Cette douleur qui fait plus de bien que de mal ~ Obsi & Sapin

La Saison des Feuilles Vertes. Charmante, adorable, magique et optimiste. Cœur de Sapin sourit doucement, à la vue de Crocs de Fennec qui s'en allait, comme bien d'autres chasseurs de la Tribu, à la recherche de la nourriture la plus savoureuse qui soit pour la faire goûter aux Traqueurs des Landes, enfants comme anciens. Charmants, c'était ainsi que le mâle gris concevait les vastes terrains ensoleillés, garnis de ces délicates feuilles vertes, décorations traditionnelles de ces arbres et de ces sapins exigeants. Il n'y avait de saison aussi douce que celle-ci, dénuée de la froideur de l'hiver, de la chaleur de l'été et des maladies de l'automne. Il aimait la saison des feuilles vertes, c'était un fait indéniable. Adorable était-elle grâce aux multiples douceurs offertes aux chasseurs et aux proies ; la nourriture abondait, le paysage était agréable. Magique, car de partout elle allait, partout on était heureux. Qui, hormis les esprits blessés et furieux, pouvait maudire la naissance d'une jolie paire de chatons ou de proies de toutes sortes ? Cœur de Sapin se réjouissait des accouchements, des familles fondées et heureuses propageant ci et là une poussière de bonheur pour l'entourage si dévoué qui les avait aidé à se construire. En vérité, le soldat d'argent jalousait un peu celles-ci, et leur bonheur. Mais si on ne lui avait donné compagne pour l'instant, ni chatons dans un avenir meilleur, alors c'était probablement dû à son Destin : il croyait à ses ancêtres et leur jugement. Ils avaient raison, et savaient toujours quoi faire de meilleur pour leurs enfants.
Optimiste, car malgré les morts, les pertes, les souffrances et le désespoir, la saison des feuilles vertes tournait toujours la page de nouveau, et offrait un bien heureux chapitre à compléter pour les âmes perdues. Naissances, arrivées, décisions, changements. Tout cela procurait l'optimiste tant désiré aux chercheurs qui la bénissaient.

Désormais ? Cœur de Sapin courait dans les landes, telle une flèche d'argent filant jusqu'à sa cible sans aucune interruption. Chasser, patrouiller, balade ? Eh bien, premièrement, on ne l'avait pas assigné à une patrouille quelconque. Balade ? N'était-ce pas ce qu'il faisait présentement ? Chasser … bonne idée. Mais avant même qu'un muscle ne put se crisper sous le dévouement de la chasse que les prunelles du félin, observateur, remarquèrent une silhouette noire et blanche, au-delà de la verdure de ces prairies, se mouvant doucement mais sûrement dans le paysage insulté par sa présence. Curieux, le Venteux s'approcha, les oreilles dressées, la queue levée. A quel camarade avait-il affaire, en cette heure-ci ? Il lui avait pourtant semblé être seul pour une fois, loin du Clan, près de son propre esprit. Privé des ordres autoritaires de ses supérieurs et des miaulements, cris, tristes et joyeux, de ses camarades aux différentes personnalités mêlées en harmonie dans un camp comme celui du Clan du Vent. Qui est-ce ? Cœur de Sapin s'approcha de nouveau, et se rendit compte que l'inconnu en faisait de même de son côté. Familier, fou ? Qui pourrait oser l'approcher sans au moins connaître son identité ? Ses doutes s'endurcirent, tandis que son regard vert peinait toujours à reconnaître l'individu. Celui-ci s'était arrêté en plein trajet, lui accordant un salut mimé par la tête, comme si de rien n'était. Maintenant qu'ils se savaient tout deux non plus seul dans ce territoire temporairement délaissé par la Tribu des landes, ils ne pouvaient plus reculer. Soit ils se rencontraient, soit ils s'ignoraient purement et simplement. L'idée de l'ignorance répugna le mâle aux orbes émeraude. Pas question de le laisser partir. Il avait beau regarder, il ne le reconnaissait pas. Finalement, il approcha de nouveau, le cœur battant, sans fuir devant l'ennemi. Il n'était plus le peureux qu'il avait été plus jeune.

« Salutations, guerrier du Clan du Vent. Je te prie de m'excuser, je n'avais pas remarqué la frontière, trop absorbé par mes pensées. »

Cette excuse était étonnante, ridicule mais avait pour autant le mérite d'être franche. A moins que son interlocuteur se plaise à provoquer l'ennemi ?
D'une voix posée, bien que Cœur de Sapin se suppliât de ne pas être trop laxiste face aux étrangers, il répondit :

« Tes pensées devaient t'être vraiment importantes pour te faire ignorer à ce point l'appartenance des terres que tu foules actuellement. Qui es-tu ? A quel Clan appartiens-tu ? Je ne t'ai jamais croisé sur mes terres, alors je veux bien te laisser filer sans en arriver aux crocs, mais sache que j'en ferai un rapport à mon chef, et même si l'idée de me mentir te vient, ton identité ne me fuira pas éternellement. Je saurai te retrouver. »

Une jolie tirade qui voulait tout dire. Au moins, il n'aurait pas à prendre de gants avec lui, les règles étaient posées.

« Je te raccompagne. Tu te mets en danger à rester ici, mes camarades aiment marcher en ces lieux et je suis certain que ta simple vue suffirait à donner le droit à certains d'entre eux pour t'attaquer et te faire passer l'envie, probablement, de t'égarer aussi longuement dans tes songes dans des terres inconnues. »