étire une dernière fois et sort de la pouponnière où pour une fois, je ne suis pas l’un des premiers levé. Et ouais, des fois faut savoir se laisser aller lorsqu’on dort. Une fois que je suis à l’air libre, je tombe sur ma sœur, Petite Chèvre, ma sœur aveugle. Je me demande comment ça doit être d’être aveugle, est-ce qu’on voit toujours tout noir ? Est-ce qu’on fait des rêves ? Enfin, ça doit être compliqué de rêver lorsqu’on a aucune idée de à quoi ressemble le monde qui nous entours. Maman m’avait dit que ses sens sont deux fois plus affûtés que les miens, parce que vu qu’elle ne voit rien, elle entend mieux et sens mieux. Ça a ses points positive finalement. « Petit Champignon ! » Petite Chèvre se mets à trottiner vers moi et s’arrête à mon niveau. Un énorme sourire s'élargit sur son visage et me fait sourire de même. Qu’est-ce que ça peut me faire plaisir et du bien de la voir sourire à la vie malgré le handicape avec lequel elle est partie. « Tu imagines ? Dans quelques jours on sera apprentis ! » Mon visage se ferme d’un seul coup, à ce moment là, je suis content qu’elle ne voit pas la tête que je tire. Je ne suis pas sûr qu’un jour elle devienne une guerrière, comment pourrait-elle se battre, se défendre et chasser sans même voir ? Elle devrait devenir une guérisseuse, elle a beaucoup plus de chance dans ce domaine. Comment lui dire ? Lui dire qu’elle ne pourra jamais devenir une guerrière qui sait se défendre ? Je n’ai pas envie de lui détruire ses espoirs, mais je ne veux pas non plus lui donner une fausse joie. « Petite Chèvre… Tu sais bien que je suis de ceux qui prônent l’espoir. De ceux qui sont persuadés qu’il est partout, qu’il peut donner une raison de battre à un cœur et la force de vivre. Je suis de ceux qui pensent que l’espoir sera toujours le dernier survivant parmis tous nos sentiments, je le remercie chaque jour de briller dans nos regards, de ne pas nous abandonner mais… Es-tu sûr que tu puisses devenir une guerrière ? Pourquoi ne pas devenir une guérisseuse plutôt, je suis sûr que tu serais très douée dans cette branche là, qu’en dis-tu ? Je ne veux pas gâcher ton rêve ma belle, mais je suis quand même sceptique. » Je la regarde, attentif à chacun de ses mouvements, j’ai si peur de sa réaction. J’aimerais tellement lui dire que je suis sûr qu’elle fera une guerrière formidable, que son handicape ne l’empêchera pas de réaliser ses rêves, de devenir la personne qu’elle veut. Mais parfois, la force des choses bat tout. J’ai si peur pour elle, peur qu’elle le prenne mal, peur que nous nous déchirons. Je ne sais pas à quoi m’attendre, je ne sais pas si j’ai bien fait. Mais je ne vois vraiment pas comment elle pourrait devenir une guerrière en fait, ni une guérisseuse dans le fond. Une guérisseuse a besoin de voir pour guérir, non ? Enfin j’en sais rien. |
Je serai une guerrière !
Petite Chèvre n'entend pas le bruit de salive caractéristique que les autres produisent lorsqu'ils esquissent un sourire. Son frère n'est-il donc pas joyeux de la voir ? Peut-être qu'il souriait déjà, ça, elle ne pouvait pas le deviner, aussi décida-t-elle de continuer à sourire, attendant patiemment sa réponse qui, elle en était sûre, ne manquerait pas de lui agrandir son sourire d’encore quelques bons centimètres ! « Petite Chèvre… Tu sais bien que je suis de ceux qui prônent l’espoir. De ceux qui sont persuadés qu’il est partout, qu’il peut donner une raison de battre à un cœur et la force de vivre. Je suis de ceux qui pensent que l’espoir sera toujours le dernier survivant parmis tous nos sentiments, je le remercie chaque jour de briller dans nos regards, de ne pas nous abandonner mais… Es-tu sûr que tu puisses devenir une guerrière ? Pourquoi ne pas devenir une guérisseuse plutôt, je suis sûr que tu serais très douée dans cette branche là, qu’en dis-tu ? Je ne veux pas gâcher ton rêve ma belle, mais je suis quand même sceptique. »
Elle s’arrêta net, son sourire disparut lentement, comme si son cerveau ne parvenait pas encore à comprendre ce qu’il venait d’entendre. Sa première réaction fut de lâcher un éclat de rire. Un éclat hésitant, qui peina à s’échapper d’entre ses lèvres mais qui y parvint tout de même. Puis un véritable fou rire s’ensuivit, un fou rire qui n’en était pas vraiment un, l’impact des mots de Petit Champignon n’ayant causé en elle aucune joie, aucun amusement. Mais il n’était pas sérieux. Il n’était pas réellement sérieux, si ? « Je… Ouuh… Tu pe… » articula-t-elle péniblement avant de renoncer. Elle attendit une petite minute histoire de se calmer et de se rendre compte que non, il n’avait pas parlé sur le ton de la plaisanterie, il avait bel et bien décidé d’être relou. D’accord. Super. Maintenant, aussi chelou que cela soit-il, elle avait envie de pleurer. Parce que de toutes les personnes de ce monde, elle avait pensé que son frère, au moins, aurait pu la soutenir dans ses décisions. Mais non. Évidemment que non. Cela aurait été trop facile, n’est-ce pas ?
« Tu es sceptique ? C'est vrai, je devrais peut-être me fier à ce que tout le monde me dit et rester en retrait quitte à devenir apathique. Tu n'as pas tort, c'est ça que tu veux entendre, que je devrais emprunter la voie pratique ? Mais moi, je veux être authentique, » répondit-elle en montant d'un ton. Pour qui se prenait-il ? Les larmes lui montèrent aux yeux alors que la rage montait encore d’un cran en elle. Elle eut beau coller et presser sa langue contre son palais, elle ne parvint pas à retenir les larmes aussi celles-ci commencèrent-elles à rouler le long de ses joues tandis que, s’ils l’avaient pu, ses yeux auraient brillé de férocité et de colère. « As-tu seulement la moindre idée de ce que tu viens de me dire, stupide rat ? Pourquoi devrais-je mettre de côté mes ambitions, mes désirs, pour un futur dont je ne veux pas ? Tu crois que ce n’est pas déjà trop compliqué d’avoir une gêne importante, tu crois que les autres ne me le font pas assez remarquer ? Vous croyez tous que je ne sais pas que ce sera dur ? Que je n’ai pas assez peur comme ça ? Peut-être que si vous passiez moins de temps à vous inquiéter de ce que je devrais ou non faire vous prendriez en compte ce que moi je veux ! Parce que c’est toujours la même chose avec chacun d’entre vous, vous êtes tous bien plus aveugles que moi, bien plus stupides, oui toi aussi tu es sacrément idiot Petit Champignon ! Un putain d’ignorant ! »
« J’ai peur de l’avenir tu sais, j’ai peur de ça au point d’en saigner du nez, d’en pleurer régulièrement la nuit quand tout le monde dort, je me pose trop de questions, beaucoup trop de questions jusqu’à ce que je sente mon esprit brûler. De l’anxiété, on m’a dit que c’était ça. Je l’ai appris quand je n’étais plus là, quand j’étais loin. Ici, on me dit que je fais des caprices, que je fais ma petite princesse irresponsable, que je m’inquiète pour rien. As-tu seulement idée de ce que ça me fait ? As-tu seulement la moindre idée de ce que ça fait de se faire entendre dire qu’on ne pourra jamais réussir dans la voie qu’on s’est choisie ? Ça fait remonter toutes ces foutues questions, et cette voix qui me répète sans cesse que je ne vaux rien, que je ferai mieux de tout abandonner, que je n’y arriverai jamais. Peut-être que si on apprenait tous à se soutenir un peu plus les uns les autres, on pourrait arrêter de se traiter comme de la merde, peut-être que si on apprenait tous à mieux se comprendre, on pourrait arrêter de tuer avec les mots ! » Le ton était monté alors qu’elle lui donnait ce petit discours du turfu. Elle tremblait de tous ses membres et sentait son coeur battre dans sa poitrine comme si elle venait de fournir un incroyable effort physique alors qu’il n’en était rien. Elle le sentait qui battait la chamade dans ses tempes et même si elle n’était pas sûre de la direction exacte vers laquelle ses yeux étaient tournés, elle fit son possible pour paraître le plus furieuse possible, ce qui ne lui demanda aucun effort : elle était réellement furieuse. « Mais soit. D’autres suggestions ? Pour résumer, rien n’est très seyant ? » termina-t-elle enfin, le souffle court, sur une question rhétorique. Elle n’arrivait même plus à penser.