We will face the odds against us and run into the fear we run from. [Kurai]

Il n’a pas eu la vie facile. En même temps, personne n’a la vie facile. Tout le monde souffre, d’une façon ou d’une autre. Seulement, certains souffrent plus que d’autres. Certains ont la vie plus que dure, en arrachent. Certains n’ont juste pas de chance. Kurai n’a pas eu de chance. S’il avait pu choisir ses parents, ils l’aurait fait. Mais on ne peut pas. Certains disent qu’on choisit nos parents avant notre naissance, qu’on choisit ceux qui ont le plus de choses à nous apprendre pour avancer dans la vie et tout le tralala… Non. Kurai n’a pas choisit d’avoir une merde comme père. Né de l’union d’Alderya et Saturnis, il ne pouvait avoir pire comme figure parentale. Seul chaton de la portée, il n’avait aucun répit. Son père le traitant sans cesse comme un moins que rien, le dénigrait, le battait par moment… Et il battait sa mère, aussi. Kurai ne comprenait pas, au début, que ce que son père faisait était mal. Mais il ne tarda pas à grandir, à comprendre un peu plus le monde, à se questionner. Bien vite, il comprit que ce n’était pas bien. Qu’il n’avait pas le droit. Et son père le dégoûtait.

Il aurait dû pouvoir se fier à son père comme la plupart des gosses. Voir en lui son modèle, vouloir lui ressembler. À présent, si Kurai se compare à Saturnis, c’est seulement pour être sûr de ne pas être comme lui. De ne jamais s’en approcher. Le petit chaton noir docile grandit, et apprit à se défendre. Il ne voulait plus se laisser faire. Jamais. Son père n’avait pas le droit de le toucher. Voulant à tout prix lui prouver qu’il ne se laisserait plus faire, le petit Kurai alors âgé de sept lunes alla voir son père, un air de défi dans ses yeux bleus profonds.

“Plus jamais tu ne me toucheras. Ni maman. Tu n’as pas le droit.”

Son père, qui n’apprécia pas cette confrontation d’un chaton auparavant si sage et si discret, le griffa au visage. Kurai fut blessé, ce jour-ci. Pas seulement physiquement, mais aussi mentalement. Son père venait de le rendre aveugle de l’oeil gauche, mais le jeune chat était surtout aveuglé par la tristesse et la colère. Il n’avait plus de père, à ses yeux. Il n’en n’avait jamais eu, après tout. Kurai, qui laissa couler quelques larmes, se promit que c’étaient les dernières qui couleraient à cause de lui. Il n’avait plus à souffrir à cause de son père. Il n’avait plus à se faire traiter d’idiot, à se faire frapper. Et il avait pris une décision. À la tombée de la nuit, il quitterait sa famille.

It’s written in the walls, as we walk…

À la nuit tombée, Kurai se leva. Il ne changerait pas d’idée. Il en avait marre de lui, marre de toujours souffrir pour plaire. Marre de tout. Sa vie ne lui était pas bénéfique. Kurai ne voulait pas de cette vie qui le poussait à devenir méchant comme son père. Kurai ne voulait pas devenir un monstre. Kurai partit, et rencontra un vieux mâle nommé Jhu qui lui apprit à chasser. C’était un peu son mentor, une sorte de guide. Kurai prit exemple sur ce matou qui était bon, emplit de bonté et de générosité. Maintenant capable de chasser seul, le chat noir qui avait gardé traces de ses souffrances passées pouvait avancer. Plus que la chasse, le matou lui avait apprit à vivre, ce que ses parents n’avaient pas été en mesure de faire. Kurai garda en mémoire les savoirs que ce bon samaritain lui avait transmis.

Le matou vieillit. Il devint grand, fort, musclé. Il était capable de survivre seul. Il décida de s’installer proche des Clans, qu’il ne connaissait pas à l’époque. Bien vite, il apprit à faire la différence entre les amis et les ennemis. Le mâle, qui n’avait pas eu d’éducation, apprit presque tout ce qu’il fallait apprendre de la part de Jhu et de lui-même. En trainant proche de la Rivière, il fit la rencontre d’une femelle majestueuse qui ne tarda pas à lui faire découvrir l’amour. Colombe Enchanteresse. Et elle portait bien son nom. Le tout jeune adulte en devint rapidement fou amoureux. C’est simple, cette femelle faisait battre en lui cette passion qui ne l’avait jamais possédé auparavant. Il l’aimait. Son esprit était obsédé par elle, toutes ses pensées lui étaient dédiées. Voulant à tout prix vivre avec elle, Kurai lui déclara son amour. Cela eu effet bénéfique, car la colombe ne tarda pas à le rejoindre, voulant vivre avec lui cet amour qui les animait. Changeant son nom pour Colombe, l’Oiseau et l’Ombre pouvaient à présent vivre leur amour sans avoir peur de se faire prendre.

Aujourd’hui Kurai aime plus que tout sa compagne, et il est reconnaissant envers son père. Reconnaissant, car en le traitant comme il l’avait fait, il avait prouvé à Kurai qu’il n’était pas obligé de faire ce que les autres voulaient qu’il fasse. Il avait simplement agrandi cette détermination en lui, et ça lui avait apprit que son destin n’était jamais scellé. C’était lui-même qui décidait chaque jour de ce qu’il devenait. Le solitaire ne vivait plus dans le passé, et entrevoyait le futur, mais gardait toujours cette cicatrice, preuve que rien n’est jamais coulé dans le marbre.