Entre les Flammes et le Crépuscule, l'histoire de deux sœurs se poursuit (Ft Ray with Ange)

Il faisait froid, dehors. Je n’avais pas envie de sortir. J’étais bien ici. Tout était bien. Tranquille. Calme. Sans ce foutu vent qui jamais ne s’arrêtait de souffler sur le territoire du Clan du Vent. La Pouponnière était devenue mon havre de paix. Mon coin de repos. J’avais besoin de calme. De douceur. Et ce n’était pas la clairière principale et ses allers et venues sans interruption qui pouvaient me fournir cela. Cela faisait quelques semaines déjà que j’avais élu domicile dans la Pouponnière, et je ne regrettais rien. Peut-être la présence de Sourire Effacé, mais elle n’était pas si insupportable qu’elle m’avait semblée aux premiers abords. Et ses gosses à elle n’étaient pas encore nés, eux non plus. Elle était ma tante, et pourtant nous attendions toutes deux des chatons. Ne se trouvait-elle pas un peu vieille ? Oh et puis, est-ce que c’était vraiment mon problème ? Si ses gamins étaient trisomiques, c’était pas mon problème non plus. Peut-être naisseraient-ils au même moment. Peut-être même le même jour. Quelle déception pour mes chatons de partager leur anniversaire avec une autre portée. Je croisais les pattes pour que ce ne soit pas le cas. Ils méritaient qu’un jour spécial leur soit accordé, ils ne méritaient pas de partager ce jour avec d’autres chatons qui n’atteindraient jamais leurs chevilles. Je jugeais les autres sans les connaître. Et je n’avais aucun remords. À quoi bon ? Ce n’est que perdre du temps de s’obstiner à être optimiste. Mieux valait toujours prévoir le pire. Comme ça, j’étais prête. De toute façon, ils ne valaient pas la peine que je m’intéresse à eux.

Elle fallut qu’elle vienne m’interrompre. Qu’elle vienne tout gâcher, comme à chaque fois qu’elle venait me voir. Ma demie-soeur. Cette attardée. Ce que je pouvais la haïr … Ce n’était pas possible de détester à un tel point une personne. Qui en plus faisait partie de ma famille. Mais voir simplement son visage me donnait des boutons. Lune d’Argent. Là voilà qui se dirigeait vers moi. Que me voulait-elle ? Elle devait s’ennuyer. Ou alors, elle avait des choses à me reprocher, comme à chaque fois. À propos de Flamme de Glace. Comment pouvait-elle m’en vouloir ? Ou même lui en vouloir ? Peut-être qu’elle ne savait pas encore. Ce n’était pas ma faute s’il me préférait à elle. Ce n’était pas ma faute si tous les mâles rêvaient de moi. J’étais parfaite, c’était comme ça, point barre. Il fallait qu’elle s’y fasse. La vie ne lui avait pas donné les mêmes atouts qu’à moi, il fallait apprendre à vivre avec. Qu’avait-elle ? Quelle était cette pauvre mine sur son visage ? Je ne lui avais pas parlé depuis … Bien assez longtemps. Et nous avions cessé de nous lancer des regards noirs depuis la mort d’Aile du Crépuscule. Mais j’avais passé mon deuil. J’étais prête à repartir à l’attaque. Et si c’était ce qu’elle venait chercher, elle l’aurait. J’étais sur mes gardes. Mais elle ne fit que m’annoncer que l’on partait en patrouille. Ensemble. Je retins un hoquet de surprise. Depuis quand Regrets Mortels s’amusait-il à envoyer des Reines en patrouille ? J’étais enceinte. J’allais protester. J’allais, oui. Mais il n’était plus là. Il n’y avait que Lune d’Argent - et moi - qui se tenait dans la clairière, m’attendant.

J’aurais dit non. J’aurais dû dire non, grogner. Mais j’ai accepté, silencieusement. Je ne savais même pas pourquoi. Pourquoi j’avais pris la peine de ne rien dire. Pourquoi je m’étais laissée emporter avec ma meilleure ennemie. Je ne savais pas, et pourtant, je l’ai suivie. Je me suis simplement mise sur le sentier qui menait au Chemin du Tonnerre, avec à mes côtés Lune d’Argent. Je n’osais rien dire. Pas par peur, non, bien évidemment que cette trainée ne me faisait pas peur. Pff, elle ? Et puis quoi encore ? Les chatons ? Lune d’Argent était bien loin de me faire peur. Je n’avais rien à faire d’elle. Mais j’étais là, et je n’osais rien dire. Car nous arrivions au Chemin du Tonnerre, et que j’avais évité cette partie du territoire après la mort de ma mère, ce qui faisait que je n’y avais pas mis les pattes depuis plus de six lunes. Et ça me faisait bizarre, de revenir ici. Je tournais rapidement la tête vers Lune d’Argent, tentant de percevoir ce qu’elle pouvait ressentir à ce moment-là, tentant de voir si ça lui faisait de l’effet comme ça m’en faisait.