Can you tell me what it's made of ? ~ Opale & Le Pouilleux

Il fait encore jour et Amayi l’a laissé s’éloigner un peu. Elle lui a dit, un peu. Opale ne sait pas ce que signifie “un peu” alors il s’éloigne. Il s’éloigne juste. Ni un peu, ni beaucoup. Il s’éloigne et il pense que c’est un peu, et il se retourne et au loin, il voit sa tanière où il dort avec sa mère et sa grand-mère, et tant qu’il voit la tanière ça ne peut pas être plus que “un peu”. Alors il s’éloigne encore. Il sourit. Il ne sait pas pourquoi, il sourit parce qu’il est heureux. Parce que tout va bien et c’est suffisant pour le faire sourire. Il pense que le monde est rose avec des nuances, parce que sinon ce serait triste. Ni blanc ni noir. Des millions de couleurs différentes qui font de son monde quelque chose de joyeux, quelque chose d’unique. Un monde où il voit les autres comme il verrait des pierres sur son chemin.

Il les observe, il les admire et les pierres ne parlent pas ; lui ne leur parle pas non plus. Parfois il s’interroge, et il interroge les autres. Il demande s’il peut attraper les étoiles et la lune, et il a essayé depuis la colline, mais la lune partait tandis que lui grimpait. Elle s’éloignait en même temps que lui et elle est vivante, ou magique. Si elle n’était pas magique ce serait comme une pierre ronde. Elle se laisserait approcher et elle ne bougerait pas. Sauf qu’elle bouge, elle se déplace dans le ciel nocturne. Opale conclut donc que la lune est magique et il veut toujours l’attraper, même si sa grand-mère n’y trouve pas l’intérêt. Amayi préfère le voir chasser alors il chasse lorsqu’elle est là. Pour lui faire plaisir.

Opale aime faire plaisir. Un jour il comprendra qu’il vaut mieux penser à soi avant de penser aux autres. Il le comprendra mais ne voudra jamais l’appliquer. Il préférera toujours aider les autres avant lui-même et la reconnaissance des gens sera son plus grand bonheur. Il sera comme ça, un jeune prêt à tout pour les autres. Un gosse souriant qui croira que l’espoir a un plus grand pouvoir que n’importe quoi. De l’espoir, il en a et il en aura toujours. C’est quelque chose d’inépuisable, une ressource vitale qui le maintient en vie même lorsqu’il a faim. Il pourra même donner un peu de son espoir aux autres. Le ciel s’assombrit et prend des teintes violacées. Opale aime ce moment de la journée ; il n’y en a qu’un dans la journée.

Il se retourne à nouveau et ne voit plus la maison. Maintenant il sait qu’il s’est un peu éloigné, alors il s’arrête. Il aime bien le calme qui entoure le début de la nuit. Après, ce n’est plus pareil. C’est sombre, ça bouge dans les fourrés et les ombres ondulent. Ça ne fait pas peur. Opale n’a pas peur, pourquoi aurait-il peur ? Il n’y a pas de danger. Les ombres ne sont que des ombres et dans les fourrés ce ne sont que des proies. Alors Opale avance encore un peu, juste un peu, parce qu’il s’est déjà beaucoup éloigné de la maison. Il n’est pas seul et loin d’être effrayé, Opale s’approche un peu pour observer le félin. Il ne le connaît pas et il ne parle pas. Il se contente de l’observer tranquillement, souriant.

Il esquisse encore quelques pas vers lui pour être bien certain de se faire voir. Opale incline la tête et son pelage doré renvoie les derniers rayons du soleil couchant.