Une matinée d'automne ~ ft. Givrou

— Ce matin là, Fleur de Lys s'était réveillée avec la certitude
que sa journée serait banale, médiocre, habituelle, empreinte de cette routine qui s'était emparée du camp depuis que les températures avaient baissé. En sortant de sa tanière, elle constata que le soleil était voilé, et que ses rayons peinaient à atteindre la forêt. Elle soupira. Le Clan n'était pas dans une bonne passe: la succession de Plume de Jais tardait. Fleur de Lys avait toujours secrètement rêvé au poste de guérisseur, mais à présent que l'occasion se présentait, elle n'osait pas. De quoi avait-elle peur ? Elle ne le savait même pas, mais elle n'arrivait pas à se raisonner pour autant. La guerrière s'était toujours sentie de trop dans son rôle, se considérant piètre combattante et chasseuse...ordinaire, rien de moins que les autres, mais rien de plus non plus. Mais pour être guérisseur, il fallait avoir le sens du contact, et retenir tant de choses: en était-elle seulement capable ? Sûrement pas, songeait-elle dès qu'elle avait un instant pour y réfléchir. Cependant, malgré cette certitude de ne pas être à la hauteur, l'idée de se proposer comme apprentie de Plume de Jais lui restait dans la tête, pensée terrible dont elle n'arrivait pas à se débarrasser ; pensée qui était encore revenue en cet instant.
Fleur de Lys secoua la tête pour se rafraîchir les idées et se concentrer sur le présent. Son estomac grondait, mais le tas de gibier était vide. Voyant Ciel Déchiré seul, en bas du promontoire, elle alla jusqu'à lui.
- Bonjour, Fleur de Lys ! Tu as raté le départ de la patrouille de l'aube et de celle de chasse, lança-t-il tranquillement.
- Oh non, mince, je suis vraiment désolée, je ne me suis pas réveillée... oh la la je multiplie les bourdes en ce moment, j'aurais dû être là ! s'écria-t-elle, troublée et sincèrement désolée.
Ciel Déchiré tenta vainement de réprimer un ronron amusé.
- Allons bon, ce n'est rien, cela arrive à tout le monde ! Si tu veux, tu peux rattraper les chasseurs, ils sont partis vers le grand Sycomore il n'y a pas si longtemps que ça. Pelage Gris* est à leur tête, et il sera bien content d'avoir une paire de pattes en plus, répondit-il non sans sympathie.
Fleur de Lys soupira de soulagement.
- Merci beaucoup ! Je vais les rejoindre de ce pas, à plus tard.
Il agita la queue en retour, et s'assit tranquillement pendant qu'elle partait à toute vitesse.
***
Le soleil n'était pas au milieu de sa course journalière quand la patrouille rentra, chargée d'un écureuil, de deux souris et d'un moineau qui n'avait que la peau sur les os.
Fleur de Lys déposa sa proie sur le tas de gibier, et sursauta quand Ciel Déchiré, qui était toujours près du promontoire, lui lança, désignant son écureuil:
- Belle prise !
Et il lui fit un clin d'oeil.
- M-merci, réussit-elle à bégayer.
Elle se dirigea vers sa propre tanière et s'installa juste devant elle pour se reposer. Les yeux presque fermés, la guerrière se demanda si le lieutenant avait cherché à se moquer d'elle... Evidemment, elle voyait simplement le mal partout.
Fleur de Lys manqua de s'endormir mais rouvrit brutalement les yeux, et vit, juste devant elle, un chaton, ou plus exactement Petit Givre.
- Oh, bonjour ! elle s'efforça de mettre un ton joyeux dans sa voix, même si elle était très embarrassée qu'on vinsse lui parler. Tu m'as dit quelque chose ? Désolée, j'étais perdue dans mes pensées, ajouta-t-elle, gênée.