« Do you wanna play ? The rules are mine, not yours. Remind it. » ft. MAMAN.

Le vent s’engouffrait de partout. Il soufflait, terriblement froid, venant du nord, d’un endroit glacial, et passant au travers des petites fissures pour venir caresser le pelage de tous les chats. Caresser, mais surtout agresser la peau, l’irriter. Personne ne pouvait aimer ce vent sifflant dans les oreilles, déchirant presque le tympan. Tu ne l’aimais pas. Il était désagréable. Le vent de la forêt de laquelle tu venais était bien mieux, chaud, bouillant et tout de même un peu froid. Mais le froid ici ne te plaisait pas, bien loin de là. Le silence planait. Intense. Le silence, lui, ne te dérangeait pas. Mais il s’engouffrait encore plus loin que le vent et lui, il restait, il demeurait, juste parfois brisé par des murmures. Murmures affolés. Murmures angoissés. Murmures qui parvenaient à tes oreilles pour te tourner la tête, t’étourdir, t’alourdir. Ils étaient paniqués, affreusement paniqués et ne semblaient pas vouloir se calmer. Les heures passaient. Le silence revenait et les murmures aussi. Jamais l’un sans les autres. Hier, tu étais né. Aujourd’hui, tu regrettais un peu ton choix.
Un peu.
Mais pas totalement.

Tu ne pouvais pas trop le regretter. Tu avais une deuxième chance. Une chance de faire ce que tu n’étais pas parvenu à faire avant : dominer le monde. Dominer le monde, le diriger, faire des autres ce que tu voulais leur faire. Faire des mélanges. Ils se renforceraient en mélangeant leurs sangs, après tout. La rivière avait besoin du vent, le vent du tonnerre et l’ombre de la rivière. L’ombre avait besoin du vent comme le vent avait besoin de la rivière. En bref, l’ombre, la rivière, le vent et le tonnerre avaient besoin les uns des autres. Tu te levas, les yeux aussi froids que le vent. Ton pelage pâle était lisse, mais tu fis tout de même ta toilette. Éclair Filant passait son temps à te la faire. Elle s’assurait que ton cœur battait toujours, comme avec les autres chatons. Son amour sentait, et tu en étais dégoûté. La faiblesse. Elle respirait la faiblesse avec ce sentiment. Et tu refusais de l’être, toi. Tu posas ton regard sur le mur du fond et un frisson te parcourut l'échine. Duvet de chaton ne te protégeant pas. Tu le maudissais. Amplement. Comment apprécier quelque chose qui ne parvenait pas à te réchauffer? Tu n’en voyais pas la possibilité. Après tout, ton cœur même ne savait pas apprécier.. alors. Alors...Tout était tracé.

Tu regardais les chats autour de toi. Lourd était le silence non pas coupé par les murmures. L’angoisse se lisait dans l’air, la terreur aussi, et toi tu étais calme tandis qu’ils donnaient l’impression de dormir. Sans doute ne dormaient-ils pas, mais c’était tout comme, yeux clos, respiration plutôt stable, quoi que sifflante pour certains. Parfaite température pour attraper des rhumes, sans remèdes à disposition. Tu t’étiras longuement, tes petites griffes sortant de ton coussinet. Tu savais d’ores et déjà les contrôler, les utiliser. Parce que tu l’avais fait auparavant. Oui, tu avais souvent eu recours à tes griffes avant. Griffes longues et acérées, aiguisées. Griffes que tu aimais, que tu n’hésitais pas à utiliser. Parce qu’elles brillaient sous la lumière, parce qu’elles tranchaient sans difficulté, parce que tu n’avais jamais été douce et gentille, toujours dans ce délire de persécution et de sang. Toujours dans ton esprit de pouvoir, d'ascension vers le pouvoir… de destruction. Tes yeux brillaient maintenant. D’un désir ardent d’obtenir ce que tu poursuivais depuis des lunes. Tellement de lunes qui s’enchaînaient, s’écoulaient. Trop de lunes.
Beaucoup.
Beaucoup trop.
Trop de lunes qui ne revenaient jamais. Du temps perdu à ne pas faire ce que tu devais faire. Et pour le moment, il faudrait supporter que six lunes passent sans que tu ne fasses rien d’autre que réfléchir et te fondre dans le décor pour que nul ne se doute de ce que tu étais à même de préparer. Pour eux, tu n’étais qu’un vulgaire chaton qui ne pouvait pas être dangereux, alors tu devais leur donner raison, même s’ils avaient tords. Tu étais beaucoup plus dangereuse que tu ne le paraissais. Tu n’étais pas Petit Lac, mais Sakuya. Une traîtresse ayant presque tué le lieutenant du Clan de l’Ombre devant tous les guerriers. Pas assez patiente. Tu devais travailler cela. Tu le savais bien.

Tu t’étiras à nouveau et tes yeux verts, verts sombres, illuminés de l’intérieur pourtant, se promenèrent, scrutant l’endroit. Certains bougeaient. D’autres non. Les odeurs étaient toutes différentes. Mais tu les connaissais. Clan du Vent, ici de la Rivière, de l’Ombre ici. Une petite chatonne portait l’odeur de ton ancien Clan. L’odeur du Clan de l’Ombre. Une odeur étrange, forte, décrite comme celle de la charogne par les autres, mais à tes yeux une odeur marécageuse agréable. Une odeur que tu préférais à celle fraîche de la lande. Tu t’approchas à pas feutré de la petite qui ne semblait pas t’avoir remarqué. L’avait-elle fait ? Tu n’en savais rien et franchement, tu n’en avais que faire. Tu t’arrêtas quelques secondes, quelques brèves secondes pendant lesquelles on pouvait voir le fond de ton âme, âme complètement noire. Et puis, tu sautas. Pour jouer, pour t’amuser, enfin, surtout pour passer le temps et ne pas devenir encore plus folle que ton esprit ne l’était déjà.

HRP:

Tu ne connaissais pas la petite, l’autre petite, qui était plus vieille que le corps dans lequel tu résidais. Ce n’était pas grave. Tu te savais sans doute plus forte parce que ton corps retenait tout ce que tu avais appris au cours de toutes les lunes pendant lesquelles tu étais guerrière puis solitaire puis décédée dans la Forêt Sombre où tu appris à beaucoup. Comme tu appris à ton fils qui maintenant prenait ta place pour apprendre aux autres pour les monter contre le Clan des Étoiles. Tu ne fis absolument pas attention au sourire de l’autre. Pourquoi le faire ? Tu ne voulais pas sourire, te lier d’amitié, tu voulais juste ne pas devenir folle parce que tu te retrouvais enfermée et tu n’aimais pas te retrouver enfermée. L’autre connaissait ton nom, ce qui te surprit sur le coup, mais sans doute que l’autre laissait traîner ses oreilles comme toi. Après tout, votre naissance n’était pas passée inaperçue, et beaucoup connaissaient vos noms, à ta sœur, tes frères et toi.

L’autre te chatouillait, tu te tortillais. Tu ne rirais pas. Tu te tortillais seulement, maudissant ton petit corps de ne pas te permettre de prendre le dessus. Ce n’était pas juste quand tu savais que tes connaissances dépassaient les siennes. Tu en savais plus sur le Clan de l’Ombre qu’elle. Et tu en savais plus sur les techniques de combat qu’elle. Elle se présentait alors que tu tentais toujours de t’échapper, furieuse de ce corps qui ne te permettait pas suffisamment de mouvements. Elle finit par arrêter de te chatouiller et par te regarder, te demandant si tu avais bien dormi. Dormir dans ce lieu ? Dormir simplement ? Tu n’aimais pas dormir, tu aimais te rendre dans la forêt, pour fouler les sentiers que tu foulais depuis si longtemps maintenant. Ton regard vert sombre dans lequel on pouvait se perdre, voyant la Forêt Sombre. C’était ton regard, tes yeux. Alors qu’elle ne te chatouillait plus, tu parvins à te déloger de son emprise et reculer légèrement. Ton pelage crème était hérissé puisque tu étais tout de même furieuse de ce corps qui ne te permettait pas d’être aussi forte qu’avant.

« Comment tu veux que je dorme bien dans cette grotte affreuse où on sent même pas le vent de la forêt ? »