Espionnage en famille

Il allait enfin voir les Troupes de plus près. Depuis qu’ils étaient arrivés, son père et lui, Vulcain n’avait pas encore eu l’occasion de partir en vadrouille sur leur territoire. Il fallait dire que les Escogriffes avaient décidé de voler les terres de la Troupe Embrumée, et que celle-ci était donc partie, contrainte de tout abandonner. Heureusement, ce n’était pas la Troupe Inondée. Vulcain se disait souvent que Sanza, la sœur de Neyo, avait peut-être eu des chatons. Puisque Neyo en avait eu aussi, et que le mâle était encore jeune, rien n’était impossible. Vulcain aurait bien aimé le savoir. Mais il n’appréciait pas vraiment les Troupes. Il pensait, comme son père, qu’elles étaient trop faibles.
Et si un jour, Vulcain tombait sur un autre félin qui était son cousin ? Non, il ne devait pas y songer. Il faisait bon, aujourd’hui, et le léger vent qui soufflait sur les plaines et dans les arbres permettrait de faire voyager les odeurs.

C’était, selon Neyo, le moment parfait pour aller sur les terres de la Troupe Inondée. Impatient, le jeune mâle mangea tout de même un morceau avant de partir. Son père l’attendait, et le jeune mâle au pelage blanc, gris et noir s’approcha d’un pas rapide, se léchant le museau après son repas. Il était prêt. Filant comme le vent, les deux Escogriffes se retrouvèrent bien vite sur le territoire adverse. L’odeur du marquage à la frontière empestait la peur. Vulcain était satisfait de cette situation. Ils avaient peur, le marquage était fort, comme s’ils voulaient essayer de dissuader les intrus de pénétrer leurs terres. Malheureusement, Neyo et Vulcain se fichaient pas mal des frontières, et ils la franchirent sans se poser de questions.

D’ici, ils pouvaient voir le campement au loin. Il était situé dans une combe, un peu à l’abri. Vulcain pouvait les voir bouger à l’intérieur, comme de grosses fourmis qui s’agitaient en tout sens, affolées. Ils semblaient ridicules. Neyo les comparait à des dindons. C’était bien faible, comparé à ce que son fils en pensait. Vulcain avait des questions à poser à son père, même s’il n’était pas certain que quelqu’un ait la réponse. Il avait besoin de savoir. Il aurait voulu connaître lui-même toutes les réponses, à toutes ses questions, mais c’était impossible.
Parfois il n’y avait pas de réponse, parfois il devait se débrouiller pour trouver lui-même.

« Pourquoi cette hiérarchie, ce système corrompu ? Pourquoi ta sœur est restée là-bas ? Était-elle faible ? »

Vulcain pensait que Sanza était faible et qu’elle avait besoin de quelqu’un pour lui donner des ordres, sans quoi elle serait perdue. Il y en avait, ils ne parvenaient pas à vivre par eux-mêmes. Ils avaient comme besoin de ce système pour savoir comment vivre. Ils avaient été habitués à vivre ainsi et ne pouvaient simplement plus s’en passer. C’était triste. Vulcain aurait bien aimé les libérer. Pourtant, il se doutait que pour la plupart, ce ne serait qu’une perte de temps.
Ils donneraient corps et âme pour leur Troupe. Pour leur Meneur, qui n’hésiterait pas à les abandonner, lui. Ils étaient stupides.

Ou peut-être qu’ils avaient simplement trop d’espoir. Peut-être n’avaient-ils rien d’autre à quoi se raccrocher ? Vulcain avait tant d’hypothèses, de pensées qui tourbillonnaient dans son esprit. Mais il n’avait pas de réponse officielle. Seulement quelques théories.

(c) Biket