It's time to say goodbye • Feat Biket
Le personnage
Sexe du perso: Mâle
Âge du perso: 34
Mentor / apprenti : --
Here I am though I wish I was braver
We all came here today for a last goodbye
Leave a rose on a grave of the brother
It’s gonna be alright again
It’s gonna be alright again
Tous les jours. Tous les soirs. À chaque instant, chaque souffle, chaque battement de paupières. Tout le temps il pensait à lui. Tout le temps, il le voyait, son fantôme, imaginait le son de sa voix. Il espérait le voir débouler dans sa tanière, tout sourire, lui sautant dessus, lui léchant le pelage, derrière l’oreille, tout en murmurant “surprise, en fait, c’était une blague pas drôle que je voulais vraiment faire.” Il espérait que ce moment arriva de tout son être, depuis voilà deux saisons. C’était beaucoup, deux saisons. Surtout quand Citron Vert savait qu’il ne reviendrait pas.
Il était mort sous ses yeux, c’était ainsi.
Mais il y avait cet espoir, ce stupide espoir, qui continuait à lui donner la force de se lever le matin. Espoir absurde, complètement faux, irréalisable.
Mais un espoir quand même.
Foutue espérance de merde.
Pourquoi était-ce si compliqué, hein ? Pourquoi était-ce si compliqué de se débarrasser de ce souhait de le voir en vie, à ses côtés ? Pourquoi le clan des étoiles lui infligeait-il une pareille torture ? Savait-il au moins ce que ça lui faisait ? De se lever, chaque jour, de se lever et de se rendre compte qu’il n’était pas là, qu’il n’était plus là. Plus jamais il ne sera là. Quand le jour le réveillait, qu’il lui offrait encore ses plus beaux éclats, le vide était le même. Il n’était plus là. Dans son demi-sommeil, il respirait mais il savait qu’il ne vivait pas. Plus rien n’était pareil, parce qu’il n’était plus là. Il n’était plus sûr de ce qu’il était arrivé. Il y pensait tous les jours et il avait même peur d’accepter. Il avait enterré le meilleur et gardé le reste, effacé ses erreurs, oublié ses promesses. Où était l’épaule sur laquelle il se reposait, la présence chaude que son corps aimait serrer ? Où était passé la voix qui répondait à ses questions ? L’autre moitié de lui, sans qui il perdrait sa raison ?
Oh, la vie était si cruelle. Assez cruelle pour lui avoir enlevé Nuage du Titan.
Son meilleur ami.
Son amour, peut-être.
Tous les jours, depuis son retour des Troupes, il se rendait là où il était enterré. Parfois une heure, parfois seulement quelques minutes quand le temps pressait. Mais il s’y rendait tous les jours. Pour signaler à son ami qu’il pensait à lui. Qu’il l’aimait toujours. Que rien ne pourra jamais remplacer la place qu’il avait dans son coeur. Coeur qu’il ne possédait même plus. Il le lui avait donné y’avait des lunes de cela, lorsqu’il a traîné le chaton dans son antre pour lui apprendre le nom des plantes. Coeur qui ne battait plus, pas vraiment. Il battait pour Nuage du Titan. Sa mort avait mis un terme à son activité. Tout ce qu’il ressentait était de la douleur. Et quand il n’y avait aucune peine, quand il prenait cette foutue plante, cette foutue camomille pour calmer sa souffrance, il ne ressentait que du vide. Vide laissé par lui, aggravé par la suite par Paon du Jour, lui aussi, disparu du monde des vivants.
Il y avait trop de mort.
Trop de peine.
Comment ne pas suffoquer ?
Supplice continuel, détresse constante, torture quotidienne.
Ô, quand cesserez-vous ?
Like the sun
You live on
A new dawn 'cross the morning sky
In our hearts
You live on and on and on
Et dire qu’il avait une apprentie, maintenant ! Sa cousine, qui plus était ! Mais il n’en voulait pas, il ne voulait pas de novice. Oh, elle pouvait devenir guérisseuse si ça lui chantait, mais lui, il ne voulait rien faire. Il voulait… Il voulait… Il voulait simplement ne plus rien vouloir. Il voulait… Il ne voulait plus être seul, mais en même temps, il ne voulait pas de compagnie. Enfin, si. Il ne souhaitait voir qu’un seul félin. Et il n’était même plus capable de respirer, là, enfermé sous terre. Enterré. Inanimé.
La seule personne qu’il désirait voir était toujours la même.
Et ce chat était toujours aussi mort que quand il avait dû le laisser. Quand on l’avait arraché à sa dépouille. Il n’avait pas voulu partir, Mistral Lointain l’y avait pourtant forcé. Il aurait pourtant dû partager sa douleur, non ? Nuage du Titan et lui faisaient partie de la même famille.
Mais non.
Mais non.
Il l’avait tiré par la peau du cou.
Insensible.
Il ne comprenait d’ailleurs toujours pas comment le clan pouvait se porter aussi bien, comment les gens pouvaient continuer à sourire, à jouer, à être heureux, alors que l’apprenti était mort. Ils devraient tous pleurer ! Tous déplorer sa mort, avec lui ! Étaient-ils tous à ce point sans coeur ? Comment pouvaient-ils, comment osaient-ils être aussi bien dans leur vie alors que ce petit bonhomme ne faisait même plus partie de la leur ?! Était-ce normal de ne pas posséder de sentiments de la sorte ? Non. Non. Non.
Non. C’était pas normal d’être aussi jovial alors que l’un des leurs était six pieds sous terre.
Alors qu’on ne voyait plus son sourire, qu’on n’entendait plus le son de sa voix.
Alors qu’il n’était plus là pour lui remonter le moral.
Il se coucha enfin dans son nid de mousse. Il avait pris un peu de camomille. il allait devoir aller en cueillir beaucoup plus, d’ailleurs, tant que la saison était encore bonne. Il n’allait pas savoir survivre très longtemps durant la mauvaise saison s’il n’en consommait pas régulièrement. La, la guérisseuse de l’Embrumée, avait tenté de le faire décrocher de cette addiction. Elle avait réussi, plus au moins. Mais une fois de retour aux clans, il n’avait pas pu s’empêcher d’en reprendre. Parce que la douleur, estompée par le fait d’être éloigné de l’endroit de sa mort, était revenue au galop lorsqu’il fut à nouveau à son poste de guérisseur.
Il devait dormir. Et s’il n’ingurgitait pas un peu de cette plante, il remuait dans tous les sens, parfois jusqu’aux petites heures du matin. C’était un supplice. La fatigue constante était un supplice. Tout comme cette douleur permanente.
It's time to say goodbye
We hold our head up high and with tears in our eyes
We face the first of days without you here beside
It's time to say goodbye
We face the first of days without you here beside
It's time to say goodbye
Il ne savait pas combien de temps il était resté éveillé. Il ne savait pas combien de temps il avait mis pour s’endormir. Il savait seulement qu’il s’était endormi. Et quand il ouvrit les yeux à nouveau, il sut que ce n’était pas un rêve. Enfin. Si. C’était un rêve. Mais pas un rêve classique. Ce n’était pas la même sensation de brouillard. Dans ce cas-ci, il n’y avait pas ce sentiment, cette certitude de tout oublier le lendemain. Il ne pouvait pas non plus le décor qui se dressait autour de lui.
Ce n’était pas un rêve.
Il communiquait avec les étoiles.
Quelques questions tourbillonnaient dans son esprit. Pourquoi ? Qui allait venir ? Que se passait-il ? Y avait-il un quelconque danger imminent ?
Verrait-il Nuage du Titan ?
L’appréhension lui noua la gorge. Allait-il enfin le voir ? Allait-il enfin pouvoir reposer ses yeux sur ce pelage roux et blanc qui lui était si particulier ? Avait-il toujours la même odeur, même s’il n’était composé que d’étoiles ? Pouvait-il le toucher ? Il n’avait jamais touché un chat étoilé lors de ses visites à la Pierre de Lune, peut-être que, le temps d’une nuit, le chat devenait un être solide. Oh, il l’espérait tant. Il espérait que ce fut lui.
Il l’espérait de tout son coeur.
Il voulait le revoir.
Il voulait lui dire à quel point il lui manquait, à quel point il avait besoin de lui. Il voulait lui dire qu’il pensait encore à lui. Il voulait lui dire que tout ce qu’il voulait, c’était le rejoindre.
Mais non.
Il ne pouvait pas le rejoindre.
Le clan avait encore besoin de lui.
Il remercia sa grand-mère de lui avoir donné une apprentie alors qu’il était si jeune, finalement. Il la remerciait, parce que le plus tôt elle sera formée, le plus tôt il pourra quitter ce monde cruel et insensible pour rejoindre un endroit plus doux, plus chaleureux, entouré d’étoiles. De ceux qu’il aimait.
Citron Vert vit une ombre s’avancer vers lui. Elle était petite, pas aussi petite qu’un chaton, mais pas très grande non plus. Ce n’était pas la carrure d’un guerrier qu’il voyait là, et cette silhouette n’appartenait pas à Paon du Jour.
Il plissa les yeux et attendit que le chat étoilé se présenta à lui.
Des couleurs apparurent soudain. Du feu sur la neige, de la glace qui vous observait. Ces yeux, il les connaissait. Ce pelage, il le connaissait également. Il sourit. Mais au lieu de sauter de joie, il éclata en sanglots. Il pleura, il pleura encore et encore. “Pourquoi ? Pourquoi est-ce que t’as abandonné de te battre ?” voulait-il lui crier. “Est-ce que tu m’en veux ? Est-ce que tu es déçu de moi ? Est-ce que tu t’es senti trahi lorsque tu t’es rendu compte que je n’étais pas capable de te sauver ?” voulait-il également lui demander.
Mais rien ne sortit.
Il était tétanisé.
Il voulait savoir, il voulait des réponses à ses questions.
Mais il avait peur aussi.
Il avait peur de ces réponses.
Il ne savait pas combien de temps il avait pleuré, ni pour quoi il avait pleuré exactement. Parce que même si une partie de lui espérait le voir chaque matin, l’autre avait complètement abandonné cette idée ? Parce qu’il s’en voulait de l’avoir en quelque sorte tué ? Parce qu’il était soulagé de voir qu’il acceptait quand même de venir à sa rencontre, après tant de lunes de silence ?
Il aurait souhaité être plus fort que cela, il aurait souhaité ne pas pleurer comme une madeleine dès que l’émotion devenait trop forte. Mais il savait que c’était faux. Il ne souhaitait pas cela. Il était fort, il le savait très bien, peut-être pas assez pour accepter sa mort, mais suffisamment quand même pour ne pas encore s’être suicidé.
Mais ce qu’il souhaitait, lui, c’était de serrer son meilleur ami dans ses bras.
Mais était-ce son voeu, à lui aussi ? Accepterait-il seulement une étreinte de sa part ?
Peut-être était-il en colère contre lui.
Alors Citron ne bougea pas.
Il essuya ses joues trempées avec sa patte et toussota pour s’éclaircir la gorge. Et malgré cela, un seul mot put sortir. « Titan. » Il ne savait que dire de plus. Il n’y avait rien à dire de plus, en fait. Ce n’était pas lui qui menait la danse, cela faisait bien longtemps qu’il le savait.
We inherited all of your magic
Show the fire we carry inside of us
We will honor your courage forever
Never rest until your dream is done
Feat Dusky
Before I go
Tell me how to be in this world,
Tell me how to breath in and feel no hurt,
Tell me how, ‘cause I believe in something,
I believe in us
Il s’en souvenait encore comme si c’était hier, comme s’il s’agissait encore d’événements récents. Sa chute. Petit, il avait eu le temps d’imaginer son dernier instant, avait toujours su qu’il ne vivrait pas vieux, qu’une maladie finirait un jour par prendre le dessus. Il s’imaginait alors rendre son dernier soupir, sortir de son corps en posant le regard sur sa dépouille encore tiède puis atteindre les cieux en s’envolant avec grâce pour rejoindre des ancêtres bienveillants. Non. Il n’en avait rien été, il s’était trompé sur toute la ligne. Ses rêves d’une mort douce et sans douleur ? Envolés. Partis en fumée. Il avait l’habitude d’être malade, de traîner son corps fourbu d’un bout à l’autre du camp, trop têtu pour reconnaître qu’il avait besoin de soins. Le mal rouge l’avait pris sans qu’il n’en ait été réellement surprise. Dès le début, il s’était su condamné. Le remède manquait et Nuage de Citron avait beau se démener comme un beau diable, les miracles n’existaient pas. Les miracles n’existent toujours pas.
Il s’était senti tomber. Comme si la gravité l’attirait brutalement dans un puits sans fond duquel il était dans l’incapacité de fuir. Il avait voulu ouvrir les yeux, prévenir celui qui prenait soin de lui depuis que les premiers symptômes avaient fait leur apparition chez lui, dire au revoir, lutter peut-être. Noir, tout était devenu noir. Il avait cru être devenu aveugle. Il se souvenait encore du sentiment de découragement qui l’avait envahi. Puis la réalisation. Et le choc. Le choc alors que tout s’était éclairé, que Nuage de Citron s’était approché, l’avait doucement secoué du bout de la patte. Il avait compris lorsque l’apprenti guérisseur l’avait traîné dans la clairière et qu’il était resté en arrière. Je suis mort. Machinalement, il avait suivi son meilleur ami. L’avait observé, le regard vide, se coller à son corps, pleurer, s’endormir et puis se faire réveiller par Mistral Lointain. Il l’avait vu se raidir, jeter un regard noir au guerrier qui avait osé troubler son deuil précipité pour le traîner sur quelques centimètres, l’écarter du défunt. De lui. Je suis mort. Il était resté longtemps face à son propre cadavre, sa réalité redevenue noire après le départ de Nuage de Citron. Il avait eu une pensée pour sa mère. Pour sa mère. Pour son père. Pour Nuage d’Écho. Pour Nuage d’Hermine. Pour Lune Ambrée. Pour Paon du Jour. Pour tous ceux qui avaient un jour croisé sa route.
Pour Citron.
« Tu ne dois pas rester ici. Viens avec moi, » avait dit la voix. Lorsqu’il s’était retourné, une silhouette au pelage étoilé lui avait souri. Il ne l’avait pas reconnue tout de suite, les yeux noyés de larmes. Les anciens lui avaient dit, lorsqu’il était encore tout jeune, que les ancêtres guidaient les morts vers leur dernière demeure. Renaissance du Phénix avait été là pour lui ce jour-là. Elle l’avait attendu puis l’avait guidé. À ses ancêtres, à ses pairs. À sa nouvelle vie. Encore aujourd’hui, il se sentait coupable. Coupable de s’être montré aussi passif, de s’être laissé prendre aussi facilement par la mort, d’avoir cédé aussi rapidement à l’étreinte de ses doigts glacés dans sa poitrine, enserrant son coeur faible. Il aurait aimé savoir se battre, avoir appris à tromper la faucheuse, à faire taire la maladie. À survivre, tout simplement. Parce qu’il avait laissé derrière lui un futur qui ne verrait pas le jour. Des proches qu’il ne pourrait plus enlacer. Des sentiments qui ne lui appartiendraient plus du tout, plus complètement. Il aurait voulu vivre pour voir le soleil se lever une dernière fois, pour adresser un dernier sourire réconfortant à sa mère qui s’inquiétait pour lui, pour rire à s’en faire mal aux joues, pour sentir le vent agiter sa fourrure une dernière fois.
Pour voir Citron. Une dernière fois.
De tous, il était celui avec qui il avait passé le moins de temps. Avec qui il avait le moins parlé, réellement parlé. Et maintenant qu’il était mort, il avait tant de choses à lui dire, tant de choses pour lesquelles il n’avait pas su trouver les mots lorsque son coeur battait encore, fort et vigoureux. L’avait-il remercié de son apprentissage accéléré et secret des plantes ? Il ne s’en souvenait plus. C’était une chose normale, il était mort, il n’avait plus d’ancrage, plus rien à quoi se raccrocher. Les étoiles les plus vieilles ne se souvenaient de rien sinon de leur devoir. Lui, il n’en voulait pas de ce devoir. Veiller sur les Clans. Pourquoi ? Pour les voir s’entretuer à la moindre occasion ? Être témoin de leurs actes plus monstrueux les uns que les autres simplement dans l’optique de grappiller quelques pauvres miettes d’un pouvoir devenu presque obsolète ? Pour voir les jeunes tomber malades et mourir sous les yeux de leurs parents, horrifiés, qui ne les rejoindraient pas avant de trop nombreuses lunes ? Il n’en avait que faire. Accueillir les nouveaux morts le rendaient malade. Tant de futurs brisés, de vies qui ne seraient pas vécues, de mots qui pour toujours resteraient tus.
Il priait pour n’avoir en aucun cas à accueillir Citron ici.
C’était de l’or, tu sais,
C’était comme de l’or notre histoire,
Et si je m’en sors à peu près,
Ne t’en fais pas qu’un jour ou l’autre je te retrouverais
Les cieux le faisaient se sentir seul. Il supportait de moins en moins les morts aux phrases cryptiques, pseudo philosophiques, qui n’atténuaient en rien la douleur qui le rongeait. Non. Pas la douleur. Le regret. Celui de ne pas avoir pu passer plus de temps en bas. Avec sa famille. Avec ses amis. Avec Citron. Oh darling, my soul, you know it aches for yours. Il le suivait du regard souvent. Trop souvent. Décelait la douleur dans chacun de ses pas, la peine dans chacune de ses inspirations. Le guérisseur exsudait la souffrance, une souffrance qu’il émettait par vagues, chacune plus violente que la précédente. Pourquoi personne ne venait l’aider ? Étaient-ils tous trop aveugles pour se rendre compte du mal qui détruisait Citron Vert ? Quelqu’un se souciait-il de lui pour autre chose qu’un remède banal ? Il aurait voulu vivre. Vivre pour épauler Citron, être à ses côtés, décharger ses épaules de son fardeau invisible. Être là pour lui.
Parfois, alors qu’il le contemplait, quelqu’un venait le rejoindre. Une fois, il s’était agi de Souvenir d’Antan. D’Éclat Lunaire. Ou de Renaissance du Phénix. La guerrière semblait l’avoir pris en pitié, il sentait son regard le brûler trop de fois pour qu’il puisse toutes les compter. Mais il n’avait eu le coeur de lui dire de le laisser tranquille. Elle était gentille et, si elle n’avait pas voulu répondre à ses questions quant à sa mort mystérieuse, elle ne parlait pas de façon cryptée, elle. De plus, elle avait cette lueur dans le regard lorsqu’elle observait Citron avec lui. Une affection non dissimulée avec une teinte d’amusement, vite rattrapée par une pointe de tristesse. Elle l’avait connu, brièvement mais le temps d’un bon moment. Elle n’avait plus personne en bas, elle le lui avait dit. Alors Phénix s’accrochait aux brefs moments passés avec les bonnes personnes, surveillant que tout se passe bien pour elles. Et pour lui aussi. Combien de fois était-elle venue le voir alors qu’il se mettait à pleurer en regardant Citron souffrir en silence ?
« Fous-moi la paix !
- Non.
- Va-t’en Phénix !
- Non.
- Je veux pas te voir, je veux voir personne !
- Tu veux le voir lui.
- Laisse-moi tranquille…
- Tu ne veux pas vraiment être seul, Titan. »
Non, il n’avait pas vraiment voulu être seul. Et elle avait compris. Compris qu’il avait besoin d’une présence à défaut d’avoir celle de Citron après de lui. Compris que lui non plus, n’allait pas bien, que sa propre mort était bien trop dure à accepter, qu’il lui était bien dur trop d’observer les vivants alors qu’il n’était plus auprès d’eux pour s’assurer de leur bien-être, de leur santé. Il avait pleuré tout son saoul ce jour-là. Pleuré jusqu’à ce qu’il ne ressente plus qu’un vide immense, pleuré jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien en lui, plus une seule larme. Puis il était parti sans se retourner sans un mot. Se promettant de ne plus se flageller ainsi. Certes, il aimait Citron, mais il s’était promis de ne plus revenir, d’oublier. Pour son propre bien. Il avait su dès le départ que s’il voyait sa mère ou même sa soeur, il finirait par s’effondrer, inévitablement. Mais pour Citron, il était resté, s’était borné à l’observer malgré le mal évident que cela lui avait causé, avait voulu veiller sur lui. Il n’aurait pas dû et il le savait. Mais il n’avait pas pu s’en empêcher.
Tout comme il n’avait pas pu s’empêcher de rompre sa promesse. Alors que la nuit avait fait glisser sur les Clans son manteau sombre et constellé d’étoiles, Titan observait Citron, les yeux brillant et le coeur serré. Il avait encore pris de la camomille. Pouvait-il encore dormir sans l’aide de la plante ? L’ancien apprenti l’ignorait. J’aurais dû vivre. Vivre pour veiller sur Citron, pour être là en chair et en os, pour être plus, autre chose qu’un souvenir douloureux, pour se blottir contre lui en oubliant le reste du monde comme il l’avait fait lorsque son ami avait été anéanti par la mort d’Éclat Lunaire. Can we make it better ? ‘Cause I’m losing hope.
Et soudain, une ouverture. Infime. Comme une porte légèrement entrebâillée où se glissait un souffle léger, un souffle qui appelait Titan, l’attirait à Citron comme un aimant irrésistible. L’étoile ne résista pas, ne comprit qu’à moitié ce qu’il se passait. Il allait voir Citron. En rêve, certes, mais il allait le voir, songe-t-il alors que le décor prenait forme autour de lui. Les arbres dont la cîme disparaissait dans l’immensité du ciel dégagé, atteignant les étoiles, bruissaient sous l’influence de la douce brise de la nuit. La lune rayonnait de mille feux au-dessus de lui, à peine obstruée par les quelques volutes blancs parsemant le ciel. Il faisait bon, légèrement frais mais rien de désagréable, rien qui ne vienne troubler la sérénité et l’excitation, mélange étrange, que ressentaient Titan. Une silhouette. Qui se dessinait au loin. Sa silhouette. Titan s’avança d’un pas mal assuré, presque tremblant. Il avait peur. Peur de se tromper. Peur de devoir faire face à la colère du guérisseur ou pire, à son indifférence. Il n’en était rien. Lorsqu’il l’atteignit, Citron était en train de pleurer. Sans retenue, comme Titan à peine quelques jours plus tôt.
After the wreckage,
After the dust,
I still hear the howling, I still feel the reach,
Over the riots, above all the noise,
Through all the worry, I still hear your voice
« Titan. »
Il cessa d’hésiter, n’avait plus peur ou juste un peu. Il combla la distance entre eux, chercha à capter sa chaleur mais n’y parvint pas. Je suis mort. Il avait vu tant de défunts observer les vivants à ses côtés, plus ou moins loin, plus ou moins distants. Chacun avait cette lueur dans le regard, cette même tristesse, cette même nostalgie qui semblait les traverser de part en part sans daigner lâcher prise. Ce même désespoir de ne plus pouvoir être aux côtés des êtres aimés. Il avait vu Audace des Cieux contempler avec accablement ses enfants grandissant sans elle, il avait vu Fragrance des Roses s’énerver avec impuissance lorsqu’un guerrier, Ciel Déchiré, s’était adressé à sa fille avec des mots plus que déplacés, il avait vu le regard empreint de regret de Prédilection Mortelle, ancien lieutenant du Clan de la Rivière alors qu’il observait son Clan se reconstruire. Tant de douleur se renfermait en ces êtres dont la vie était partie en fumée. À côté d’eux, il avait l’impression que sa douleur à lui était illégitime. L’impression qu’il ne méritait pas d’un jour revoir Citron alors qu’eux méritaient tout le bonheur que la vie après la mort pourrait leur offrir. Mais alors qu’il se trouvait devant Citron, son Citron, tous ses doutes s’envolaient pour ne laisser place qu’à une émotion poignante. « Citron, » lâcha-t-il dans un souffle avant de fermer les yeux sous le coup des sentiments se bousculant dans son coeur. Lorsqu’il parvint enfin à chasser les larmes qui lui étaient montées aux yeux, il s’efforça d’accorder à son ami son sourire le plus sincère. « Tu… Je suis désolé de plus être là, j’aurais dû me battre et même en étant mort je… J’aurais dû venir plus tôt mais je pouvais pas, j’y arrivais pas mais je t’observais et je… Faut que tu t’en sortes, faut que l’un de nous s’en sorte, » parvint-il à articuler avant que sa voix ne finisse par se briser sur les derniers mots. Le noeud dans sa gorge se resserre, prend toute la place et l’empêche d’ajouter quoi que ce soit. Il craint le jugement de Citron, craint sa colère, sa rage peut-être.
(c) Sun for Biket only