Chacun sur sa rive (feat. Nuage du Cygne)

Épuration par le soleil, purification par l'eau.

Feat. Nuage du Cygne

Ces derniers jours, il a beaucoup plu, bien que l'eau ne soit pas un réel problème pour nous, chats du Clan de la Rivière, la pluie nous a tout de même laissé peu de répit que ce soit de jour ou de nuit. Nous devions chasser et patrouiller efficacement pour rentrer le plus rapidement possible et se mettre au chaud ou encore boucher et consolider les tanières pour éviter toute fuite ou destruction à cause du poids de l'eau. Ainsi est la vie des guerriers, loin d'être aussi sûre et facile que celle des chats domestiques. C'est pourquoi, en cette saison, les jours comme celui-ci sont une véritable bénédiction, il fait grand soleil, ses rayons chatoyants réchauffent le camp humide et frais. Les chats profitent de cette accalmie pour s'entraîner et chasser davantage, ce temps chaleureux et ensoleillé rappelant presque les longues journées de la Saison des Feuilles Vertes.

Du coup, ce matin j'ai été m'entraîner avec mon apprentie ainsi qu'un autre mentor et son apprenti, la séance s'est bien déroulée, le beau temps ayant revigoré tout le monde. Quand nous sommes rentrés le soleil était à son zénith, j'ai pris une petite musaraigne que j'ai mangé en compagnie de ma fratrie et me voilà à présent seule, ne sachant que faire du reste de la journée.
Vu le beau temps, ce serait bête de rester enfermée dans le camp, je pourrais me reposer mais je préfère m'évader. Je décide donc de sortir, je me dirige vers les chutes, j'évite de faire du bruit dans mes déplacements et je reste à l'affût, au cas où, pour ne pas déranger d'éventuels chasseurs surtout que les proies doivent grouiller, profitant elle aussi du soleil.

J'arrive aux chutes et observe les lieux, l'endroit semble désert ce qui n'est pas pour me déplaire, je me place à une distance qui me permet d'être assaillie par le tumulte de la cascade sans pour autant qu'il soit agressif. Mes oreilles sont assourdies par le vacarme, il emplit mon esprit, cela m'évite de penser, de penser à des choses que je n'aime pas, à des choses qui font mal, à des choses que je ne veux tout simplement pas imaginer.
Par conséquent, je reste calme, détendue, j'étouffe les émotions qui m'oppressent car je ne peux penser à elles, à ce qui peut les faire surgir, empêchée par mon esprit parasité par le bruit incessant de l'eau plongeant et s'écrasant plus bas. J'imagine que c'est moi qui suis sous le rideau d'écume, celui-ci me nettoyant, me purifiant de ce qui me ronge à l'intérieur, cela m'apaise... me fais du bien... et je peux presque entrevoir à quoi ressemblerait ma vie sans toutes ces merdes... mais cette illusion ne dure seulement que quelques minutes...
La réalité me rattrape vite, trop vite, tel un serpent à mes trousses... Et quand enfin elle plante ses crocs envenimés en moi, c'est déjà trop tard...
Le venin se répand de nouveau dans tout mon être.
Vif. Douloureux. Inexorable.

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