FEAT @Aigle Royal

The eagle and the kitty

Ralenti. Respire. Ralenti. Respire. J’ai dit ralenti. Respire.

Encore un cauchemar. Toujours des cauchemars. Mais ça allait. On s’habituait. On finissait toujours par s’habituer. À n’importe quelle situation, qu’elle soit débile ou grave. On finit par trouver cela normal. On finit même parfois par croire que c’est de notre faute. Qu’on l’avait bien cherché, au final.
Alors que non.
Parfois, c’était juste pas notre faute.

Mes yeux s’ouvrirent dans la pénombre. La nuit. Dehors, il y avait un croissant de lune qui diffusait sa pâle lumière dans le ciel. Bientôt, on ne la verra même plus à cause des nuages. Je me souvenais de l’époque froide et d’un ciel rempli de nuages. L’époque où j’étais née. Mais c’était un peu flou, tout ça. Je n’étais pas réputée pour avoir une excellente mémoire.
Enfin, entre nous, j’étais réputée pour être la pire apprentie du clan. En plus d’être complètement débile.

Je savais pas pourquoi je faisais ça, pourquoi j’agissais ainsi. Pourquoi j’m’étais dit que ce serait plus simple de faire croire que j’étais débile. Peut-être pour pas exposer mes vraies faiblesses. Probablement, en fait. C’était pas que j’avais une très mauvaise estime de moi-même, mais c’était tout comme. Peut-être que juste, faire semblant, ça m’aidait. Parce que les insultes, les messes basses de certains, bah, ça m’atteignait pas comme ça devrait. En fait, j’en avais complètement rien à foutre de ce que les autres disaient, parce que celle qu’ils voyaient, bah c’était pas moi.
Jamais je ne deviendrai ce que je faisais semblant d’être.

J’arriverai pas à me rendormir. Autant être utile pour le clan. Alors, en baillant, je me mis debout, m’étirai et sortis de la tanière des apprentis. Oui, parce que contrairement à ce que je faisais croire, je savais chasser, hein. Juste que, je savais pas trop. Je savais pas pourquoi j’agissais comme ça. C’était trop tard, de toute manière. Trop tard pour changer la décision ultra stupide que j’avais prise et qui n’avait simplement aucun sens.
Mais si je le leur disais ? Si je leur révèlais que je n’avais fait que mon hypocrite avec eux, comment mes amis allaient-ils réagir ?
Mal. Très mal.
Je pourrais même plus les appeler amis.
Alors je continuais à faire semblant.

Il commençait à faire de plus en plus froid, ici, pendant que les arbres arboraient leurs jolis manteaux colorés. Jaune. Rouge. Orange. Brun. C’était magnifique. J’aimais beaucoup cette saison. Même si elle signifiait qu’on allait tous crever de faim dans quelques lunes. C’était pas le sujet là.
Je sortis incognito du camp et je partis chasser.
On s’en fichait du nombre de proies que j’avais ramené.
C’était pas important.
Fallait juste retenir que j’étais rentrée sans encombre et que j’étais repartie dormir.

Au petit matin, on m’annonça que Museau Enrhumé était de sortie et qu’on m’avait assignée à un groupe de chasse avec deux autres apprentis et un guerrier qui ne semblait pas trop me porter dans son coeur : Aigle Royal. Ce matou semblait… si… arrogant ? Je l’aimais pas. Du coup bah c’était réciproque. En général, j’aimais pas masse monde en dehors de mes potes et ma famille quasi inexistante. Mais bref. C’était pas le sujet.

Alors on était sortis du camp. Gé-nial. De la chasse. Youpi. J’adorai ça. Juste regarder la proie partir comme ça. C’était ridicule. J’étais ridicule. Non. Nuage du Pigeon était ridicule. Moi, je m’étais secrètement renommée Lionne. C’était joli, Lionne. Changer d’identité, ça m’aidait. Ça m’aidait à dissocier celle que je faisais semblant d’être avec celle que j’étais vraiment. Lionne. Un bébé lionne. Mais un jour, je m’étais promis que mentalement, je ressemblerai à ça.
Une lionne.
Enfin, pour le moment j’étais qu’un petit chaton craintif.
Mais bientôt.
Bientôt.
Bientôt je serai aussi fière qu’une Lionne.
J’en avais jamais vu, mais j’avais entendu beaucoup de légendes à son propos. Un cousin éloigné du chat, en plus grand, dangereux, majestueux.
Un lion.