Je baille, m’étire, avant de bailler à nouveau. Qu’est-ce que je suis fatigué, c’est impressionnant. Je cligne des paupières encore une dizaine de fois, avant de m’habituer définitivement à la lumière du jour. Faut dire qu’hier, aussi, on s’est entraîné dur, avec Lune Ébène. Mon baptême approche à grands pas, et faut bien qu’elle évalue mes progrès. Puis, je peux dire, que des progrès, j’en ai faits, et beaucoup ! Depuis le début de mon entraînement, j’ai pas arrêté. Je veux rendre Maman fière, aussi. Et enfin pouvoir terrasser Coeur de Grizzli. Bref, du coup, aujourd’hui, je suis au repos, disons. Enfin, ce que ça veut dire, c’est que j’ai pas d’entraînement, c’est tout. Faut bien que je fasse deux trois corvées chez les Anciens et que j’aille chasser. Et je vais pas mentir, j’ai aucune envie d’aller patauger dans leur merde. Oups, pardon Maman, j’ai dit un gros mot. Mais en tout cas, je vais sûrement repousser cette tâche à plus tard. Ou à jamais, je sais pas encore. Puis, au fond, je comprend pas ; ça devrait pas, ça devrait être plus à mon tour de faire ça. C’est les nouveaux apprentis qui s’en occupent, normalement. C’est injuste. J’irai me plaindre à Maman. Ou encore mieux, à Papi.

Donc bon, quitte à pas me faire pincer parce que je suis pas là où je devrais être, j’vais me tailler vite fait et aller chasser. Avec un peu de chance, on donnera la corvée à quelqu’un d’autre. À Nuage de Blaireau, par exemple. Ou encore mieux, à Nuage du Matin. Elle mérite que ça, ça l’aidera à redescendre sur terre. Je m’en remets toujours pas, de la façon dont elle m’a parlé. Puis surtout le fait que j’ai pas su quoi répondre. Ça, c’était encore plus merdique. De toute façon, je me suis fais une promesse, si jamais elle recommence, je la laisserai pas faire. J’vais lui sortir mes meilleures répliques dans sa sale face. Je souris à cette pensée, avant de définitivement quitter le camp. C’est cool, il fait chaud. Bon et chaud. Mais pas trop non plus, ça m’évitera de transpirer. Il fait juste assez chaud pour que ce soit agréable.

Je marche un peu, mais pas bien longtemps. En pleine saison des feuilles vertes, vaut mieux aller vers la forêt sombre. En plus, là-bas, je suis à l’ombre, donc au pire s’il commence à faire bien trop chaud, je serai protégé. J’espère juste que personne d’autre aura eu la même idée que moi. Pas envie de me retrouver en comité. J’arrive là-bas rapidement et me met directement à chasser. Pas de temps à perdre. Enfin, en théorie, si, vu que j’ai rien à faire après. Vu que j’ai rien envie de faire après. C’est pas de la paresse, c’est juste que...Vraiment la tanière des anciens, non merci quoi. Je pense que je suis pas le seul à penser et dire ça, aussi. Loin d’être le seul, même.

Et je repère rapidement une proie. C’est un campagnol, je crois. Qu’est-ce que j’avais dit ? Facile, hein ? Trop facile. Je me mets en position, avance doucement vers elle, le vent bien dans le bon sens et m’apprête à sauter lorsque – je ne vous cache par la surprise – un chat, et personne d’autre que Nuage du Matin, décide de bondir sur moncampagnol. Oui oui, mon campagnol. “Salut ! T’as vu ce qu’elle fait la nouvelle ?” Je me relève rapidement, les sourcils froncés. Le pire dans l’histoire, c’est qu’elle l’a eu, et qu’en plus, elle est fière d’elle. Difficile de rester calme après ça.

“Elle a pas vu que j’étais là, la nouvelle ? Elle est aveugle ou quoi ? On dirait son frère, mais elle, elle a pas d’excuses ! De toute la forêt, il a fallu que la nouvelle, elle vienne poser ses grosses pattes dégueulasses sur ma proie, et qu’en plus, elle fasse fuir toutes les autres aux alentours, avec le boucan qu’elle fait ! C’est ça, ce que Coeur de Grizzli lui a appris, à la nouvelle ? Qu’on devait venir voler les proies des autres ? Bah bravo, dis-donc, bel exemple !”

Je me suis bien débrouillé, je trouve. C’était bien moins pitoyable que la dernière fois (est-ce que c’est seulement possible de faire pire que la dernière fois ?). En plus, j’ai trouvé ça marrant, de reprendre le terme de “nouvelle”. Je crois qu’elle l’a en travers de la gorge depuis qu’on s’est entraîné avec Lune d’Ebène et Coeur de Grizzli. N’empêche, elle m’a mis dans un sale état. Je veux dire, j’étais d’assez bonne humeur, je trouve. Elle en a rien eu à faire, et me voilà sur les nerfs. Elle ma saoule. A quoi ça lui servait, sérieusement ? J’ai bien envie de lui bondir dessus, mais elle va encore mal le prendre. Puis de toute façon, ça sera pas amusant, j’vais la plaquer au sol en deux trois mouvements – comme Nuage de Grizzli le faisait quand il était encore apprenti et moi chaton. Aussi, on a quasiment six lunes d’écart, donc normal que je lui mette la misère. Elle est au début de son entraînement, et moi à la fin. Bref, si on se bagarre, elle est mal partie. Au moins, je risque rien de ce côté là. Faut juste que j’assure au niveau répliques, et ça ira. J’vais la mettre au sol avec les mots.

Ouais, nan, vraiment, j’suis assez fier de moi. C’était un bel enchaînement. Bon le coup sur son frère, c’était un peu bâtard, mais ça ira, elle s’en remettra. En plus, moi, je l’aime bien, Nuage Abyssal. Il est bien plus sympa que ce dindon. Puis en plus, j’ai eu l’occasion de critiquer Coeur de Grizzli, donc bon, je vais pas me plaindre. J’ai même du mal à retenir un sourire fier derrière mes sourcils froncés. Mais bon, elle a pas fini de me les briser. Vraiment, j’suis pathétique, j’perds mon temps avec une gamine comme ça, alors que je pourrais finir de chasser, m’entraîner bien tranquillement, devenir le meilleur guerrier que je puisse devenir, mais non, elle est là, et elle compte pas me lâcher la grappe, apparement. “Parle pas de mon frère comme ça. Tu sais pas ce qu'il a vécu et ce qu'il vit encore. Et tu sais quoi ? Je suis contente d'avoir attrapé cette proie, je suis sûre que tu l'aurais loupée. Je t'ai eu sur ce coup là. Tu sais que t'as le droit de pas toujours être le meilleur ? Laisse un peu ta place !”

Ouais, j’avais raison, parler de son frère comme ça, ça lui a pas plu. Bien fait. Lui au moins, pour un aveugle, il se débrouille bien. Elle, elle est juste à la ramasse. Mais… Attendez ? C’est un compliment que j’entends là ? Ahah, trop drôle. Elle est tellement pétée en clash qu’elle me fait des compliments. Elle vient de dire que j’étais le meilleur, non ? Oh ça, ça me fait ronronner de plaisir. Par contre, elle est vraiment pas douée. Ça me ferait presque de la peine de continuer de la clasher, ahah. Non, je plaisante, c’est bien trop jouissif. Puis vraiment, elle pense vraiment que je l’aurais loupé ? Je suis le meilleur, non ? Elle l’a dit, j’ai pas rêvé, je le sais. “Mais regarde-toi, t’es ridicule, tu sais très bien au fond de toi que je suis le meilleur, tu le dis sans même t’en rendre compte ! Et tu penses vraiment m’avoir ? Tu penses qu’avoir quelqu’un, c’est aussi facile qu’attraper un campagnol ? Laisse-moi rire… Tu connais rien à la vie, toi. J’suis même sûr que tu t’es encore jamais battue, la nouvelle.”

Ah franchement, je me débrouille plutôt pas mal. En même temps, ce serait la honte que je me fasse martyriser par une gamine de six lunes. J’aurais l’air de quoi, moi, après ? Bref, heureusement, c’est pas le cas, et je lui fais juste la misère. Elle m’arrive même pas à la cheville ! Je veux dire, Nuage Abyssal est bien plus cinglant, puis il sait vachement mieux répondre et se défendre que sa soeur, ça, c’est sur. Ils ont pas reçu la même éducation, hein. Nuage du Matin elle a séché les cours de self-défense oral, apparement. Et puis, elle a toujours pas l’air décidée à me répondre. Je lui ai fermé sa petite bouche ? Bah alors, on sait pas se défendre ? Vraiment, elle fait pitié. Tellement pitié que j’aurais presque envie d’arrêter. C’est vrai quoi, je suis pas méchant, moi de base. C’est elle, elle me tape sur les nerfs ! Elle me fait tellement chier que je fais pas exprès de répondre méchamment. En plus, le truc sur son frère, c’était pas voulu, de base. Je l’aime bien son frère, il est marrant – quand il est pas trop de mauvaise humeur – et puis on s’entend bien. C’est sa faute à elle, voilà, c’est tout !

Et puis voilà qu’elle fait quoi ? Elle commence à me sauter dessus. Je sais que je suis beau, mais bon, hein, faut pas exagérer, elle pourrait se retenir ! Ma petite pique a marché, alors, ça veut dire ? Bah dis-donc, elle est susceptible, la petite ! C’est facile de la faire enrager, la nouvelle. Oh mais ? Par contre, on avait pas dit ça, hein. C’est pas ça les règles, la nouvelle ! Elle vient de me bondir dessus, et j’étais trop amusé à me foutre de sa gueule pour m’en apercevoir – bah je pensais pas qu’elle allait réellement me sauter dessus, quoi. Et en plus, elle a sorti les griffes ! Ca par contre, vraiment pas du jeu. Elle va en voir de toute les couleurs. Je couine quelques secondes lorsque sa patte s’enfonce dans mon épaule, mais bon, je me retiens aussi, j’veux pas passer pour un boloss aux yeux de la nouvelle.

Bon, je vais pas me laisser marcher sur les pattes non plus. On s’amuse bien, mais me faire victimiser comme ça, ça va deux secondes. Je l’ai laissé croire un instant qu’elle pouvait me rouler dessus, et maintenant, ça suffit. Je prends appui sur le sol, me déplace rapidement, bien plus rapidement que Nuage du Matin. Qu’est-ce qu’elle est lente, aussi ! Non, mais vraiment, elle a vraiment cru qu’elle pouvait me la mettre à l’envers, comme ça, sans que je réagisse ? Le pire, c’est qu’elle sait vraiment pas se battre. En même temps, avec Coeur de Grizzli, fallait s’y attendre, hein. Nulle, la nouvelle. Vraiment incompétente. Je la plaque facilement au sol, avec son poids plume et le peu d’entraînement. Une fois à terre, je replonge mon regard dans le sien, et lui décroche mon plus beau sourire. “C’est tout ce que Coeur de Grizzli t’as appris ? Hé tu sais, la nouvelle, t’es pas censée sortir les griffes avec les amis.” Je raille sur le dernier mot. Parce que bon, on est vraiment loin d’être potes.

Putain ça picote son truc quand même. J’ai bien envie de me passer une patte sur le nez, mais bon, étant donné que je m’efforce de tenir la nouvelle, ça va être compliqué de m’inventer une troisième patte de devant. Je vais juste souffrir en silence, quoi. Oh, d’ailleurs, ça commence à goûter. J’ai même pas besoin de loucher pour voir que ma plaie devient rouge. Bon, j’suis pas inquiet, la tête, ça saigne facilement beaucoup. Faudrait juste pas que ça s’infecte, le reste, je m’en cogne. Spectre de Lumière ou Nuage Abyssal me fera bien ça. Ahah, Nuage Abyssal. Ce serait marrant que je lui dise que c’est sa frangine qui m’a fait ça, d’ailleurs. Je crois que ça le ferait marrer. Enfin, au fond, j’en sais rien. Je sais pas trop s’ils s’entendent bien. Je lui parle de sa soeur quand je passe du temps avec lui.

Et la voilà qui rigole même pas. Même pas un peu. J’en ai marre. En plus d’être chiante, elle est même pas marrante. Parce que bon, y’a des apprentis chiants qui sont tout de même marrants. Mais non, pas elle. Elle, elle me casse juste les couilles. Mais bon, au moins, j’espère qu’elle comprendra la leçon : elle m’arrive pas à la cheville. C’est vrai, quoi, je l’ai retournée en même pas dix secondes. Elle est trop faible, bien loin d’être entraînée. Nulle, quoi. En même temps, avec un tel mentor… Ahah, je rigole. Je préfère largement mon frère à cette peste. Lui, au moins, il viendra jamais me griffer comme ça.

Et voilà que je me prends un nouveau coup. Encore un. En plein sur le poitrail. Par réflexe, je recule, relâche la pression. C’est bon, elle va pouvoir s’échapper, la nouvelle. Je m’arrête, jette un coup d’oeil à mon poitrail et vois déjà apparaître une longue traînée rouge tout le long de ce dernier. C'est bizarre, pourtant. J’ai pas aussi mal que ce à quoi je m’attendais. Mais j’ai quand même mal. En fait, je pense que l’effet de surprise m'anesthésie encore, que je ressens pas tout à fait la douleur à ce moment-là. Ça arrive petit à petit, je le sais, je le devine. Je vais encore douiller. A cause des caprices d’une gamine pas capable de ranger ses griffes. Oh Clan des Etoiles, je commence vraiment à douiller, par contre. Je jette un deuxième et dernier coup d’oeil à ma fourrure brune, avant de lancer un regard meurtrier à Nuage du Matin.

C’est bon, on a assez joué comme ça. Elle sait pas se contrôler. C’est comme un chaton, en fait, c’est tout pareil. Sauf qu’elle est plus âgée, elle devrait pouvoir se contrôler. Mais non, apparement, c’est pas le cas. Elle va m’entendre, oh oui, elle va m’entendre. Elle a réellement un don pour m’énerver. Et en plus, ça la fait rire, cette pouffiasse. Putain. Elle va voir ce qui va partir tout seul si je me retiens pas. “Je crois que t’as raté la phase à la Pouponnière. Quelques lunes en plus là-bas te feraient pas de mal.” Je fais une pause, mais sens la colère bouillonner bien trop vite dans mes veines pour me retenir plus longtemps “T’es vraiment trop conne, ma parole. Ta mère t’as rien appris, en fait ?”

Peut-être qu’elle est malade. Enfin, malade, je veux dire, atteinte d’une maladie mentale, pas malade en mode rhume nul ou je sais pas quoi. Genre, vraiment malade. Instable mentalement. Je lui souhaite vraiment pas ça. Mais, ça m’étonnerait pas qu’elle le soit. Qui ferait ça ? Qui s’amuserait à trancher le poitrail de ses camarades et d’en rire après ? J’ai laissé passé la griffure sur le museau, mais celle-là, c’était celle de trop. Elle est allée trop loin. Si je ne lui apprends pas maintenant, qui le fera, hein ? Coeur de Grizzli ? Sûrement pas. Il est bien trop gentil pour ça, de toute façon. Mieux vaut que ce soit moi que quelqu’un de véritablement mal intentionné, non ? Je sais, le coup de parler de sa mère, comme ça, c’était vraiment pas sympa. Surtout que je sais que moi, ça me mettrait hors de moi qu’on parle de Maman comme ça. Surtout si elle… Si elle… Voilà quoi. Je supporterais pas.

Mais elle, ça a pas l’air de l’énerver. Non, elle sourit, même. Oui, je suis très sérieux, elle sourit. Comme si ma remarque lui avait fait plaisir. Comme si elle n’avait attendu que ça, que j’évoque sa mère. Elle est étrange. Définitivement étrange. Je l’avais déjà remarqué, la dernière fois, mais là, c’est trop. Qui sourit quand on insulte sa famille, même ? Nuage Abyssal est tellement différent d’elle, que je peine à imaginer qu’ils sont véritablement frère et soeur. Ils réagissent de façon totalement contraire, en tout cas. Je peux être sur que si j’avais sorti la même vacherie à Nuage Abyssal, il m’aurait égorgé sur place, aveugle ou pas. Il aurait jamais permis qu’on parle de sa mère ainsi !

Son sourire est étrange. C’est pas un sourire franc. Enfin, je comprends tout à fait le fait qu’elle ne me sourie pas avec tout son coeur, mais là, son sourire est tellement déformé qu’elle peut pas faire semblant de pas avoir été touchée par mes paroles. Impossible, et je le sais. “Ouais t'as raison. Clairement, j'ai été super mal éduquée.” C’est du sarcasme, ça, je sais encore le reconnaître. Puis, avec le ton de sa voix, j’ai pas vraiment de doute.

Je crois que je vais rentrer. Cette blessure, là, ça me dit rien qui vaille. Mais, à vrai dire, je pensais qu’elle partira avant moi, et c’est pas le cas. Et je sais pas trop quoi ajouter d’autre, parce que chacal j’ai déjà dead ça avant qu’elle ne me réponde, donc bon, voilà. Aussi, elle cherche même pas le conflit. Elle vient de me donner raison – même si c’est du sarcasme, certes – et y’a plus grand chose à faire, maintenant. Alors, je la regarde dans les yeux, reprends le sourire que j’ai perdu au moment où elle a commencé à m’énerver sérieusement et lui réponds : “C’est bien de l’admettre, au moins.” Je regarde mon poitrail une énième fois, le désigne d’un mouvement du menton et ajoute : “Qu’est-ce qu’il va penser, ton frère, si je lui dis que c’est toi qui m’a fait ça ?”

Je sais pas vraiment si je compte lui dire. Je veux juste voir sa réaction à elle.

Est-ce qu’elle aura honte de ce qu’elle a fait ? Est-ce qu’elle réalisera vraiment ? Non, je ne crois pas d’ailleurs. D’ailleurs, elle n’arrive même pas à soutenir mon regard. Elle a peur ou quoi ? C’est moi qui lui fait peur, hein ? Bah alors, elle arrive pas à me regarder les yeux dans les yeux ? Parce qu’elle a honte, voilà tout. Elle sait qu’elle a fait une connerie et elle a honte. Et moi, pour ma part, je vais très clairement pas dire à son frère ou à Spectre de Lumière que c’est elle qui m’a fait ça. J’ai pas envie de me taper la honte. Je la menace, mais je veux juste lui faire peur, rien d’autre. J’ai trop de dignité pour raconter ce qui s’est passé à Nuage Abyssal, ou même à n’importe qui d’autre. Se faire blesser par une fille, la honte quoi. Elle perd ses moyens, suite à ce que j’ai dit. Ça la fait vraiment paniquer, hum ? Ahah, bien fait.

Et la voilà qui se remet en marche, qui compte faire quelque chose. Je me mets sur mes gardes, cette fois. Hors de question qu’elle me touche à nouveau, cette folle… mais… ça n’a pas l’air d’être dans ses intentions. Qu’est-ce qu’elle fait ? Hein ? Pardon ? J’assiste à la scène, muet. Qu’est-ce que je pourrais dire, de toute façon ? Elle est folle, définitivement. La voilà qui se griffe volontairement la patte, sur tout son long. J’ai envie de lui crier “Arrête”, instinctivement, mais me retiens. On est pas potes, c’est même le contraire, elle m’a agressé pour rien. “Je dirai que c'est toi qui m'a attaquée en premier.” C’est ça son plan alors ? Mais en plus de se faire mal, c’est vraiment nul ! En tout cas, ça veut dire que mes menaces ont fonctionné. Ça veut dire qu’elle gobe n’importe quoi, pour le peu que ce soit un minimum crédible. Mais qu’est-ce qu’elle est folle, tout de même. Son frère est au courant ? J’en sais rien. Je veux pas savoir.

Elle saigne beaucoup, quand même. Plus que moi. Et en plus, elle a un plus petit gabarit. Pour peu qu’elle soit hématophobe, on est pas dans la merde. Enfin, si elle l’était vraiment, elle aurait crisé en voyant ce qu’elle m’a fait, donc bon, je suis serein là. À ce propos, du moins. Face à Nuage du Matin, je sais pas trop quoi faire. Que faire face à une folle furieuse, aussi ? On m’a jamais appris, moi. Est-ce que ça s’apprend, même ? Non, je crois pas. Il y a pas de survivant pour témoigner.

Je soupire. “T’es fière de toi, là ? Et tu penses vraiment qu’on me ferait quoi que ce soit, si t’oses dire que c’est moi qui t’ai attaquée ? Je crois que t’as oublié à qui t’avais affaire… ”