Il n'y a pas de place pour la lâcheté. [ FT LUNY ]

Sorti de la prison. Réconcilié avec sa compagne. Et maintenant, il pouvait voir les étoiles. Quelque part, une lueur se profilait à l’horizon. Pourtant, ses oreilles captaient des sifflements inquiétants du vent, des murmures apeurés de la terre, des clapotis soucieux de l’eau. Il les entendait et il était intrigué, inquiet aussi, comment ne pas l’être ? Mais il ne comprenait pas. Les étoiles ne lui parlaient pas. Les étoiles n’étaient pas claires, elles semblaient ne pas vouloir lui dire pour ne pas qu’il en sache trop. Il pouvait le comprendre. Les étoiles ne brillaient pas pour le moment, parce qu’il se trouvait couché dans la tanière des novices, son flanc se soulevant doucement. Agate Étoilée lui avait dit d’y aller doucement, sa santé fragile en avait prit un choc durant le kidnapping et il devait se ménager sans quoi il pourrait saigner et un cercle vicieux pourrait se mettre en place. C’était dangereux. Il avait donc les yeux fermés, pour éviter que la lumière agresse son regard, son regard si fragile qui devenait si pâle. Un gris si pâle qui s’approchait du blanc, mais qui ne devenait jamais blanc. C’était impossible que son regard devienne blanc, après tout. Il était sorti il y a peu de la tanière de la guérisseuse et il aurait préféré y rester plus longtemps, mais il ne pouvait pas tout avoir, alors.. il se contentait de ce qu’on lui autorisait.

Les yeux clos, il entendait les ronflements des rares novices restant dans la tanière, ceux qui n’avaient pas à être entraînés pour le moment, soit parce que le mentor était occupé soit parce qu’ils avaient participé à la patrouille de l’aube. Il écoutait et il se taisait, ne voyant pas ce qu’il pouvait bien avoir à dire. Il respirait doucement, tranquillement, attendant que les minutes s’écoulent. Étoile Sanglante était toujours tapis dans sa tanière, aux dernières nouvelles et Torture Machiavélique poursuivait les patrouilles sans relâche. Quelque chose, dans l’air, une sorte d’électricité, ne laissait rien présager de bon. Nuage Silencieux n’aimait pas les mauvais présages, mais il savait très bien que, quelque part, ça faisait partie de la vie : la prison avait été un mauvais présage qu’il n’avait pas su comprendre et éviter. Toutefois, il en était ressorti plus fort avec sa compagne et il savait maintenant qu’il pouvait toujours compter sur la femelle à qui il tenait le plus. Des mouvements dans le gîte lui annoncèrent qu’ils n’étaient plus sûrs, mais il n’ouvrit toujours pas les yeux, ayant senti l’odeur de Flamme Mystérieuse, sa sœur. Il sentait l’amusement et la froideur qu’elle dégageait et il ne bougeait pas. Elle irait lui parler, elle n’attendrait sans aucun doute pas qu’il lui fasse comprendre qu’il l’écoutait.

La famille… Qui aurait cru que des relations frères-sœurs pouvaient se détériorer ainsi ? Il n’aimait absolument pas Flamme Mystérieuse et à ce sentiment désagréable se mêlait une jalousie, une rancœur. Elle se pensait mieux que lui, mieux que les autres, elle se pensait plus forte, ou du moins donnait le sentiment de se penser, alors qu’elle n’était absolument pas mieux que les autres, et surtout pas meilleure. Du point de vue du petit fantôme, elle n’était rien de plus qu’une féline pathétique qui tentait de ne pas l’être tout en niant son état. Nier… il n’y avait rien de plus horripilant comme situation. La voix de sa sœur emplit alors le gîte des novices de toute sa froideur. Paresseux ? Il était dans un état physique déplorable et la guérisseuse lui avait dit de se ménager. Alors il se savait parfaitement pas paresseux. Ce qu’elle pouvait bien penser de lui ne l’affectait aucunement. Ça parvenait même à l’amuser. Oh, elle croyait qu’il allait lui obéir comme ça ? Elle pouvait toujours courir. Il ne bougea même pas, attendant de l’entendre sortir de la tanière. Il ouvrit alors les yeux et s’étira longuement, prenant tout son temps en décidant de faire sa toilette. Il se fichait totalement de sa sœur. S’il se passait quelque chose, Agate Étoilée était toujours là pour s’occuper de lui et il le savait, les étoiles l’aidaient. Il regarda les novices qui semblaient surpris et sa queue fouetta légèrement le sol. Son regard était placide et sans émotion vraiment. Il décida de faire une pause pour manger puis il se dirigea vers la barrière de ronces. Il sortit donc du camp et vit sa sœur. Cette dernière ne semblait pas contente. « Alors, qu’on soit clair, je vais à mon rythme et je fais ce que je veux. Tu es ma sœur, pas mon mentor et je ne deviendrais guerrier que lorsque mon mentor, soit le chef, aura décidé que je le mérite. Ce n’est pas à toi de décider quoi que ce soit et si tu cherches à ce que je dépasse mes limites, je retourne au camp. J’ai vécu l’enfer pendant six lunes dans cette prison, mon corps est toujours faible et comparativement à toi, j’admets avoir des faiblesses. Ne penses pas que je te laisserais me tuer à la tâche. Je tiens à ma vie et à ma compagne. Et si moindrement tu trouves mon attitude lâche et paresseuse, saches que je préfère de loin l’être que de te ressembler. » Sa queue fouetta le sol. « J’aurais bien aimé que notre mère soit là pour voir ce qu’elle dirait de toi. » Il était certain que Cœur de Pierre l'aurait soutenu lui. Elle lui manquait...