On reconnait le bonheur au bruit qu'il fait en s'en allant [ft. Tyran des Ombres]
Le personnage
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On reconnait le bonheur au bruit qu'il fait en s'en allant
- ft. Biket -
Je ne lui ai pas reparlé depuis. Ça fait combien de lunes ? Je ne sais pas, j'ai peur de compter. J'ai peur que ça fasse vraiment beaucoup. J'ai peur du temps qui passe alors que je ne peux rien faire pour l'empêcher de défiler. Ça, ça me terrifie. Et plus le temps passe, plus j'ai peur, moins j'ose l'affronter. Je ne sais même pas quoi dire. Je serais incapable de ne serait-ce que lui dire "bonjour". Il ne s'est rien passé depuis. Rien. Je n'ai fait aucun effort, aucun pas vers lui. Rien du tout. J'aurais pu, depuis tout ce temps, mais je n'ai rien fait. J'avais trop peur. Peur de quoi ? De mon fils ? Non, pas de lui. De sa réaction. Peur d'affronter la vérité, au fond. C'est ça, qui me terrifie. C'est de faire un pas vers lui alors que... Je ne sais pas. Tout est bizarre. Je lui ai sauvé la vie alors qu'il ne voulait pas la garder. Cette même vie que j'ai en partie abusée, ignorée.
Je n'ai jamais eu affaire à ça. C'est bête de dire ça. Personne n'a jamais affaire avec ça. On n'en revient pas, il faut croire, la plupart du temps. Je ne sais pas si on lui a dit, d'ailleurs. Si le guérisseur lui a dit, s'il l'a mis au courant. Je ne sais même pas s'il lui a demandé. Je n'ai rien dit. Je n'ai rien à dire. Je n'ai jamais rien eu à dire de toute façon, parce que je ne l'ai jamais compris. J'ai toujours eu du mal. Tout s'est toujours passé si... étrangement, entre nous, entre Tyran des Ombres et moi. Tout se passe toujours bizarrement. Sauf que le temps passe et que les choses ne se règlent pas. Cette chose-ci, elle ne fait pas partie des choses qui se règlent avec le temps. Elle ne fait pas partie d'une vie tout court.
Il a essayé de se suicider. Il a essayé, et le Clan des Étoiles l'a renvoyé vers moi. Ça ne peut pas être une coïncidence. Pourquoi ça aurait été à moi de le retrouver là ? Qui l'aurait fait, à ma place. Et surtout, qui aurait averti le guérisseur en voyant son corps inerte, au milieu des baies empoisonnées ? Tyran des Ombres est loin d'être le guerrier le plus apprécié du Clan de l'Ombre. Et pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi je n'arrive pas à le cerner, pourquoi est-il si... Pourquoi il est comme ça ? J'ai essayé de comprendre, je n'y arrive pas. J'ai tout fait, pourtant. On a tout fait, avec Bourrasque Hivernale, à l'époque. Est-ce que c'est juste de l'attention de ma part dont il avait besoin ? Sûrement. Mais un manque d'attention ne résulte pas en ça, si ?
Et voilà que je me retrouve au même point. À essayer de réparer. Réparer ce que je brise. Tous ceux à qui je touche en pâtissent. Je ne sais pas ce que je fais de mal, honnêtement. J'essaye d'être là pour tous, tout le temps. Ce qui fait que je suis nulle part, au final. C'est tout le temps la même histoire. Toujours. Rien ne change et je n'apprends pas de mes erreurs. Est-ce qu'aujourd'hui va changer grand chose ? Sûrement pas, non. Ce ne sont pas les quelques ridicules mots que je vais réussir à aligner devant mon fils qui vont changer le cours de l'histoire. Déjà faut-il que j'arrive à en aligner correctement, et c'est pas gagné.
Je me sens démuni face à lui. Inutile. J'ai constamment ce goût en bouche qui me rappelle l'échec. Qui me rappelle à quel point j'ai tout foutu en l'air alors qu'il ne suffisait de pas grand chose pour pouvoir y remédier. Cette lame au travers de la gorge dès que j'aperçois sa carrure se faufiler quelque part dans le camp. Et c'est toujours la même histoire. Et ça fait des lunes que ça dure.
Qu'est-ce que je vais faire ? L'aborder, là, comme ça, sans mise en garde ? Prétendre à une patrouille avec moi ? Je l'ai trop fait. Et s'il refuse ? J'aurais l'air si con. Je me vois déjà, là, au milieu des grottes du camp, alors que Tyran des Ombres m'aura déjà laissé dans le vent. Tant soit peu que j'arrive ne serait-ce qu'à l'approcher. Je vais pas aller le coincer dans un coin comme une proie, c'est beaucoup trop cruel et... je crois que j'en suis juste incapable.
Il est là, devant moi, bien présent et pourtant si insaisissable. Mon propre fils, à qui je ne suis même pas capable de dire "bonjour". Mon cerveau est vide et rien d'autre que cette prétention ne patrouille ne parvient à y mûrir. Tant d'expériences en raccommodage (merci Bourrasque Hivernale pour l'entraînement, tu m'auras au moins laisser quelque chose de positif) et pourtant incapable de ne serait-ce que m'en approcher. Je me suis élancé, et c'est trop tard. J'arrive devant lui. Muet. Aucun son ne sort de ma bouche pendant quelques secondes. Je suis trop étonné de m'apercevoir qu'il fait la même taille que moi – s'il ne m'a pas dépassé. C'est l'âge, ça me tasse.
"Tu as bien contrôlé les frontières ?" Je n'ai jamais dit ça de ma vie. Personne n'a jamais dit ça de sa vie, et encore moins à un grand adulte comme Tyran des Ombres. Je me mords l'intérieur de la joue. Peut-être qu'il est déjà temps de rentrer dans ma tanière, après tout.
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- Beaucoup d'allusions/mentions d'une tentative de suicide quand même
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Parfois encore, il y repensait.
A ses pattes foulant le sol, aux baies glissées entre ses crocs pour qu’aucune patrouille ne puisse le surprendre ni assembler les pièces d’un puzzle trop funeste pour être contemplé, au soleil déclinant et ses yeux brûlants. De haine, de larmes, de défaite. Toutes ces émotions trop compliquées qu’il avait toujours mises de côté, sorties à l’air libre en une implosion trop intense d’un bien macabre désespoir. Mourir. L’idée ne lui avait pas semblé si irréalisable que ça, pourtant, cette même idée qui parfois revenait prendre son cœur en otage, le tiraillait bien plus qu’il n’était désireux de l’admettre.
Mais même s’il faisait tout pour oublier, Tyran des Ombres ne pouvait pas échapper à la réalité. Il avait voulu en finir, abréger ses propres souffrances, s’offrir la délivrance. Et ses ancêtres avaient refusé sa venue, avaient permis à Lueur Abyssale de le ramener d’entre les morts pour lui infliger à nouveau la douleur d’une vie dénuée d’intérêt.
Pourtant, il n’avait pas réessayé.
Il s’était réveillé le lendemain, la gueule pleine de bile et le corps empli de honte, n’avait pas adressé un mot à l’apprentie qui l’observait, une lueur inquiète dans le regard, avait fait comprendre au guérisseur qu’il ne lui demandait pas son avis pour déguerpir, avait soigneusement évité son père, son regard, ses mots, ses reproches. Quitte à l’accabler, pourquoi avait-il dû échouer ? De ses deux fils, il avait conscience de ne pas être le plus désiré ou du moins le plus aimé et pourtant, seul Tyran des Ombres demeurait.
Fatale Espérance n’était plus que souvenir, corps vide de vie enterré six pieds sous terre, son âme partie rejoindre celle de leurs ancêtres qui avaient dû l’accueillir à bras ouverts tandis que Tyran des Ombres foulait encore cette terre maudite dont il avait vainement tenté de se séparer. Même eux, n’avaient pas voulu de lui, même eux, l’avaient négligé. Quelle leçon était-il censé en tirer ? S’attendaient-ils à ce qu’il se montre repentant ou pire, reconnaissant ? Jamais.
Plutôt échouer à nouveau.
Et maintenant, sur qui porter le blâme ? Un frère qui n’était plus parmi eux ? Une mère qui s’en était allé, elle aussi, jamais aimée, jamais aimante ? Une sœur de laquelle il ne s’était plus approché depuis l’enfance ?
Ou plutôt sur un père ? Peut-être aimant, toujours distant. Un père qui n’avait jamais pu l’apprécier comme il avait apprécié son frère, un père qui n’avait rien fait pour le protéger de ses préférences ni de celles de sa mère, un père qui peut-être tenta de lui tendre une perche, une fois, alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Un père qui n’avait pas été là, qui avait laissé sa mère le nommer Tyran sans protester, trop pris par ses responsabilités pour se rendre compte que l’absence forgeait en son fils aîné un tempérament regrettable. Acteur absent, tel fut le rôle tenu par Étoile Fragmentée dans la vie de son fils dont la loyauté vacillait jour après jour, dont l’envie de faire ses preuves s’était bien vite évaporée.
Quel intérêt ? A quoi bon se battre pour de pauvres miettes d’attention quand tous les yeux braqués sur les faits et gestes de Tyran des Ombres se faisaient critiques et désapprobateurs ? Était-ce donc de sa faute, s’il était ainsi ? Avait-il donc choisi de grandir dans ces conditions, était-elle inévitable cette hargne qui emplissait son cœur, déformait tous ses mots, renforçait tous ses os d’une armure glaciale qu’il était incapable de délaisser ?
Était-il celui qu’il fallait blâmer ? Il s’y refusait, préférait tourner sa colère contre le paternel car c’était plus facile, plus évident. Plus justifié.
Et c’est ce même père qui vient se planter devant lui, garde le silence, bouche béante, et Tyran des Ombres ne sait que faire ni que lui dire. Le bousculer, l’ignorer, lui adresser une énième cruauté qu’il ne garderait cette fois pas dans sa tête tourmentée ? Comment agit-on, avec celui qui nous a sauvé ? Comment fait-on fi de la rage qui bouillonne, là, à l’intérieur ? De ces cris rageurs, presque vengeurs, qui veulent tout démolir pour n’épargner rien ni personne, et surtout pas leur sauveur ?
Pourquoi lui paraît-il si petit à présent ?
« Tu as bien contrôlé les frontières ? » qu’il lui demande, les mots chargés d’un sens que Tyran des Ombres laisse s’échapper. Il n’a aucune envie de répondre, aucune envie de faire face à son chef, ton père envers et contre tout, ton père que t’aurais aimé rendre fier, encore moins à celui qui avait participé à lui faire cadeau de cette misérable existence. Il est incapable de le regarder dans les yeux, d’affronter son regard et la réalité qui s’y reflète, de savoir que lui aussi, sait, que lui aussi, a finalement été témoin de sa faiblesse. Que lui aussi, il n’oublie pas ce jour fatidique où tout a changé.
« Parce que ça t’importe ? » crache le guerrier en observant un point fixe près de l’épaule d’Étoile Fragmentée, ton père malgré tout, ton père qui t’a rendu si amer, auteur négligent d’un destin tragique. Il ne le regarderait pas, ne braverait pas ses yeux ni son propre reflet, se déroberait s’il essayait.
Tyran des Ombres, il n’oublie pas. Les feuilles mortes qui glissent sous le poids de son corps inerte, la lune qui resplendit dans le ciel d’une clarté trop cruelle, la pression dévastatrice sur sa cage thoracique. Et les yeux de son père.
Emplis d’émotions qu’il ne saurait affronter.
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On reconnait le bonheur au bruit qu'il fait en s'en allant
- ft. Biket -
Il n'est que le reflet de mes échecs et c'est ça qui me consume. Il est la porte ouverte à tout ce que j'ai fait de travers dans ma vie. À tout ce que j'ai raté. Et je ne peux rien faire d'autre que de l'observer. C'est pour ça que c'est si dur. C'est peut-être juste une question d'égo. Je refuse cependant de croire que je fais ça exclusivement pour moi, pour mon égo. Ce même égo ne me pousserait pas jusque là. Il me dirait de tourner la tête, de tracer une ligne droite et de ne pas me retourner. Il ne me dirait pas d’absolument essayer de réparer le dialogue entre mon fils et moi.
Car c’est mon fils, c’est toujours mon fils, et ce peu importe ce qui a pu se passer entre nous. La chair de ma chair, le sang de mon sang. Ce n’est pas parce que je ne suis plus avec sa mère que je ne suis plus son père. Il est mon fils, qu’il le veuille ou non. Que je le veuille ou non. Je l’ai connu, si petit, si frêle. Il a grandi, certes, mais j’ai en tête cette image de lui et de la joie que j’ai ressentie quand je l’ai entendu miauler pour la première fois. Je me souviens de chacun de ces moments-là comme s’ils n’avaient eu lieu qu’hier. J’emporterai ces souvenirs jusque dans la tombe.
Et ça a beau avoir merdé, je l’aime. C’est variable, certes, ça change selon moi, selon lui, selon nos actes et nos paroles, mais je continue de l’aimer. C’est juste que je ne sais pas l’exprimer, ou en tout cas, lui exprimer. Cela fait trop longtemps que nous avons coupé le contact pour encore pouvoir se comprendre aujourd’hui. Je dois tout apprendre ; tout réapprendre. Un langage totalement différent, et tout ça pour simplement lui dire qu’il compte pour moi.
Rien n’a été aussi difficile avec son frère et sa sœur. Je n’ai pas eu à affronter ces épreuves parce que nous avons continué à parler la même langue, à se comprendre. Mais ce n’est pas ce qui est arrivé avec Tyran, et voici où nous en sommes, aujourd’hui.
Mes yeux n'arrivent pas à attraper les siens. Mon regard ne croisera pas le sien, tout simplement parce qu'il l'évite sciemment. Et je le comprends. Si ce n'était pas moi le père, dans l'histoire, j'aurais fait pareil. Ça n'a jamais été facile d'être adulte, encore moins chef. Et loin devant, être père. C'est une épreuve plus épuisante et insurmontable que celle de devenir chef.
"Parce que ça t’importe ?" J’en ai marre de sentir mon coeur qui se fragmente dans ma poitrine à chaque fois que mon passé alimente mon présent. J’en ai marre de sentir mon corps s’effondrer sur lui-même, de sentir mes organes tomber dans mes pattes à chaque fois que je ressens sa haine. La haine dans laquelle il a grandi, la haine qui l’alimente, la haine dont j’ai allumé la mèche et sur laquelle je continue de verser de l’essence à chaque fois que j’essaye de faire quelque chose de bien.
Est-ce que ça m’importe, alors ? Non. Définitivement, non. Les tâches des guerriers ne sont même plus de mon ressort, c’est Coeur de Grizzli qui s’en occupe, maintenant. Je ne fais que miauler pendant les baptêmes et partir chasser avec Azurite Fragmentée. Alors les frontières, j’en ai plus rien à foutre. “Non, Tyran des Ombres, c'est bien le cadet de mes soucis"
Est-ce que c'est le moment d'avoir la conversation, là, au milieu de la clairière ? Peut-être oui. Les chances que l'occasion se renouvellent sont minces ; et ne je parle de nous retrouver nous dans le camp, je parle bien de moi qui trouve enfin les couilles de lui adresser la parole.”Par pitié, regarde-moi.” je murmure, sentant les larmes monter. “Parle-moi, Tyran, dis-moi quelque chose.” Ma voix se brise. C’est donc ça, d’être père ?
Crache-moi toute ta haine, mets moi une baffe, mais par pitié, fais quelque chose.
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Feat Étoile Fragmentée
« Non, Tyran des Ombres, c'est bien le cadet de mes soucis. » Et ce n’est rien de plus qu’un soupir, un aveu sans importance qui fait pourtant monter en Tyran des Ombres une amertume bien trop familière. Bien sûr qu’il ne vient pas le voir pour discuter des frontières, de la pluie ou du beau temps, du chant des grenouilles ou de celui des corbeaux, parce que ce serait trop beau, trop inhabituel. Et il ne veut pas se plaindre, Tyran des Ombres, non, parce qu’il ne souhaite pas avoir ce genre de conversation, pas avec qui que ce soit et encore moins avec son père. Mais les faux-semblants, les non-dits qui se cachent derrière des phrases cryptiques, ce n’est pas pour lui, c’est ce qu’il souhaite éviter plus que tout.
Ce qui sera sa ruine.
Et ils sont au milieu de la clairière, au milieu du camp où les guerriers vont et viennent, où les apprentis se chamaillent tandis que les anciens se prélassent, là où tout le monde vaque à ses occupations mais peut jeter un coup d’œil dans leur direction et déceler cette tension qu’ils ne sauraient dissimuler. Ils le savent probablement tous, à quel point il méprise son père, la façon qu’il a de ne pas parler de lui, ne pas prononcer son nom, l’effacer de sa vie pour prétendre qu’il n’existe pas, qu’il n’a pas sur lui une emprise qu’il refuse de reconnaître. « Par pitié, regarde-moi, » qui résonne entre eux, à peine plus qu’un murmure, quatre mots que le guerrier aimerait se convaincre d’avoir rêvés.
Il s’obstine à regarder au loin, fixer l’épaule de son père puis au-dessus de sa tête car ses yeux sont insoutenables, il le savait d’avance. Il s’obstine alors même qu’il sent les larmes lui nouer la gorge et la frustration lui agiter le cœur, il s’obstine à détourner le regard, prétexter que le soleil l’éblouit trop pour qu’il se confronte à l’océan de remords qui l’attend là, juste devant lui. Non, il ne croisera pas ses yeux, non, il refusera tout compromis.
« Parle-moi, Tyran, dis-moi quelque chose. »
Mais qu’y a-t-il à dire, que pourrait-il bien lui raconter et surtout, que veut-il entendre qu’il ne peut pas comprendre lui-même ? C’est donc ça qu’il veut, son père, le torturer un peu plus, remuer la griffe dans la plaie et y jeter du sable pour que leur relation s’infecte, s’empire et se brise plus que cela n’a déjà été le cas ? Quel est le plan, quels sont ses desseins, à Étoile Fragmentée ? S’il désirait achever le dernier fils qu’il lui restait, il aurait fallu qu’il le laisse seul dans la forêt, il aurait fallu qu’il se détourne, ferme les yeux, ne cherche pas à le pister, le fliquer, le ramener au camp puis à la vie.
Il n’avait rien demandé, Tyran des Ombres, n’avait pas voulu qu’on le retrouve, aps voulu survivre, pas voulu que toute cette mascarade se poursuive et pourtant, le cirque était de retour en ville, que tout le monde se dote de son masque, la tragédie continuait, les actes s’étendaient et il n’en pouvait plus parce que quand allait-il enfin avoir le droit de respirer, d’estimer que sa propre vie lui appartenait à lui, lui, seulement lui, pas à son père, pas à ce réalisateur négligent, cet auteur absent, cette présence omniprésente qui n’avait pourtant pas de visage.
Hein, quand ?
La tension semble monter, il la sent, presque palpable entre eux. Alors Tyran des Ombres fait ce qu’il a toujours choisi de faire lorsque le conflit n’en valait pas la peine, lorsque le pari était trop risqué. Il se détourne, ne croise toujours pas le regard de son père, se refuse à lui accorder la moindre victoire et pourtant, pourtant, les mots lui brûlent la langue, remonte dans sa gorge comme la bile le ferait s’il avait quoi que ce soit d’autre que du venin à cracher.
« Je n’ai rien à te dire. »
Tu n’avais pas le droit, pas le droit de me trouver, de me ramener. Tu l’as perdu, ce droit, tu l’as perdu, cette responsabilité de père, cette place dans ma vie. Mais cette fois-ci rien ne lui échappe, aucun mot ne se précipite au-delà de la barrière de ses lèvres et l’amertume ne fait qu’enfler en lui. Non, il ne lui dira pas tout ça, ne lui dira rien. Parce qu’il avait tout perdu son père, et peut-être qu’il méritait cette claque silencieuse, peut-être qu’il méritait de se rendre compte que le jour où il avait enfin décidé de lui prêter attention après des lunes et des lunes d’ignorance bienheureuse, il avait tout envoyé en l’air, tout ruiné.
« J’aurais préféré que tu ne me trouves pas. » Et c’est plus fort que lui, plus fort que tout, ces quelques mots qui s’envolent dans l’air sans en demander l’autorisation, c’est plus fort que lui, Tyran des Ombres a besoin de faire mal, de laisser le sang s’écouler d’une blessure qui ne guérit pas, qui n’a de cesse de pulser, encore et encore, depuis des lunes, depuis des années. Qu’il soit donc fidèle à son nom, qu’il déverse sa haine sans s’en cacher, il en avait bien le droit, non ?
Et s’il devait emporter son père dans sa chute, il le ferait.
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Fais quelque chose ? Ou juste dis quelque chose ? Car la dernière fois qu’il a fait quelque chose, ça aurait pu être la dernière. Ce n’est pas un conseil à donner. Ce n’est qu’une erreur de plus à ajouter à la liste, après tout – elle est déjà si longue que je me fous de ne pas utiliser les bons mots, actuellement.
La peur de le perdre. La peur de voir mon fils mort. La peur qu’il n’existe plus dans cette dimension où moi, je continuerai de vivre. Et cette pensée qui part et qui revient, inlassablement, comme un yoyo, comme les marées. Que je suis passé si proche, tellement proche. Si proche de me dire que j'aurai toujours quelque chose à regarder en arrière et jamais quelque chose à regarder en avant si jamais sa tentative avait réussi.
Que l’avenir se serait écroulé, que Tyran n’aurait été à jamais qu’un souvenir. Et j’ai peur, oh Clan des Étoiles, j’ai si peur. Si peur, si apeuré, de me dire que je n’y arriverai jamais, que je ne serai jamais qu’un maladroit vocal, qu’un mauvais père, qu’un père absent, qu’un inconnu qui ne partage rien avec Tyran des Ombres, jusqu’à la fin. J'ai peur que ce soit tout ce que je serai jamais.
Et le passé me ment : il a ce côté nostalgique qui, se trouve, n’a jamais existé. Cette nostalgie qui me donne une raison de penser que j’ai encore à faire partie de sa vie, que j’y ai une certaine légitimité. Je ne l’ai pas sauvé – ce n’est pas ce que j’appelle sauver. Je ne mérite rien, je ne mérite pas. Et il a raison, de ne pas vouloir me regarder, de ne pas vouloir m’adresser la parole, de m’éviter, de ne pas m’appeler “papa”.
Et j’ai envie de le saisir, j’ai envie de le bousculer, j’ai envie de lui tenir la tête entre mes pattes pour qu’enfin, il daigne m’accorder un regard. Les larmes se sont formés sur les extrémités des mes yeux et mon prochain mouvement les fera sillonner mes joues.
“Je n’ai rien à te dire. ”Et c’est presque un soulagement, sa voix, ses mots. Ils n’ont pas besoin d’être positifs ; je ne le leur demande pas, je sais ce qui se joue, là. Mais ces quelques mots, sans même pouvoir être sûr qu’ils me sont destinés vu la minutie qu’applique Tyran des Ombres à éviter toute interaction, sont comme de l’or. Une si infime flamme dans l’obscurité qui s’est trop longtemps installée.
“J’aurais préféré que tu ne me trouves pas.” Les montagnes russes. Quelques secondes d’espoir et les barrages cèdent, les larmes coulent, de chaque côté, parallèles, si bien rangées alors qu’à l’intérieur, c’est le chaos. C’est si douloureux. Et l’âge, l’expérience n’aident en rien : j’ai toujours aussi mal. J’ai si mal. Est-ce que j’aurais finalement préféré qu’il ne me dise rien ? Peut-être. Oui. Si, en fait. Tout, sauf ça. Dans la panoplie de scénarios que j’avais pu m’imaginer, celui-ci n’entrait même pas dans la liste.
Je ne le connais pas. J’ai l’impression, à chaque fois, qu’il y a tout de même quelques ressemblances : je me trompe grandement. Je ne connais pas mon fils. Je ne connais pas Tyran des Ombres. Et j’ai si mal. Autant que lorsque j’ai appris la mort de Nuage du Jade ? Non. C’est différent. Ça n’a rien à voir et je ne trouve même pas les mots pour l’expliquer. Le guerrier qui se tient devant moi m’est totalement inconnu.
Et je ne veux pas. Il n’a pas le droit. Adulte ou pas, guerrier ou pas, indépendant ou pas ; il fait ce qui lui plaît, mais il ne mourra pas. C’est interdit. Je lui en interdis. Mes sourcils froncent, étirent mes yeux, font couler les larmes toujours un peu plus. C’est de la rage que je ressens, mais elle n’est pas orientée vers mon fils : elle me revient à moi.
“Tu ne partiras pas avant moi, que tu le veuilles ou non.” Et c’est presque une menace, en fait. Ce n’est pas ce qu’un père ferait. C’est la peur qui m’y pousse – encore une excuse. C’est la peur qui me fait parler, sous l’impulsivité de mes mots, de mes émotions. Est-ce la première fois que je pleure devant lui ? Qu’est-ce que ça signifie, en fait ? Ça n’a même plus d’importance. Ça n’a plus assez d’importance face à notre relation – inexistante.