Strange meeting

ft. Râle Anthracite

Une ombre se profilait dans la forêt humide. Malgré la noirceur, on percevait le changement de couleur des feuilles, la fraîcheur s'était abattue sur le territoire de l'Ombre aussi vite que la saison des feuilles mortes était arrivée. Mais ce n'était pas pour déplaire à tous les matous de Cerfblanc. La plupart en avait marre d'avoir trop chaud et d'autres appréhendait cette nouvelle saison qui s'installait chez eux. Car elle précédait la saison des neiges et la dernière qu'ils avaient vécu avait changé la vie de beaucoup d'entre eux en leur arrachant des membres cher à leur cœur. Pourtant cette ombre qui avançait au petit trop au travers des bosquets avait l'air de meilleure humeur depuis qu'il faisait plus frais.

Son corps se déplaçait tel celui d'un serpent au milieu des arbres, des buissons et des branches brisées qui jonchaient le sol. Elle aimait venir près de cet arbre aussi noir que sa longue fourrure, il avait été frappé par la foudre, lui aussi avait été blessé mais avait tenu le coup, tout comme l'ébène. Sauf que pour elle, cela n'avait pas été la foudre mais la torture dans son sens le plus simple. Puis elle s'était relevée, avait couru des heures durant pour arriver chez le Clan de l'Ombre dans lequel elle avait finalement grandit, autant physiquement que psychologiquement. Elle avait maintenant des amis et même ce qui s'apparentait à un père pour elle. Alors même si son passé la définirait toujours, la guerrière de l'ombre était aujourd'hui et depuis déjà des lunes une féline heureuse et bien dans sa tête.

Soudain un craquement. Une branche fine vient de céder sous le poids maigre d'une proie alléchante. Son fumet arrive alors jusqu'au museau fin de la chasseuse ébène qui se met aussitôt en chasse, son corps sinueux change de position, ses sens passe en alerte tandis qu'elle avance dans la bonne direction. Et d'un coup, elle disparaît des yeux de tous. Lune Ébène redevient une ombre dans la forêt. Et on voit ce rongeur. Un mulot. Il cherche une graine de son fin museau, pour se nourrir. Puis il entend un bruit, se concentre. Oh, il a dû rêver. Plus de bruit, plus rien pendant une fraction de seconde avant d'entendre des couinements et un craquement d'os sec. L'ébène avait attrapé sa troisième proie de la soirée, le corps du rongeur pendouillait dans sa gueule, inerte, alors qu'elle l'emmenait à l'endroit où elle avait enterrée ses précédentes prises.

Pour l'ébène, la vie de nuit était sa vie normale. Pour la plupart des matous, c'était le moment d'aller se reposer pour se préparer à la journée suivante. Mais pour la féline sombre, c'était le moment de se lever pour vivre sa vie à elle. Ses yeux incapables de supporter la lumière du jour ou les lumières trop vives l'empêchaient de profiter du soleil comme ses camarades. Elle pouvait réapprendre à parler avec son ancien mentor mais aucun remède n'existait pour soigner sa pupille photosensible. Elle s'était faite à l'idée bien des lunes auparavant et cette vie lui convenait. Après tout, l'ébène était bien meilleure chasseuse en solitaire qu'en équipe. En parlant de chasse, voilà qu'à nouveau elle avait repérer une proie, une souris ce coup-ci. Son corps s'infiltra à nouveau dans les ombres, disparaissant de la nuit un instant pour repérer sa proie et l'achever le plus vite possible. La voilà ! son corps se baissa, prêt à bondir quand une autre odeur la stoppa. Il y avait un chat ici.

Ses iris ne tardèrent pas à repérer la fourrure grise et blanche de l’intrus. Enfin, pas vraiment un intrus puisqu'il s'agissait d'un guerrier de son Clan. Mais il venait l'interrompre en pleine chasse et cela ne lui plaisait pas plus que ça. L'ébène sortit des ombres, se laissant bien visible pour qu'il la voit également avant qu'elle ne plonge son regard dans le sien, mécontente. Ce mâle possédait de grands yeux verts et sa fourrure grise et blanche contrastait largement avec celle de l'ébène. Elle était grande et aussi sombre que la nuit quant à ses yeux, ils étaient décolorés. Bleu électrique en leur centre, entourant sa pupille, et blanc sur l'extérieur de son iris. Le rongeur s'était enfuit, depuis un instant déjà alors que l'ébène toisait le nouveau venu. La chasse nocturne était son élément de prédilection. Elle n'aimait pas être dérangé, encore moins quand cela n'était pas prévu. Elle lui lança donc un signe de tête, lui demandant de se présenter, ou au moins de lui dire ce qu'il fichait là en pleine nuit.