journée de deuil national ☣ libre

Aujourd’hui, je ne me réveillerai pas.

Alors non, cette fois, c’est pas moi qui l’ai décidé, croyez-le ou non, donc ne venez pas me traiter de feignasse ! Parce que ouais ouais, j’vous vois carrément venir, sous prétexte que je fous soi-disant pas grand chose, j’en profiterai pour me taper la meilleure grasse mat’ de ma vie. Et bah déjà c’est faux, je fous pas rien dans la vie, et euh j’ai pas choisi. Et ce que je vais dire va vous rendre tout triste, alors sortez la boîte de mouchoirs : mon cœur s’est juste arrêté. C’est donc lui le paresseux, dans c’t’histoire.

Ça y est, on me croit maintenant quand je dis que c’est pas de la fainéantise ? Pourquoi j’ai arrêté de respirer ? Mais j’en sais foutrement rien. J’suis pas guérisseur, allez demander à l’autre tordu de Spectre de Lumière. Ah non, c’est vrai, il a crevé avant moi, désolé ça m’a échappé, demandez à Lueur Abyssale bien sûr. Vous saurez peut-être pourquoi je ne me suis jamais réveillé ce matin-là, mais moi non, jamais. J’pense que mon cœur s’était dit que c’tait le bon moment, que de toute façon, fallait lâcher prise un jour ou l’autre, et que ce jour-là était arrivé. C’est carrément arbitraire tout ça, j’vous l’accorde. En plus j’ai quoi, 80 lunes ? Ça fait quasiment sept ans. J’suis carrément pas vieux, loin de là, j’étais encore dans la force de l’âge ! Bon, vu les risques qu’un guerrier encourt au quotidien, j’suppose que c’est honorable, mais pour un chat domestique par exemple, ça craint vraiment ! J’aurais pu faire le double, facile ! Bah non, tss, au moins j’serais mort après ce salopiaud de Spectre de Lumière. On pouvait pas coexister, alors un serpent l’a tué. Mais ce qui est con, c’est que j’ai pas trop profité de ma liberté après sa mort. J’veux dire, j’aurais pu profiter encore plus.

Quoiqu’il en soit, j’espère que vous allez pleurer comme jamais, que vous allez vider toutes les larmes de votre corps, et plus encore même. Bon déjà, faudrait sûrement que quelqu’un tente de me réveiller pour me faire travailler, ça devrait pas être très compliqué. Suffit que le lieutenant passe par là, par exemple. De toute façon, ça va être horrible ce que je vais dire, mais ils vont être obligés de remarquer que j’suis mort un jour ou l’autre parce que je vais embaumer toute la tanière des guerriers, j’vous le dis ! Laisser un cadavre comme ça, en plein milieu de la tanière, ça me semble pas être un bon plan.

Putain quand j’y pense, j’ai survécu à toutes ces guerres, l’incendie, l’épidémie de mal rouge, les pièges de Spectre de Lumière, les griffes acérées d’Araignée Noire, j’ai échappé de justesse à l’assaut des chats mercenaires du Clan de la Rivière… pour crever dans mon sommeil ! Elle est pas bonne, celle-là. Où vais-je, maintenant ? Où vont les morts ? Les plus naïfs croiront qu’on va au Clan des Étoiles, mais là j’vois pas. J’y ai jamais cru, j’avais bien fait : y’a rien. Rien de rien. Juste maintenant, j’suis une âme qui vagabonde. Un fantôme, dont personne ne se souviendra peut-être.