Histoire

Depuis l'ère de guerres, de trahisons, de morts et de peine que la forêt de CerfBlanc avait vécu, les Clans commençaient à se remettre sur pattes. Le Clan de la Rivière, particulièrement, où les naissances donnaient l'impression de suivre le cours de la rivière. Un couple, Épine d’Or et Pelage de Lune, attendait une portée. Deux guerriers qui s’aimaient, jeunes, forts et en santé, ça ne pouvait présager que du bon pour les futurs chatons, non ? Et pourtant. Épine d’Or était de patrouille pour chercher un remède d’une maladie qui durait depuis bien longtemps déjà. Sous la couche de neige que recouvrait le sol, la glace demeurait, toujours aussi dure et froide. Une seconde. Une seule seconde avait suffi à la future mère pour perdre pattes et atterrir directement sur le ventre, causant plus tard quelques problèmes pour la portée qui allait naître sous peu. Patte de Pluie, la femelle, était aveugle. On ne le sut pas immédiatement, les chatons n’ouvrant leurs yeux pour la première fois qu’à l’âge de deux lunes. Lorsqu’ils étaient plus actifs et commençaient à courir partout, il n’était pas rare que la petite fonce tête première dans les autres reines, ou encore dans les fondations de la pouponnière, ce qui devenait de plus en plus alarmant. Quant au petit, Petit Ruisseau, il semblait apprendre et réagir beaucoup plus lentement que les autres chatons, et parfois, semblait perdu. Ils ne manquaient toutefois pas d’amour, leurs parents les élevaient du mieux qu’ils pouvaient.

Lorsqu’ils eut six lunes, il fut enfin temps pour eux de sortir de leur nid et de se faire assigner un mentor. Malheureusement pour Nuage de Pluie, elle ne pourrait jamais devenir guerrière, de part sa cécité, et dut emprunter la voie de guérisseuse avec pour mentor Bruyère Sauvage, une femelle ronchonne mais juste. Étoile Courageuse avait fait un choix un peu étrange pour Nuage de Ruisseau, en lui assignant Sakari, une ancienne domestique qui avait aidé à sauver Croc du Caïman lorsqu’il était apprenti. Mais au final, la douceur et la patience de la féline blanche était un match parfait pour le jeune mâle.
Ne pas remarquer le retard d’apprentissage de Nuage de Ruisseau aurait toutefois été difficile. Malgré tous les efforts, le temps passé avec son apprenti, il n’arrivait pas à retenir de simples trucs, comme le marquage des frontières.

“Nuage de Ruisseau… je pense qu’il va falloir augmenter tes entraînements si tu veux être nommé guerrier à temps…”

Ce n’était pas contre son apprenti. Sakari faisait de son mieux, il souffrait juste d’un trop grand retard. Ça la peinait, bien entendu, de devoir le lui dire ainsi, mais elle avait un devoir à faire, et maintenant âgé de dix lunes, son évaluation approchait dangereusement. Pourtant, aucun des deux n’avait un mauvais fond, et tous les deux faisaient de leur mieux pour arriver à quelque chose de potable. Comprenant que la guerrière ne souhaitait en aucun cas blesser le jeune dans ses propos, il redoubla d’efforts, tentant de mémoriser toutes les choses qu’on lui avait apprises. Même s’il était épuisé, à la fin de la journée, il était toujours fier de ses progrès considérables. Il trouvait même le temps, presque à chaque jour, d’aller voir sa sœur et la bombarder de ses monologues sans fin. Finalement, le jour de son évaluation était arrivé. Nuage de Ruisseau était tendu, stressé, il avait tant travaillé.

“Reste calme, tout va bien se passer. Tu devras te rendre jusqu’à l’Arbre aux Chouettes, y faire ton marquage. Tu devras cependant attraper une ou deux proies à ton allée. Après, on attaquera la partie combat.”

Malheureusement pour le jeune chat, ayant pris trop de retard, il échoua la partie combat. Même si cela lui brisait le cœur, Sakari devait faire un retour sur sa journée. Elle devait être honnête. Aucun baptême ne lui serait donné à ses douze lunes. Redoublant encore une fois ses efforts, souhaitant rendre ses parents fiers, il put recevoir son nouveau nom à ses quinze lunes. Onde du Ruisseau. Il aimait bien. Le nouveau guerrier était fier de lui, même s’il était prêt à avouer que rester toute la nuit à garder le camp sans parler avait été la chose la plus dure qu’il avait eu à faire.

Il ne fallait toutefois pas trop lui demander. Onde du Ruisseau était très certainement le guerrier le plus faible de son Clan, par extension, il ne put rien faire contre l’attaque des solitaires et la trahison de Sourire Espiègle, un guerrier vétéran et bien plus fort que lui. Il se contentait de protéger sa sœur. Au péril de sa vie.