Aètos avait déjà eu une apprentie, June. Par contre, sa dernière apprentie n’avait pas 40 lunes. Elle n’avait pas non plus été une guerrière à la base. Cela ferait changement. Il savait que June ne serait pas très heureuse par l’arrivée de Kôraru dans leur tanière. Elle avait horreur que des chats non natifs de la Troupe prennent des postes importants. Il l’avait entendu à plusieurs reprises pester contre l’arrivée de Topazu et de Kôraru au sein de la Troupe. Il était vrai que cela pourrait nuire au développement, mais depuis le départ d’Hidoï qui avait préféré une vie solitaire et de liberté, le groupe de chats manquait cruellement de chasseur, mais surtout de membre. Topazu et Kôraru savaient déjà se battre et chasser, il serait donc d’une grande utilité pour la Troupe. Par contre, il avait été surpris d’apprendre que la femelle voulait prendre la voie des guérisseurs. Il n’avait pas tout de suite accepté, en partie à cause du comportement de son ancienne apprentie, mais au finale il s’était dit que cela pourrait faire avancer les pensées de June et avait donc accepté de prendre sous son aile Kôraru.

Ce matin-là, Aètos n’avait pas trouvé l’apprentie dans l’antre où elle était censée dormir. Elle avait vraisemblablement décidé de dormir avec son frère. Il devrait lui dire qu’à partir d’aujourd’hui elle doit être disponible 24 h sur 24 h pour les chasseurs et que pour se faire, elle doit dormir dans l’antre avec June et lui. Lorsqu’elle traversa l’entrée, le guérisseur était assis la queue enroulée autour des pattes. Elle vint déposer au sol devant lui, une souris. Aètos eut un sourire en coin. June avait fait la même chose lors de leur première rencontre. Par contre, elle n’était encore qu’un chaton. Sa cadette aurait préféré devenir botaniste, mais ne sachant pas lire les signes de la Terre et de l’Eau, elle s’était résignée à apprendre le métier de guérisseur. Le ventre d’Aètos gronda, il n’avait pas mangé depuis la veille. Il avala goulument la proie avant de lever les yeux vers Kôraru et de lui demander :

« Merci pour la proie. Commençons. Premièrement à partir de maintenant tu dormiras avec June et moi dans cette grotte. Tu dois être disponible en tout temps si un patient arrive en plein milieu de la nuit. »

Il prit une pause pour réfléchir à la prochaine étape. Il devait savoir ce qu’elle connaissait du métier de guérisseur et des raisons qui la poussaient à devenir une apprentie à son âge.

« Deuxièmement, j’aimerai savoir ce que tu connais du métier de guérisseur, mais surtout les raisons qui te poussent à vouloir en devenir un. De cette façon, je pourrais mieux adapter ton apprentissage. »

Elle n’en connaissait pas beaucoup sur le métier. C’était normal puisque contrairement à lui ce n’était pas tous les chats qui avaient envie d’apprendre les plantes et leur utilité avant même de devenir novice ou apprenti dans son cas. En plus au départ, Kôraru n’avait pas choisi la vocation de guérisseuse, elle était devenue guerrière qui est l’équivalent de chasseuse s’il avait bien compris la façon de fonctionner des clans. Il trouva que les raisons qu’elle énonça pour devenir son apprentie étaient un peu vagues. La femelle aurait bien pu aider la troupe en devenant chasseuse, elle savait déjà chasser et se battre. Aètos ne chercha pas à creuser plus profondément. Si elle n’avait pas envie de lui dire ses vraies raisons, c’était son choix, il ne pouvait pas la forcer à parler. Il avait du travail à faire si elle voulait vraiment être utile pour la Troupe qui l’avait accueilli. Aètos se demandait par où commencer. Avec June, il lui avait fait sentir chacune des plantes et lui avait demandé de mémoriser leurs noms et leurs propriétés. Cela avait pris plusieurs semaines à son ancienne apprentie avant de n’en savoir que la moitié. Je crois qu’il lui arrive encore de se tromper quelques fois, mais elle arrive toujours à prendre conscience de son erreur avant d’arriver à son patient. Aètos invita d’un mouvement de la queue sa nouvelle apprentie à le suivre jusqu’à leur réserve de plantes. June avait fait le ravitaillement la veille, donc il ne manquait pratiquement rien.
Il était temps de commencer par les plantes et les herbes dont elle aurait besoin le plus, les autres pourraient attendre. Certaines plantes ne servaient pratiquement pas, sauf à certaines occasions aux moments où une naissance pouvait devenir difficile. Les plus utiles étaient surtout le tournesol, les graines de pavot et le souci. C’est trois ingrédients : mélanger ensemble faisait une pommade et servait à la cicatrisation et a diminué la douleur. L’avocat aidait aussi lors de la cicatrisation. Le raisin servait à diminuer l’inflammation des voies respiratoires et aidait à respirer, on s’en servait surtout lors du mal blanc. Il ne servait à rien de lui dire ça tout d’un goût, elle ne retiendrait pas grand-chose. Aètos avait appris de ces erreurs, il l’avait fait avec June et elle l’avait regardé les yeux grands ouverts avec une expression d’incompréhension dans le visage. Il fallait mieux y aller petit à petit et en ajouter lorsque la première partie était bien comprise. Il sortit par le fait même quelques graines de pavot ainsi que du tournesol et du souci et les posa devant sa nouvelle apprentie. Il pointa celle qui se trouvait complètement à droite et lui dit :

« Je vais commencer par te montrer les graines qui nous servent le plus. De droite à gauche, tu as des graines de pavot, du souci et du tournesol. Serais-tu en mesure de me dire à quoi sert chacune d’entre elles ? »

Aètos s’assit et enroula sa queue autour de ses pattes attendant la réponse de son apprentie.