La vérité a plusieurs visages

ft. Masque du Corbeau

L'ombre de la nuit avait à nouveau quitté son camp à la nuit tombée, profitant de la pâle lumière de la lune reflétant sur le sol blanc, cette lueur nocturne qui était la seule à parvenir à ses yeux décolorés sans lui arracher une douleur cinglante.

L'ébène s'était reposée toute la journée, la tête posée sur ses pattes, couchée dans la tanière des guerriers. Ses iris avaient suivit les chats qui passaient les uns après les autres dans la clairière principale. Entre les malades, les guerriers et les apprentis gelés par ce temps glacial, les chatons qui découvraient la neige, les anciens qui appelaient depuis leur repère, tassés les uns contre les autres pour se tenir plus chaud, le camp ne manquait pas d'animation. L'ébène n'était pas la plus gênée par ce froid, sa fourrure épaisse et son habitude lui avait permis d'acquérir une certaine résistance au aux températures basses de la forêt. Elle regardait avec une certaine envie les vieux guerriers du Clan, blotties ensembles et ne formant plus qu'une masse de fourrure chaude et un peu bruyante. Il devait être agréable d'être proche avec d'autres chats, de se tenir chaud ainsi... Enfin, Lune Ébène n'avait jamais connu ça, en dehors de ses jeunes lunes lorsqu'elle enfreignait le code du guerrier pour aller se blottir près de son mentor alors que sa fourrure repoussait à peine.

L'avantage unique qu'apportait la mauvaise saison était bien les nuits plus longues. Le soleil déclinait déjà alors qu'il ne s'était levé que quelques heures auparavant, l'ébène pouvait donc partir chasser plus tôt et rentrer plus tard qu'à habitude, histoire de rapporter un peu plus de proies. Entre les malades et les chats partis aux Troupes, la guerrière ne chômait pas. Ses techniques de chasses et sa façon de se déplacer et de vivre faisait d'elle une des meilleures chasseuses de son Clan, en grande partie grâce à Ciel Ancien. Lui qui avait été le seul à l'accepté dans l'Ombre et qui s'était adapté à son handicap pour l'entraîner et lui permettre de devenir guerrière. Un sourire esquissa sur le visage sombre de l'ébène alors qu'elle quittait la clairière, passant le tunnel sombre et épineux qui protégeait l'entrée du camp. Il lui arrivait souvent de se demander comment aurait été sa vie si ce Clan ne l'avait pas adopté... Elle serait probablement morte, vu les blessures qui recouvraient son corps lorsqu'elle était arrivée dans la tanière du guérisseur pour la première fois... Mais le Clan des Etoiles avait choisit d'accueillir cette boule de poils abîmée et traumatisée, lui sauvant la vie par la même occasion.

La lune était à présent haute dans le ciel dégagé et la féline traversait la forêt comme un simple terrain de jeu. Elle l'avait tant parcouru, un nombre incroyable de fois, ce lieu n'avait plus aucun secret pour ses yeux vifs. Son corps se déplaçait de façon agile et souple entre les buissons et les arbres tandis qu'elle attrapait la moindre proie qui pointait le bout de son museau. Cette nuit là, ses pattes parcoururent le territoire de l'Ombre de part en part, une énergie nouvelle semblait s'être emparée de son âme tandis qu'elle courait à toute haleine dans les bois enneigés. La chasseuse attrapa plus de proies que ces dernières nuits, le petit déjeuner plairait aux chats du Clan, sans aucun doute. Mulots, souris, grives, même un lézard sorti pour boire n'avait pas eu la chance de retourner se cacher à temps. La suite de la nuit fut plutôt calme, la guerrière avait ralentit l'allure afin de ne pas s'épuiser. Une idée lui vint à l'esprit en passant à la lisière de la forêt. Il existait des territoires qu'aucun chat n'avait revendiqué et où peu de matous se risquaient à aller, peut être y avait-il des proies qui n'attendaient que d'être chassées ?

En tout cas, à présent qu'elle en avait eu l'idée, la féline sombre n'allait pas s'arrêter avant d'avoir attrapé le moindre petit mulot caché dans un tas d'herbe blanchit par le givre. Ses longues et fines pattes la menèrent donc jusqu'au Grand Lac. Ce lieu était d'une beauté incroyable. L'eau limpide reflétait le ciel étoilé tandis que la neige l'entourait de toute part. La féline fut hypnotisée un instant, avançant lentement sans jamais quitter ce liquide pur des yeux. Sa marche cessa lorsqu'elle fut au bord de la rive, montée sur un rocher qui bordait l'eau froide et sombre. Ce lac la représentait, en quelque sorte. La journée, il était sombre et effrayant, près à kidnapper le premier chat qui le toucherait de ses pattes délicates. Mais à la nuit tombée, il s'illuminait pour refléter la beauté que le ciel pouvait offrir. L'ébène effrayait beaucoup de chat par son apparence et son mutisme n'arrangeait pas les choses. Pourtant, lorsque la douce lumière de la lune venait se poser sur elle, toutes ses cicatrices, toutes ses blessures d’antan semblaient disparaître comme si jamais elles n'avaient existé. Son pelage ébène prenait une couleur argentée et ses yeux retrouvaient un peu plus leur vraie couleur. Ses yeux décolorés et grisonnant avec une pointe de bleu presque électrique retrouvaient une partie de cette couleur vibrante qui avait autrefois été semblable au bleu sombre et pur d'un saphir.

La femelle profitait de cet instant où son reflet ne lui faisait pas peur, ce moment où elle ressemblait à un chat normal. Ni couverte de cicatrices, ni effrayante, mais belle comme une pierre précieuse, comme une ébène. Un bruit de craquement et la guerrière se jeta aussitôt dans les hautes herbes qui bordaient le lac, les oreilles couchées en arrière et les griffes sorties. Ses yeux n'eurent aucun mal à trouver la provenance de ce son et l'ébène repéra presque aussitôt la forme qui s'approchait de l'eau. C'était un chat, l'odeur qui parvint au museau de la féline la rassura, il était de son Clan. Une étrange aura se dégageait de ce guerrier qu'elle avait déjà croisé dans le camp, la guerrière ne savait pas s'il s'agissait de tristesse ou de haine, mais elle pouvait ressentir à sa façon que quelque chose n'allait pas, chez ce mâle.

« Si seulement tu n'avais jamais existé... »

Ces mots parvinrent aux oreilles fines de la femelle, comme un chuchotement. Elle n'était pas supposée entendre ceci, cela ne faisait aucun doute. Et puisqu'il s'agissait d'un guerrier de son Clan, elle ne craignait pas de se montrer. Une fois ses griffes rentrées, l'ébène se redressa, quittant sa cachette givrée, accueillant à nouveau la lumière pâle de la lune sur sa fourrure sombre. Ses oreilles pointèrent vers l'avant et sa queue salua d'un geste amical le mâle lorsqu'elle croisa son regard.

PS: Désolée pour l'attente mais j'étais absente ! Merci pour ton intervention Luny !