Inexorablement, le printemps ~ ft Poil de Musaraignes

L'après-midi était déjà bien avancée que Pelage de Lune rentrait avec Nuage d'Ecailles d'un entraînement de combat. Son apprenti faisait de grands progrès, et à chaque patrouille semblait plus assidu, mais aussi plus espiègle. En bref, leur duo était lié d'une grande entente, ils s'amusaient en progressaient ensemble. Le plus jeune s'améliorait en technique, et, malgré ses difficultés en chasse, avait de grandes chances de devenir un bon chasseur, tandis que le plus âgé tentait de s'exprimer plus clairement, d'expliquer ses propos, et de revoir les techniques de combat. Ils se complétaient par leurs difficultés et leurs points communs. Leurs sorties lui faisait le plus grand bien, et il se sentait très épanoui dans sa vie.
   Même Nuage de Pluie paraissait plus à l'aise dans son antre de guérisseuse, même s'il entendait souvent des rumeurs chuchotant qu'elle n'était pas aimable. Et il se doutait bien que les deux soigneuses n'étaient pas des plus agréables, assez glaciales, même. Quant à Nuage de Ruisseau, son petit fils était toujours rayonnant. En fait, toute sa famille allait bien, et ils avaient, avec Epine, beaucoup plus de temps à passer tous les deux, profitant de patrouilles pour se proposer à deux.
   
   Le gris envoya son apprenti se reposer, lui qui boitillait presque. Celui-ci hocha la tête et s'éloigna, sans passer par le tas de poissons, se dirigeant directement à la tanière des apprentis. Pelage de Lune retint un sourire, satisfait de l'avoir fait bosser aussi durement. Puis il s'éloigna à son tour et commença sa toilette en compagnie de deux ou trois autres guerriers, parlant de tout et de rien.
  Cœur Lunaire les rejoignit, et lui demanda d'aller patrouiller vers la ferme des Bipèdes en compagnie de Poil de Musaraigne. En réalité, il avait mal aux pattes aussi, mais il risquait de s'ennuyer s'il ne ressortait pas dans la journée. Il hocha la tête, et lui répondit que ce n'était pas un problème, puis s'en alla à la recherche du félin. Blanc comme il était, il ne fut pas compliqué de le trouver, alors qu'il mangeait un petit poisson. Le matou trottina vers lui, et s'assit juste en face, juste pour la forme, comme ils auraient à se relever très vite.
"Bonsoir ! Cœur Lunaire nous demande d'aller patrouiller vers la ferme des Bipèdes. C'est parti ?"

   Sans attendre sa réponse, qui, de toute façon, n'avait d'autre choix qu'être positive, il s'engagea sur la route, traversa le tunnel d'ajoncs d'un pas vif. Si on les avait envoyé là-bas, ce n'était pas sans raison. En fait, des apprentis avaient cru apercevoir d'autres félins rôder, et non pas forcément des solitaires, mais un groupe de nouveaux-venus. Les deux guerriers ne devaient surtout pas s'immiscer sur le territoire à proprement parler, mais simplement jeter un œil pour voir si des activités étranges avaient élu domicile sur le territoire des vaches et des chevaux.
   Il se tourna vers Poil de Musaraigne, plantant ses yeux bleus presque turquoise dans son regard hypnotisant, un léger sourire sur le coin des lèvres :
"Des apprentis ont vu d'autres chats là-bas. C'est chouette d'avoir été choisi pour juger de la situation, tu ne trouves pas ? Ca change !"

   Pelage de Lune était très heureux d'avoir été choisi. Oui, il était maintenant guerrier depuis longtemps, il avait même un apprenti, mais toute la confiance d'Etoile des Songes reposait sur lui. Cela lui faisait fichtre plaisir, même s'il craignait ne pas être à la hauteur.

hrp:

Il avait pensé que sa bonne humeur était contagieuse. Le printemps faisait son grand retour, et rien que ça le réjouissait et lui donnait des stupides envies infantiles de se mettre à rire pour tout et rire, de pourchasser les oiseaux qui se remettaient à chanter. Cette météo lui rappelait l’époque où il avait vu naître ses deux enfants, Nuage de Pluie et Nuage de Ruisseau. Jamais il n’oublierait ce sentiment de panique et d’exubérance qu’il avait ressenti on l’avait prévenu qu’Epine d’Or était à deux griffes de mettre bas.
La ferme pointait le bout de sa truffe là-bas, et il mourrait d’envie d’accélérer l’allure, et de découvrir ce qui se tramait sous ces odeurs louches. C’était une grande responsabilité, et il voulait à tout prix réussir, pour rendre fière sa famille et son Clan en général. Le gris savait qu’il n’avait pas à stresser, et pourtant son manque de confiance en lui l’apeurait presque.
Effectivement , on doit nous faire confiance pour nous envoyer ici . Ou alors nos vies n'ont aucune importance et il a choisi les moins importants du clan . Dans tous les cas , il n'y a pas intérêt à y avoir d'autres chats sinon ça se passera mal pour eux

Le matou secoua la tête, gêné. Toujours il fallait que les émotions et pensées néfastes des autres s’amusaient à le rendre poussière, et à réduire à néant sa joie. Il avait toujours pensé, parce qu’il n’était qu’un orphelin, qu’on l’oublierait et qu’on le penserait incapable de tout. Il avait fait des marques, avait récupéré Encre Marine en mentor alors qu’il y en avait d’autres de libre et on lui avait offert l’apprentissage de Nuage d’Ecailles. C’est qu’il n’était pas un poids, si ?
Et puis, Poil de Musaraigne venait mettre en avant cette perspective de combat. Or, Cœur Lunaire lui avait fortement indiqué qu’ils ne devraient pas se battre. Ils étaient là en tant que sentinelles et non pas de combattants. Son pas se ralentit un peu, et il lui jeta un œil perplexe :
« Hum, on n’a techniquement pas le droit de se battre. Enfin, Cœur Lunaire m’a conseillé de rester à l’écart et juste d’observer. Bien sûr, s’ils sont violents, on fera ce qu’on aura à faire, hein ? »

Après un hochement de tête décidé, et un regard envers le matou à côté de lui, il inspira profondément et passa par la porte furtivement, à pas de loups. Se cachant derrière un canapé fort abîmé, il essaya de trouver des effluves. Et il y en avait beaucoup qui se superposaient les unes aux autres ! Le bois, le moisi, quelques proies aussi. Une odeur féline se dégageait de l’air, si bien que Pelage de Lune sentit instinctivement ses muscles se raidir. D’une voix bien assurée, contrairement à ce qu’il pensait là-haut, il exprima ses doutes :
« Il y en a. Je sais pas où ils sont ! Qu’est-ce qu’on peut faire ? »