quelle plaie !

Je me suis blessé en allant chasser aujourd’hui. D’une façon idiote en plus, j’ai presque honte. J’étais en pleine course poursuite pour chopper une belle proie et en sautant pour l’attraper, je n’ai pas fait attention où je m’étais les pattes : l’une d’entre elle est retombée sur une branche pointue. Le bâton, fièrement dressé vers le ciel, s’est cassé mais à eu le temps de m’écorcher le coussinet. Le pire dans tout ça, n’est pas la blessure, c’est qu’elle m’a empêché d’attraper cette proie et j’ai dû rentrer au Camp : impossible de chasser dans ce piètre état. J’ai décidé de ne pas forcer sur la blessure, d’aller chercher les différents animaux que j’avais tué et d’en terminer avec la chasse pour aujourd’hui. De toute façon, je ne peux pas faire autrement. J’arrive en boitillant au Camp. Un petit s’approche de moi et m’aide à porter une proie. Je le remercie chaleureusement, en l’invitant à apporter la proie à sa mère. Il s’en donne à coeur joie. Je m’en vais chez les guérisseurs, l’Antre près des Barthes. J’y vais non sans rechigner, ce serait mal me connaître. Lorsque j’arrive, seul Aètos est présent, il semble que Pan soit parti. Peut-être qu’il est allé cueillir des plantes. Un petit sourire amusé grandit sur mon visage. J’espère qu’il ne tombera pas sur la même branche que moi ou ça fera deux blessures idiotes !

Avec un miaulement sympathique, je salue le guérisseur. Je me souviens encore le temps où montrer mes émotions était une chose impensable. La mort de Kaori et le fait de vivre avec d’autres chats m’a permis de m’ouvrir au reste du monde. J’aime bien, cette partie de moi. Je ne suis pas un être super sensible non plus mais… je le montre quand je suis heureux, déçu, triste. Enfin, je montre surtout plus ma joie de vivre. Pour ce qui est de la tristesse et de la peine, je le garde encore trop pour moi. Ecoutez, je fais des efforts mais il ne faut pas trop m’en demander ! J’échange quelques banalités avec le jeune avant de lui montrer la grandiose blessure :

- Je crois que ce n’est pas trop profond.. Elle m’empêche de poser totalement ma patte sur le sol quand même, enfin, je peux mais ça me fait mal, donc j’évite de forcer.

J’évite de parler de la façon dont je me suis écorcher. J’ai déjà dit que j’en avais honte, je n’ai pas envie d’enfoncer le bâton dans la plaie (petit jeu de mot, par rapport au fait que je me suis ouvert avec une branche… bref, passons). Vu que je ne suis pas un “vrai” chasseur - même si, depuis le temps, je commence de plus en plus à me considérer tel quel -, je tente par dessus tout que je suis très fort, afin de prouver que je peux servir à la Troupe. En même temps, qui peut affirmer qu’il est un vrai chasseur de la Troupe inondé ici ? Cela devient de plus en plus dur… Avec l’assemblement des deux Troupes, va savoir qui vient d’où. La Troupe est devenu un mélange de tout pleins de monde… C’est ce qui rend la Troupe unique en son genre et je l’aime ainsi. Par ailleurs, les anciens membres de la Troupe Embrumé commencent à apprécier la vie sur le territoire de la Troupe Inondé. De même pour ce qui est des chats qui autrefois, étaient nos ennemis, ils s’habituent à notre présence. Finalement, allier nos Troupes n'était pas une si mauvaise idée. J’ai l’impression qu’il y a moins de conflits et que donc, nous sommes plus forts. Certains n’ont pas réussi à se faire à l’idée, comme Trïco et La par exemple, qui ont décidés de visiter le monde… J’espère qu’ils reviendront un jour, mes meilleurs amis me manquent. En tout cas, pour ma part, je me verrais mal repartir sur le territoire de la Troupe Embrumée. Il doit être dans un piteux état maintenant, à cause de l’invasion des Escogriffes !

quelle plaie !

Le jeune guérisseur ne semble pas ravi de me voir. Je plisse les yeux, essayant de comprendre le mal être du chat. Je comprends, sans trop chercher, que ce doit être de ma faute. Aètos est un félin de la Troupe Inondée, un vrai de vrai, pas un de ces sales chats venus du territoire adverse. Je ne suis pas stupide, je sais très bien que beaucoup ne nous veulent pas chez eux et préfèrent les Troupes coupés en deux. Ne connaissent-ils pas l’histoire des Troupes ? Comme quoi, à la base, ils sont tous frères et soeurs, liés par le sang et que c’est à cause d’une stupide dispute qu’ils ont dû se séparer ? Pourquoi les chats des Troupes ne retiennent pas leurs erreurs passées… Je suis un domestique, je ne viens pas d’ici et pourtant, j’ai très bien compris qu’il fallait éviter de refaire la même erreur que leurs ancêtres ! Ai-je le droit de dire “nos” ancêtres malgré le fait que je n’ai aucun lien de sang avec eux ? J’aimerais pouvoir le dire car, je me sens comme l’un des leurs. Mais je ne sais pas si tous les chats d’ici serait d’accord… Beaucoup d’entre eux me prennent encore pour un domestique et ils me verront toujours comme tel.

Je me demande ce que pensent les Esprits de l’unification des Troupes… J’ose espérer que pour eux, c’est une bonne nouvelle et que cela règlera les vieux conflits. Aètos m’indique où m’installer pour qu’il puisse m’examiner. Il commence alors à enlever quelques échardes de ma patte. J’avoue que je ne peux pas m’empêcher de grimacer. Disons que ce n’est pas la sensation la plus agréable du monde…

- Peux-tu bien me dire comment tu t’es fait cela. Ta plaie est remplie d’écorce de branche. Normal que lorsque tu marches cela te fasse mal. Tu as bien fait de venir me voir.

Noooon ! La question que je ne voulais pas entendre et à laquelle je ne voulais pas donner de réponse. En même temps, je m’attendais à ce qu’il me la pose, il n’est pas le guérisseur pour rien. Il ne me regarde, ce qui permet de continuer à grimacer sans gêne. Et puis, comme ça, je peux réfléchir à ma réponse tranquillement sans que cela ne se voit que je pense à un mensonge. La question est : est-ce que je sors un mytho ou pas ? Qu’est-ce que je peux bien dire à part la vérité, de toute façon ? “Un bâton m’a attaqué” ? Non, bah non, je suis dans l’obligation de lui raconter ce qu’il s’est passé, même si cela ne va pas me mettre en valeur.

- Je chassais et j’étais trop concentré sur la proie pour ne pas voir le bâton fièrement dressé vers le ciel. Voilà la triste et vraie vérité.

Je lui souris, à demi-amusé. Il vaut mieux rire de son sort plutôt que de s'apitoyer, pas vrai ?

Tentative de rapprochement

>CODAGE by Liliebia

quelle plaie !

Le jeune guérisseur se met alors à rire en entendant mon histoire. Mon sourire s’agrandit : ce n’est qu’un petit rire qu’il tente de camoufler mais au moins, il se décoince un peu ! Aètos a l’air de rester enfermé dans sa tanière toute la journée, sans personne pour lui tenir compagnie… Je veux changer ça ! Derrière sa carapace se cache une bonne personne, j’en suis sûr. Et puis, son rire s’estompe. J’ai pu apercevoir un bout minuscule de sa vraie nature, voilà qu’il a déjà fermé l’accès à son petit cœur. Est-ce qu’il m’apprécie ? Je n’en suis pas si sûr mais, ça m’est égal ! Il ne me connaît pas encore, lorsqu’il verra qui je suis vraiment, il m’aimera bien. Enfin, je l’espère. Un long silence suivit notre petit “fou rire”, si on peut appeler ça un fou rire. Aètos était bien trop concentré dans sa tâche, celle de me soigner. Ce n’était pas très agréable de se faire retirer des bouts de bois du coussinet. Je n’arrête pas de grimacer et encore, je me retiens de gémir. J’essaye de montrer que je suis plus fort que ça mais l’expression de mon visage me trahit. Aètos semble l’avoir remarqué.

- Je vois bien que tu as mal. Laisse-moi quelques secondes, je vais aller chercher quelques choses pour te soulager.

Je hoche la tête et le regarde s’éloigner. Je reste là, sans bouger, à observer la tanière. Il n’y a pas grand chose là-dedans, à part des remèdes. Est-ce que cette vie plaît à Iwé et à Aètos ? Je sais que Iwé ne pourra jamais avoir d’enfant, dû aux coutumes de la Troupe. Est-ce que ça la gêne ? Est-ce qu’elle a déjà pensé à renoncer à son rang ? Aètos revient rapidement vers moi, avec des graines. Ai-je le droit de lui poser la question ? N’est-ce pas mal poli ? J’hésite.

- Prends-les. Tu n’aimeras pas la prochaine partie du traitement. Les derniers morceaux de bois sont enfoncés trop profondément. Ils seront, donc très douloureuse à retirer.

Aètos n’a pas le temps et il a raison. Ma plaie pourrait s’infecter. Je n’en ai pas vraiment envie, je serais un piètre chasseur qu’il me manquait une patte ! Je hoche encore la tête. J’avale les deux graines, sans savoir à quoi elles servent. Elles vont m’enlever la douleur ? Quand j’allais chez le vétérinaire avec mon ancienne maîtresse, c’est déjà arrivé qu’on me pique pour que je ne sente pas la douleur… Souvent, après m’avoir piqué, je tombais dans un lourd sommeil. Est-ce que c’est le même but ? Je lève la tête vers Aètos, voulant lui demander à quoi servent les graines de pavot mais je n’arrive pas à m’exprimer. Mes yeux sont tout petits et j’ai l’impression que ma tête est très lourde. Je la pose sur le sol, marmonnant ma question. Elle est incompréhensible mais si on tend vraiment bien l’oreille, on peut réussir à la comprendre. Mais est-ce que Aètos a le temps de tendre l’oreille ? Non, c’est un chat occupé. Et à quoi bon maintenant ? Je me suis déjà endormi.

quelle plaie !

Je commence alors à me réveiller. Combien de temps ai-je dormi ? Cela ne doit pas faire une heure, peut-être seulement 20 minutes. J’ai fait une petite sieste quoi, ce n’est pas si mal ! Ca va me requinquer pour le reste de la journée même si visiblement, le soleil commence à se coucher sur notre monde. Je suis encore un peu endormi lorsque le guérisseur m’applique une pâte étrange. Ca se mange ? Aètos m’explique alors que c’est une pommade, elle permettra à ma patte de cicatriser plus vite et d’avoir moins mal. Oh, c’est pratique : je vais éviter de la manger du coup ! Il m’annonce que cette nuit, je devrais dormir ici, dans la tanière, avec lui. Ca ne m’est jamais arrivé de dormir dans la tanière d’Aètos… Même quand j’étais un chat domestique, je ne suis jamais resté une nuit entière chez le vétérinaire. En même temps, je n’ai jamais eu de gros problème à l’époque.

Il me demande alors si j’ai des questions. Je réfléchis. Oui, j’en ai plusieurs mais cela n’a rien à voir avec ma blessure. En même temps, je n’ai pas grand chose à dire sur ma blessure, je me suis pris une branche dans la patte et j’attends de guérir. Enfin, quoique, je pourrais lui demander si la pommade se mange mais il me prendrait pour un idiot. Alors, je réfléchis. Encore et encore. J’aimerais apprendre à connaître le guérisseur de ma Troupe. Même si je n’y suis que depuis peu, j’aimerais avoir de bonnes relations avec les différents chats qui vivent ici. Maintenant, nous sommes une famille bien que beaucoup ont encore du mal à l’accepter. Je m’installe de façon un peu plus confortable pour parler, en faisant attention à ne pas toucher le sol.

- Je sais que tu dois avoir une mauvaise image de moi, parce que je viens de la Troupe Embrumée et qu’en plus de ça, avant, j’étais un domestique. Mais je souhaite vraiment m’intégrer, j’aime les troupeux, ils m’ont sauvés en quelque sorte. Si on n’essaye pas de cohabiter, les Escogriffes profiteront de la catastrophe pour nous dominer, ce qui est totalement hors de question. Tu crois qu’on pourrait essayer de devenir amis ?

Je ne tourne pas autour du pot, je mets directement les pieds dans le plat. Pourquoi s’embêter à tourner autour du pot ? Plus vite on ira droit au but, plus vite on pourra en venir aux faits.