What doesn't kill us makes us stronger. [ft. Kayso]

Je dormais, mes chatons à mes côtés. Il commençait à faire froid, je voulais les réchauffer, éviter qu'ils tombent malades. Malheureusement, Dimoni l'était déjà légèrement, mais je le gardais près de moi, pour éviter qu'il se fasse contaminer d'avantage par les autres chats gravement atteints dans le sequoia des guérisseurs. Je regardais mes chatons d'un regard doux, protecteur, et sans équivoque un des sourires les plus francs que je pouvais montrer. Ce n'était pas hypocrite. Ce n'était pas faux. C'était un sourire des plus authentiques, représentant ce que je ressentais, parce qu'on y voyait tout l'amour que je portais à l'intérieur. Comme si je donnais à mes chéris mon amour pour eux, plus ce que j'aurais dû avoir de la part de ma mère et de mon père. Ils avaient les yeux clos, respirant un air purifié, n'ayant aucune crainte pour leur avenir. Vivant seulement le moment présent, se prejettant limite dans un futur prometteur.

Et alors que la brume envahira les ténèbres, l'enfer, le vent soufflera, encore et encore, effaçant sur terre toutes traces d'un passé douloureux.

Loin.
Loin de ma famille et à la fois pas si loin. Loin d'Ancre et pourtant tout de même assez proche. Le camp qui s'affichait devant mes yeux lorsque mes émotions n'éclataient pas. Nephtys, partie. Envolée, disparue, ailleurs. Il y a-t-il une sorte de Clan des Étoiles pour les Troupes ? Ou a-t-elle seulement cessée d'exister ? J'aurais besoin de croire qu'elle vit quelque part, comme les étoiles, comme mamâ Étoile, parce que Nephtys était celle qui m'avait donné la force nécessaire pour avancer, pour sortir de la tanière, pour briser la peur, même si cette dernière s'impose dans mon esprit à présent. Trop tard pour reculer, mon rang est désormais officiel et j'ai en mentor celui qui ne parle pas plus que moi, celui qui me perçoit sans doute un peu comme une intrus qui lui a été imposée. J'aurais dû être entraîné par Nepthys. Ne t'en fais pas Seleth, je ne veux pas plus être entraînée par toi, je ne veux pas plus que ce soit toi qui m'apprennes. Ne t'en fais pas. Je veux ravoir la botaniste.

Je ne pouvais pas oublier la douleur qui m'avait submergé cette journée, ou soirée, je ne sais plus. Je ne pouvais pas sortir de ma mémoire cette impression que ma poitrine se comprimait et que l'air m'était volé. Je ne pouvais pas cesser de ressentir encore et encore les événements. À ce moment, le noir avait repris place sur mon regard, sur mon monde et j'avais cessé même de ressentir ce qui m'entourait. Savoir avant même de le réaliser, n'était-ce point une horrible sensation ? J'en conjure, étoiles, aidez-moi, car le manque s'impose. Pouvais-je rejoindre ce novice qui me donne la force ? Je ne le connais pas beaucoup, mais rassurante avait été sa présente. Il était un nuage, mais le nuage qui chassait les ombres, j'en restais convaincue. J'avais toujours été douée pour déterminer la personnalité des chats dès les premiers instants, les premières minutes. Et je savais, je savais qu'il avait la force de supporter mon être. Je savais, je savais qu'il pouvait me passer de l'énergie pour que j'y puise le courage.

Reviens-moi ou laisse-moi venir à toi.

Je m'ébrouai. Je regardai autour de moi. Les plantes, en ordre. Je n'en connaissais pas encore tant. Seleth ne parlait pas, ou peu et il ne semblait pas forcément prêt à me donner les connaissances. Cela m'allait. Je n'étais pas plus prête. Doucement, incertaine, comme toujours depuis que le monde m'affichait de nouveaux ses couleurs, je sors de la tanière. Intimidée, je n'osais pas tant bouger devant le gîte. Trop de chasseurs que je vois, que j'entends, que je ressens. Comment ne pas en être immobilisée ?

Et le vent qui souffle, apportant une odeur. Une odeur particulièrement âcre. L'amer goût du souvenir qui persiste quand le vide envahit la vie.

Mon cœur manqua des battements et il n'y eut plus aucune place à l'hésitation. Je reconnus ce vent, le vent de la mort qui s'abattait sur le camps, dirigé dans la tanière des familles et mes poils s'hérissaient. Les chasseurs et novices me voyant détaler à toute vitesse s'écartaient et je fus rapidement arrivée dans l'endroit visé. Mon regard grand ouvert et paniqué cherchait la cible. Pourrais-je l'éviter ?

«Mâma ! » lançai-je dans une voix brisée.

Tout aurait dû être comme d’habitude. Tout aurait dû, sauf qu’on ne choisissait pas. Lorsque je me réveillai, il y avait quelque chose d’étrange et de pesant, un silence qui n’aurait pas dû être là. Kayso était réveillé lui aussi, et aussitôt après que je m’étirais, mon jeune chaton me sauta dessus. Il s’ennuyait, Dimoni dormait encore. Depuis quelques jours, Dimoni était malade, alors il dormait un peu plus pour retrouver des forces. Et Kayso s’ennuyait lorsque tout le monde dormait, puisqu’il n’avait plus personne avec qui jouer.
Je ronronnai un peu, j’aimais tellement cette boule de poils. Ils étaient tout pour moi, ces chatons. Même si j’aurais pu me rendormir, quelque chose m’en empêchait, sans parvenir à déterminer quoi.

“Tu peux jouer avec moi ? Dimoni lui ne veut pas.”

J’aimais beaucoup jouer avec mes chatons, ou les surveiller lorsqu’ils jouaient entre eux. J’allais lui répondre que bien sûr, je voulais jouer avec lui. Lui apprendre à chasser une feuille, ou faire semblant d’être un blaireau en colère. N’importe quoi, pour lui, pour eux. Et j’entendis ma fille, Liwa. Elle se précipitait comme si quelque chose n’allait pas.
Non, pas comme si.
Quelque chose n’allait pas.
Je sentis les relents que je ne connaissais que trop bien tandis que ma fille approchait en m’appelant, comme un appel à l’aide.

“Mamâ !”

Je sentis mon sang s’arrêter de couler dans mon corps, mon coeur se tordre d’une douleur sourde. Je me redressai et une grimace se dessina sur mon visage tandis que je cherchais d’un regard embrumé par les larmes le corps de mon fils.
Dimoni.
Mon petit Dimoni.
J’aurais pu en crier, me mettre à pleurer. Mais je ne le fis pas. Tout se brouillait, les souvenirs affluaient, la douleur trop forte m’empêchait de faire le moindre mouvement. Je ne parvenais pas à y croire.

Je reniflai mon fils. Je le touchai du bout de la truffe. Son petit corps était froid, et il avait les yeux clos, comme s’il dormait.
Sauf qu’il ne dormait pas.
Ou alors il dormirait pour toujours.
Dimoni.
Eléa.
Tous ceux qui étaient partis.

La douleur était trop forte et je m’écroulai près de mon fils. Kayso ne comprendrait peut-être pas, mais Liwa avait compris. J’étais brisée, une fois de plus. Mais j’allais me relever.
Parce que ce qui ne tue pas nous rend plus fort.

HRP : je propose que chacune réponde pour clore si ça vous va !

Rien.

Rien ne peut être fait, rien n’aurait pu être fait. Je l’ai su. Compris. Dès le départ, l’odeur de la mort qui m’étouffe, qui m’étreint. Rien ne va va. Mamâ, s’il vous plaît, dis-moi que je me trompe. S’il vous plaît ! Dis-moi que cette odeur n’est pas celle que je connais et dis-moi que ce n’est pas la fin. Il était trop tard. L’odeur est imposante et je sais que la personne concernée est condamnée. Que jamais je ne pourrais faire quelque chose, mais je ne peux pas abandonner. Je veux agir. Mais je ne peux rien faire. J’ai peur. J’ai mal. Mamâ, aide-moi, mamâ rassure-moi. Mais je suis une grande fille. Et elle aussi, elle a mal. Je sens qu’elle a compris. Je prends sa panique en pleine gueule et j’étouffe encore plus. J’ai envie de tomber. De crier. D’hurler. Ou encore de fondre en larmes.

La douleur de ma mère me prend à la gorge, me détruit l’esprit. Je déchante. J’ai raison. Je suis immobile. Je n’ai même pas jeté un regard à Kayso, j’ai seulement gardé mes yeux fixés sur le corps de ma mère qui s’effondre près de Dimoni et je déglutis difficilement. Les larmes brouillent ma vue. Elles ne coulent pas. Je ne suis même pas capable d’esquisser le moindre mouvement. Je reste là. Je ne bouge pas. J’ai mal. J’ai mal pour mamâ. J’ai mal parce que je sais ce qui se passe. J’arrive pas. Mon cerveau surchauffe. Il est trop tard pour le sauver. Je suis en train d’apprendre à sauver les gens et je ne suis même pas capable de sauver mon propre frère adoptif. À quoi bon ? J’ai envie d’abandonner. Mais je sais que Nepthys n’aurait pas voulu. Je finis par me précipiter sur ma mère et me blottir contre elle, ronronnant pour tenter de l’apaiser ne serait-ce qu’un peu. Et j’ai entendu la phrase de Kayso.

« Mort. »

Seul mort qui sort.
La mort avait encore frappé.