« La vie continue malgré tout ; ne laisse pas l'éloignement de notre foyer empiéter. »

Tu regardais devant toi, tes yeux jaunes perçants soucieux, mais toujours aussi sûrs d’eux, parce que tu ne montrais pas ton incertitude aux membres de ta Troupe. Meneuse, tu étais une meneuse et tu devais agir en tant que telle. Mais… tu n’étais pas sûre d’être la meneuse qu’il fallait pour la Troupe Inondée, les événements te dépassaient, et tu ne te sentais pas à la hauteur d’Ewilan. Tu ne le serais jamais, à sa hauteur et jamais tu ne comprendrais le choix des éléments, pour lui succéder, mais tu faisais de ton mieux et tu espérais tellement que cela soit suffisant, parce qu’au final, tu ne pouvais pas faire plus que ton mieux. Malgré le fait que tu aurais aimé pouvoir faire plus, parce que tu tenais excessivement à tous les membres de la Troupe, des plus loyaux, à ceux qui pouvaient sans doute ne pas l’être. Ils faisaient partis de la Troupe, et quoi qu’on dise, méritaient d’en faire parti. Parce qu’une Troupe ne serait jamais entière si elle n’avait pas des chats divergents dans leurs façons d’être, dans leur degré d’attachement à elle, et toi, tu voulais qu’elle soit complète. Endurant également les conséquences de ta condescendance. On ne pouvait pas changer ce comportement qui faisait parti intégrante de ta personnalité actuelle, de celle que tu étais depuis que tu étais arrivée dans cette tribu, ce comportement que tu avais forgé de rien, parce que tu n’avais absolument rien à ton arrivée. Pas même de nom. Et maintenant, tu avais un comportement, un rang, un nom. Volcan explosant sous les Braises. Mais tu n’explosais pas. Pas encore.

Douce. Tu étais tellement douce, et on sous-estimait ta capacité à être ferme parfois, mais rapidement tu leur apprenais que malgré ta douceur, tu étais une meneuse qui était à même de se faire respecter et que cela ne devait point être oublié. Tu t’étiras longuement, détendant tes muscles qui s’étaient crispés à force d’être immobiles et ne pas être sollicités. Cela devait bien faire plusieurs heures que tu restais dans le vague, à réfléchir, à douter. Tu y étais depuis que tu avais fait les patrouilles avec Elbion, ton flambeau et maintenant, tu devais continuer de faire vivre ta tribu pour ne pas qu’elle sombre dans le désespoir et le mal du territoire. C’était dur, loin des terres que vous aviez toujours parcourus, de votre naissance jusqu’à maintenant. Toi aussi, c’était comme ta naissance, comme tes souvenirs semblaient profondément gardés secrets, de ce qui c’était passé auparavant. Tu regardas autour de toi, remarquant la présence faible de chasseurs, tous partis soit vérifier que les alentours étaient toujours sécuritaires soit chasser. La plupart des novices étaient avec leurs mentors et ceux qui avaient perdus leurs mentors pendant la traversée étaient parti avec les chasseurs sans novices. Parce qu’il y en avait. Un chasseur avait vu son novice disparaître sans qu’on ne puisse le retrouver… fallait en parler, des disparitions. C’était inquiétant et ta Troupe n’était plus en sécurité. C’était d’ailleurs pour cela que personne ne partait seul et que tu grondais qui que ce soit le faisant. Tu n’aimais pas cela et tu ne faisais par la même occasion plus aucunement confiance à la Troupe Embrumée. Oh, il t’arrivait de rapporter Liwa, la chatonne d’Ancre, mais Ancre avait toujours eu un tempérament doux et elle était la sœur d’Eléa chantant la Brume, défunt meneur de cette Troupe, un meneur qui avait comme réputation d’être juste et de bien mener sa Troupe, alors… tu ne pouvais pas laisser sa fille en danger. Et cette forêt l’était, dangereuse.

Tu cherchas du regard un chat en particulier, ta novice. Celle que tu avais pris comme novice pour t’assurer qu’elle ne tombe pas sur un chasseur la prenant pour une étrange, une incapable. De sa petite taille et son attrait pour les… fougères, tous l’évitaient et la critiquaient, parfois dans son dos. Mais pas toi. Tu ne la traitais pas plus comme un chaton, et tu savais qu’elle pouvait devenir forte. Tu la trouvas finalement et te dirigeas d’un pas assuré vers elle. Vous alliez poursuivre son entraînement. Tout ce qui était arrivé ces derniers temps ne devaient pas vous empêcher de poursuivre les entraînements, et tu allais t’assurer que cela soit compris.

«Bien le bonjour, Eivaam. Prête pour un entraînement ? Tu as mangé ? »

Tu regardais Eivaam, attendant. Attendant qu’elle soit prête, qu’elle te réponde. Bien entendu, tu savais qu’elle n’était pas comme les autres, et cela ne te dérangeait pas. Tu l’appréciais, cette petite, malgré tout. Elle était énergique, et elle mangeait des fougères, mais ce n’était qu’un trait de sa personnalité. Quelque chose qui la rendait elle, pourquoi lui empêcher de l’être ? Tu ne comptais pas lui empêcher de l’être, toi. Parce qu’elle avait autant le droit que vous d’être qui elle désirait être, n’est-ce pas ? Il fallait dire que tu n’étais pas bien placée pour dire aux chats qu’ils ne pouvaient pas être qui ils étaient. Meneuse n’ayant plus aucun souvenir de qui elle était avant d’arriver aux Troupes, tu ne faisais pas une belle figure d’autorité. Mais tu étais respectée. Choisie par la Terre et par l’Eau, on ne pouvait que te respecter. Bien heureusement pour toi., nul ne savait à quel point la forêt t’attirait, à quel point elle semblait te parler, te faire savoir qui elle était. Nul ne savait que tu te sentais si proche d’elle et nul ne savait que tu le cachais, l’enfouissait au plus profond de toi. Tu voulais retrouver au plus vite tes terres, sans doute pour échapper à ce sentiment de familiarité qui te perturbait tellement en cet endroit, mais tu savais aussi que quitter cette forêt… Cerfblanc, tu savais son nom sans même savoir comment, mais cela n’importait que trop peu pour que tu t’en soucies. Tu savais que quitter Cerfblanc te déchirerait le cœur. Tu savais que rien n’était terminé, que tu apprendrais tant de chose en cet endroit, mais tu ne prêtais aucunement attention à tes certitudes, tu les taisais et tu vivais en tant que la meneuse de la Troupe Inondée qui avait sa novice à entraîner.

Ta novice te répondit avec un certain entrain et tu ne pus t’empêcher de sourire doucement. Elle était adorable et tu ne regrettais absolument pas de l’avoir choisi comme ton apprentie. Au contraire, elle illuminait un peu des journées qui étaient assombries par les devoirs qui faisaient ployer tes épaules. Ton pelage noir luisait tandis que tu t’étiras. Eivaam était toujours devant toi. Et elle t’appelait meneuse, ce que tu n’aimais pas particulièrement. N’avais-tu donc pas un nom ? Pourtant, ton visage demeurait toujours aussi paisible, aussi serein. Enfin, pas serein. Assuré., Il était sûr de lui, ton visage, mais pas serein, parce que ce serait mentir à ta Troupe de d’agir comme si rien ne se passait en ce moment. Vous étiez si loin de vos terres, comment aurais-tu pu te retrouver à être sereine ? Tu ne l’étais pas. Tu hochas la tête, doucement. Ton visage était doux. C’était le mot qui convenait. Tu possédais toute cette douceur que tu ne pouvais pas ne pas posséder, que tu mettais à profit, même si parfois il t’arrivait d’avoir recours à des comportements beaucoup moins pacifiques. Tu n’hésitais pas à te battre si cela était nécessaire. Tu n’étais pas lâche, juste que tu préférais discuter avant de te mêler dans une bataille qui ferait peut-être inutilement faire couler du sang.

« Tu sais, tu peux m’appeler Volcan. C’est mon nom. »

Il fallait mettre les choses au clair. Tu avais un nom et qu’elle te nomme meneuse t’agaçait un peu, mais tu demeurais douce. Tu n’allais certainement pas lui en vouloir pour quelques excentricités. Parce que cette féline demeurait malgré tout très agréable. Elle semblait excitée d’ailleurs et cela t’amusait. Si seulement tu aurais pu toi aussi l’être, mais tu n’en faisais pas allusion. Ton regard était ferme. Sûr de lui et ferme et ne laissait point entrevoir tout autre ressentiment que tu mettais sous protection dans ton âme, dans ton cœur. Le sourire sur ton visage se prolongea. La présence de la femelle apaisait ton petit cœur meurtri et craintif sans même qu’elle ne le sache, mais elle n’avait définitivement pas à le savoir. D’un signe de la queue, tu lui fis signe de te suivre, espérant qu’elle le fasse et tu t’éloignas un peu pour pouvoir parfaire son entraînement. Elle n’était pas vieille et avait beaucoup de progrès à faire. Elle était capable, tu le savais bien. Et tu serais patiente, elle n’avait qu’à prendre le temps qu’il lui faudrait. Elle passerait son énergie dans le combat. Tu l’avais décidé. C’était le meilleur moyen de dépenser son énergie, apprendre le combat. Cela revenait souvent à être épuisant surtout pour un novice ne sachant pas réellement battre son mentor. Tu t’arrêtas progressivement et te retourna vers Eivaam.

« Nous allons nous battre aujourd’hui. Je vais t’apprendre des techniques. Mais pour commencer, je veux que tu me montres ce que tu sais déjà sans sortir les griffes. »

Tu regardais, fixais, à présent ta novice, celle que tu désirais entraîner au meilleur de tes capacités et des siennes. Celle que tout le monde trouvait étrange, mais que toi, tu ne jugeais pas. Parce que ça ne t’intéressait pas, ce qu’elle croyait, mangeait ou faisait, du moment qu’elle faisait du mieux qu’elle pouvait pendant les entraînements, du moment qu’elle était fidèle et qu’elle ne faisait rien qui pourrait nuire à la Troupe, tu te fichais complètement. Tu appréciais même cette petite boule de poils énergie qui était bien agréable comme compagnie. Elle te répondit qu’elle trouvait bien cela étrange comme nom, Meneuse, et tu eus un petit rire. Non pas un rire moqueur, mais un rire sincère et attendrit, comme si tu te retrouvais devant ton chaton. Cette pensée t’électrisa sans que tu ne saches pourquoi et te coupa l’espace de quelques secondes l’envie de rire. Tu ne comprenais pas, non. Tu savais juste que cela venait directement assombrir ton humeur, assombrir ton regard. L’espace de quelques secondes, parce que tu te repris assez rapidement pour ne laisser rien voir. Tu te repris parce que tu n’avais pas à réagir ainsi et que tu ne te sentais pas bien lorsque ton humeur changeait pour rien. Tu avais l’impression de revivre ce moment avec Renian, quand la vision t’avait tellement bouleversé que tu ne parvenais pas à te reprendre et redevenir la gentille Volcan que tu étais. Mais maintenant, tu te devais de te reprendre rapidement parce que tu étais la meneuse de la Troupe Inondée, plus une simple chasseuse.

Eivaam était excitée et tu le remarquais à ses pattes qui avaient des sursauts d’excitation. Tu la trouvais adorable et ne pouvais t’empêcher de la trouver ainsi, mais il ne fallait pas pour autant ne pas être stricte et négliger son entraînement. Elle sautillait même, mais elle cessa lorsque tu pris la parole et expliqua que vous alliez combattre. Parce que tu désirais lui apprendre à combattre. La novice te regarda et te questionna sur l’endroit, te demandant indirectement s’il ne valait pas mieux sortir du camp de fortune et tu souris. Tu ne pouvais pas t’empêcher de sourire, parce que de toute évidence elle était une femelle assez agréable et sympathique. Le dos de la novice était courbée tandis que tu réfléchissais à ce qui serait le mieux. Rester dans ce camp où s’éloigner légèrement, s’enfoncer un peu dans la forêt qui te semblait familière, mais qui était à la fois complètement étrangère. Ta queue balaya le sol quelques instants tandis que tu réfléchissais attentivement, mais rapidement pour ne pas lui laisser le temps de se questionner. Elle aurait pu se demander si sa mentor savait ce qu’elle faisait et tu ne voulais pas qu’elle se le demande. Parce que tu savais, tu te trouvais juste par moment incertaine. Tu finis par hocher la tête.

« Tu as raison Eivaam, il faudrait mieux qu’on aille plus loin. »

Tu t’engageas donc dans l’allée vous permettant de sortir du camp et t’éloignant, sachant que ton apprentie te suivra, parce que tu lui faisais confiance. Tu ne t’éloignas pas beaucoup, juste légèrement, juste suffisamment pour dire que vous n’étiez plus au camp et que vous pouviez désormais débuter l’entraînement, combattre simplement. Tu te retournas donc vers la novice que tu avais décidé de prendre en charge, l’air doux. Parce que tu appréciais cette féline et que tu ne pouvais donc pas la regarder autrement qu’avec un air doux.

«Attaque-moi. »

C’était sans doute la meilleure façon de définir ses faiblesses, ce que vous alliez devoir travailler ensemble. Sans doute la seule façon pour vous de savoir où commencer, de voir comment elle s’y prendrait pour t’attaquer. Alors tu lui avais demandé, ou plutôt ordonné gentiment, de t’attaquer et maintenant il ne te restait plus qu’à attendre qu’elle ne le fasse.