Premier jour. Premier honneur. Aussi bien pour moi que pour toi [ft. Ata fille de l'Aurore]

Premier Entraînement

J'étais fier. J'étais même plus que fier. Je ne savais même pas comment expliquer à quel point je l'étais, mais je le décrivais comme une flamme qui brûlait en moi tellement fort que je croyais exploser. Mon premier jour en tant que novice, après une première nuit dans la tanière qui serait mienne pendant six lunes, tanière que je considérais, avec un peu de mal, comme ma nouvelle maison, après avoir quitté dans la tristesse la Tanière des Familles, mais surtout ma mère, Ancre, j'essayai de m'y faire comme je le pouvais, mais le manque du corps réconfortant et chaleureux de ma mère et de ma fratrie me blessait. J'avais vécu longtemps, enfin longtemps était un bien grand mot pour moi qui n'était encore qu'un chaton, collé, scotché au corps de ma mère. Le temps m'avait semblé si long, si élastique. Attendre chaque jour pendant six mois était quelque chose de difficile pour le petit être impatient que j'étais. J'avais attendu trop longtemps à mon avis, bien trop longtemps. Maman Ancre était aussi fière que moi, apparement, elle aussi semblait être aveuglée par une euphorie sans-limite. Moi, Fiaìn, l'un de ses fils aînés, venait de passer novice.

Ata. Je devais trouver Ata. J'allais la trouver sur le champ, je voulais qu'elle m'apprenne tout. Tout, et tout de suite. Maintenant, et je voulais devenir Chasseur demain, puis Flambeau après-demain et dans trois jours je voulais devenir meneur. Voilà, c'était mon futur, et je le voulais maintenant tout de suite. J'estimais que je n'avais pas à attendre. Peut-être, vous, les chasseurs, tous plus âgés que moi qui rigolent en le voyante prononcer ces mots, ces souhaits, vous serez tous jaloux de moi quand je serais à votre tête. Parce que j'y suis destiné, le sang d'un meneur coule dans mes veines, demandez à Maman Ancre ! Elle dit sans cesse que je ferais un combattant, un guerrier valeureux ! Je mènerais notre troupe, la Troupe Embrumée à la victoire ! Plus de Troupe Inondée, plus d'Escogriffes, jamais ! Nous veillerons sur un territoire qui nous appartiendra totalement, pas besoin de surveiller des frontières, pas besoin de se battre pour une petite proie ! Oui, j'étais ambitieux. Mais vous n'oseriez jamais briser les rêves d'un si petit chaton, si mignon avec ses grands yeux verts, n'est-ce pas ? Vous n'auriez pas le cœur, les rêves sont pourtant une part de nous qui est censée nous guider vers l'avenir, un avenir meilleur, n'est-ce pas ? Allons, vous n'auriez pas le courage de vous dresser devant moi, sur le chemin de ma destinée, de ma réussite.

Ceci causera peut-être votre perte, d'ailleurs, vous ne verriez sûrement pas le temps s'écouler vite, bien trop vite. Demain semble bien loin pour vous, alors que moi, je n'ai qu'à fermer les yeux, les rouvrir et nous sommes déjà demain. Fou, n'est-ce pas ? Allez, vous me léchiez le haut de la tête de votre langue amicalement râpeuse, j'avais tout mon temps, hein ? Le temps passe bien vite, ne vous en faites pas. J'avais probablement des idées folles, mais je les avais. Elles étaient là, bien enterrées profondément dans mon cœur, et j'avais tout le temps de le mettre à jour en ressassant le passé, la terre, des mes petites griffes. Il ne faisait pas beau, non, le ciel était bien gris, si tristement gris. Nous pouvions tout de même bois estimer heureux, le ciel ne pleurait pas et les averses se privaient bien de nous asperger, de nous inonder. Mais c'était sordide, morbide, tout ces nuages sombres qui glissaient doucement, lentement comme d'énormes glaciers en pleine fonte des neige qui se décrochent de leurs gons pour finir dans l'océan, happé par ses fonds marins si mystérieux, si bleus. Pas un seul rayon de soleil, pas une seule source de lumière réussissait à transpercer ce rideau si épais, et nous étions plongés dans une atmosphère lourde, triste, inhospitalière.

L'après-midi sonnait déjà dans la clairière. Et oui, je vous l'ai dit avant, le temps passe bien trop vite pour vous. Comme un lapin que vous n'arrivez pas à saisir car il enchaîne les foulées comme si le sol n'était qu'une vulgaire patinoire. Je m'étais fait beau. Oh oui, tellement beau, qu'aucun poil n'osait se dresser, n'oser se rebeller pour mettre fin à l'harmonie que j'avais créé sur ma fourrure, prenant soin de bien aplatir tous mes poils lors de ma toilette matinale. Mon pelage était lisse, lisse comme la surface de l'eau quand aucune vague, aucun remous des profondeurs ne venait la perturber. Lisse comme un lac, on aurait pu se refléter dedans, d'ailleurs. Bon, je n'étais pas aussi beau que la veille, où Maman Ancre m'avait elle-même peigné pour mon baptême, parce que Maman Ancre aimait bien que tout soit parfait, et elle s'y connaissait bien en nettoyage de fourrure, alors du coup ce n'était pas aussi parfait, mais ça y ressemblait quand on était assez loin ! Je fus interrompu, perdu dans mes pensées de bien se faire voir, quand je vis enfin ma nouvelle mentor. Je piétinais le sol, d'impatience, près à me lancer au triple galop vers elle. Ah ! Enfin, j'allais pouvoir m'enrichir dans mes connaissances !

Mais je me contenais, je me levais et marchais, frémissant car je m'empêchais d'accourir aux pattes de la chasseuse, marchant droit, la tête haute et le regard fier, pour faire une bonne première impression, toujours. J'avais demandé avant mon baptême à l'Eau et à la Terre de m'assigner Ata fille de l'Aurore comme novice, et pour une fois, ils m'avaient enfin écouté, pas comme toutes les autres fois où je leurs avais demandé de me rendre mon frère, Thanatos. Ils avaient comme s'ils étaient sourds et ne l'avaient jamais répondu, ni même adresser un signe. Alors je pensais qu'il avait parler à Lyrielle pour se faire pardonner. J'acceptais à moitié ces excuses, et je les accepterais entièrement si Ata m'apprenait tout d'un coup ! Mais bon, c'était déjà gentil d'avoir tenu ma promesse, et Maman Ancre disait qu'il ne fallait pas trop en demander, alors je me taisais et gardais cela pour moi. J'arrivais enfin à la hauteur de la jeune chasseuse, et, les yeux pétillants et tout agité, je la suppliais du regard, comme j'en avais si souvent l'habitude. "Ata ! Je t'ai cherché toute la matinée ! On peut commencer l'entraînement aujourd'hui ? Allez, s'il te plaît !"

Oui, j'étais encore un chaton. Changer de tanière du jour au lendemain n'allait pas me transformer en chat mature d'un coup de baguette magique. Malgré toutes mes pensées de conquêtes, j'avais tout de même peur de l'inconnu, autrement dit de ce que l'on découvrait dans les entraînements.

Premier Entraînement

Une chance que j'eusse croisé Ata à ce moment précis et que je ne l'ai pas raté, de très peu. Sinon, j'aurai continué à farfouiller dans le camp sans fin, et voir même à sortir de son enceinte si l'envie m'avait envoyé jusque là. Je ne me résignais pas si vite, j'étais persévérant. Un peu trop d'ailleurs. Et j'avais failli percuter ma toute nouvelle mentor avec tant d'excitation dans mes gestes. Quelle belle image elle devait avoir de moi, un chaton turbulent et gauche. Tant pis, et puis de tout façon, même si je me fichais pas mal de ce que les autres pouvaient penser de moi. Ata aussi, elle venait juste de délaisser ses yeux écarquillés pour pousser un soupir de soulagement. Je lui avais fait peur ? Pourquoi réagissait-elle ainsi ? Je me posais tout un tas de questions. Quelle réaction étrange. Je laissais ceci de côté. J'étais réellement enivré par le bonheur de sortir nous entraîner, à tel point que les événements et leurs détails qui m'entouraient ne m'intéressaient pas vraiment.

Un grand et franc sourire finit tout de même par prendre possession des babines de ma mentor, avant qu'elle ne me réponde, la voix sincère et pleine d'excuses : "Excuse moi Fiaìn, je t'avais oublié. Après tout, tu es mon premier apprenti. C'est nouveau pour moi, comme pour toi en fait. Je voulais te faire faire le tour du territoire aujourd'hui, mais, nous n'aurons pas le temps. Je pense que t'apprendre les bases de la chasse seraient bien pour ton premier jour. Pour me faire pardonner de t'avoir oublié ainsi, demain, je te promets d'aller faire le tour de notre territoire avec toi !". Ata m'avait oublié. J'étais déçu, moi qui pensait compter plus à ses yeux. Moi qui pensais avoir une place, aussi petite fut-elle, dans son cœur maternel et protecteur. Il fallait le comprendre; jamais je n'avais connu de l'amour familial que celui de la mère, Ancre. Les rapports avec les autres chats n'étaient que totale découverte pour moi. J'étais jeune, j'étais innocent. J'avais encore tout un monde à découvrir.

Mais cela me blessait tout de même, moi qui avais sans cesse besoin que l'on me témoigne de l'amour, pour me rendre fort, pour me rendre courageux. J'avais besoin de cette attention perpétuelle, de ces signes suggestifs, des ces courts appréciations à mon égard. Je carburais ainsi, et j'essayais de me forger ma propre réputation. Petite boule de poils anodine qui se voulait grand, qui voulait cette image importante. Rêves de chaton qui malheureusement ne m'abandonneraient pas de si tôt. Aaaah, comment avait-elle pu m'oublier ? J'étais tout de même son novice ! Mon museau se rétracta, démontrant mon désarroi. J'étais peiné, bien que j'essayais de le cacher à la chasseuse, ce n'était pas le moment de se défiler. La belle image personnelle, idyllique, que je m'étais faite de moi et d'elle s'était effondrée. Mais elle souriait, elle ne voulait pas que ça me fasse mal. Après tout, pour la femelle qui se dressait devant moi ce n'était qu'un simple oubli.

Mais pas pour moi. J'étais blessé. Tant pis, il ne me restait qu'à faire comme elle : délaisser ce contre-temps comme une vieille carcasse. Nous n'avions plus le temps de repérer le territoire. Deuxième déception. Mais l'annonce de chasse me redonna le sourire. Quoi de mieux, qu'une nouvelle case qui s'ajouterait à mes piètres connaissances ? Mes yeux en scintillaient déjà d'envie et d'impatience. Maintenant, tout de suite, au-dehors du camp. Ce sourire qui fendait abusivement mon visage, tant qu'il aurait pu séparer ma tête en deux parties. Ma peine précédente s'estompait doucement. J'allais sortir ! J'allais apprendre à chasser ! J'allais enfin pouvoir me nourrir par mes propres moyens ! Sans le besoin d'attendre qu'un chasseur ne ramène une proie suffisante ! J'allais enfin rapporter de ces fameux trophées que sont le gibier à ma mère, et elle pourrait être fière de moi ! Enfin ! Je trépignais sur place, martelant le pauvre sol poussiéreux de mes pattes.

"Super Ata ! On y va tout de suite !" je criais, fendant la clairière de ma voix encore enfantine de chaton, tout en m'éloignant de la chasseuse, galopant vers la sortie du camp. Je ne prenais même pas la peine de l'attendre, trop excité pour me rappeler que paetir sans elle ne serait pas très utile, très fructueux pour moi. Enfin ! Ata allait voir ce dont j'étais capable ! Maman aussi ! Et tous mes frères et sœurs ! Il allait voir le grand Fiain brisant les Glaces dans sa plus grande concentration ! Je m'arrêtais soudainement, ayant quitté le camp. Il y avait un léger soucis: c'était bien gentil de prendre la tête de notre groupe si restreint de deux chats, mais lorsqu'on ne savait pas vers où aller, c'était inutile. Je tournais la tête vers l'arrière, de sorte à avoir Ata dans mon champ de vision, avant de lancer à son attention : "Heu ... On va par où ?" tout en souriant stupidement.