Une apprentie. On t’avait refilé une apprentie. Franchement, qui était venu à se dire que c’était une bonne idée de te mettre entre les pattes un môme, que t’en aurait quelque chose à foutre de sa vie, hein ? T’étais pas une bonne mentor. En fait. Si. T’étais sans doute même la meilleure des mentors, parce que tu leur apprenais la vie, le vrai combat. Tu n’attendais pas. Tu n’attendais pas de les voir réussir, tu les forçais à réussir. Tu leur montrais cette vie qui allait les détruire, tu ne leur donnais aucune chance. Ils pourraient y laisser la vie au bout de tes griffes s’ils ne se débattaient pas correctement. Bon, quand même, tu restais un peu indulgente. Seulement, tu ne leur donnais pas le choix de devenir forts. Tu utilisais tes griffes, tu y allais franc-jeu. Ils devaient se défendre comme si leur vie était en danger, comme dans un véritable combat. C’était ça, l’entraînement, pour toi. Un combat. On apprenait jamais mieux qu’en étant immergé dans la situation en tant que telle.

Enfin, tu n’avais jamais hérité d’une nouvelle apprentie. La seule apprentie dont tu avais eu l’apprentissage à ta charge, c’était Nuage d’Ange et cette petite, et bah, elle avait déjà 11 lunes. Tu devais seulement finir son entraînement, parce que de la merde avait eu lieu et son ancien mentor n’était plus en mesure de s’occuper de la petite. Cette dernière avait dû, en plus, surmonter la mort de sa mère. Tu n’en avais pas été émue, absolument pas, bien au contraire. Face à toi, elle n’avait qu’une froideur calculée. Une indifférence face à son mal qui devait la forcer à refouler les possibles larmes et donner le meilleur d’elle-même. Elle avait vite compris que ce n’était même pas un choix face à toi, mais le seul moyen de survivre, une obligation. Faire de son mieux et toujours être meilleure que la seconde d’avant. Et elle avait réussi, par ailleurs, elle était devenue guerrière. Dans les temps, si tes souvenirs étaient bons.

Et aujourd’hui, tu devais prendre de A à Z l’apprentissage d’un félin. Et en plus, elle ne venait même pas du Clan. Elle ne venait pas. Oh, tu n’étais pas raciste. Fallait dire que techniquement, tu ne venais pas du Clan. Ta véritable provenance était le Clan de l’Ombre, mais c’était toujours amusant de faire chier ceux qui ne venaient pas du Clan avec des remarques acerbes, surtout quand ceux-ci étaient sensibles à de telles remarques. Tu ne connaissais pas vraiment l’apprentie. Tu l’avais vu au baptême, bien entendu, mais tu l’avais regardé deux secondes avant de foutre le camp parce que son existence t’était bien égal et que tu avais clairement mieux à faire que de te soucier d’un mioche. Mais tu n’avais pas le choix de prendre le temps de lui faire des entraînements pour qu’elle puisse passer guerrière. Tu allais ainsi la tester. Donc tu es allée la voir, tu lui as dit que vous deviez vous entraîner, sans d’autres détours. Parce que tu ne prenais jamais de détours, jamais de gants. Tu disais les choses comme elles étaient. Et tu étais allée l’attendre. Tu ne pouvais rien faire d’autre. Son évaluation commençait déjà.

Point positif, tu ne l’avais pas entendu râler. Ni même grogner. Elle semblait comprendre que c’était une nécessité et que se plaindre ne lui apporterait strictement rien de plus que d’obéir sans rechigner. Tu as vu son pelage. Mais tu t’en fichais. Et maintenant qu’elle se posait devant toi, rapide d’ailleurs - bon point - tu la dévisageais. Tu regardais ce pelage. Elle est assise devant toi, elle ne dit rien et tu ne dis rien non plus. Parce qu’un détail te chiffonne maintenant. Un beau détail. Et devant tes yeux, tu revois ta vie dans le Clan de l’Ombre. Tu revois tes soeurs. Ange Brisé et Ombre Dansante. Et tu comprends. Oh, tu comprends le détail qui te chiffonnait tant : la fille de ta soeur. C’était ce pelage. Les yeux. C’était ce qui se trouvait devant toi. Mais ce n’était certainement pas la fille de ta soeur. Tu savais bien qu’Araignée Noire était encore en vie. Et tu le lâchas en la regardant. Ton regard si sombre, si cruel, ton regard qui se plante dans le sien, ton regard qui respire la Forêt Sombre.

« Araignée Noire. » Un murmure qui s’échappe de ta gorge avant que tu t’étires longuement et lui lance un regard toujours autant froid et indifférent. « Allons-y. La chasse aujourd’hui. La bataille demain. Je pense qu’apprendre à se battre est plus important, mais le Clan a besoin de proies et tant qu’on est sortie, autant être utile. On va commencer par te présenter le territoire. Faut bien le faire. La journée sera longue. Et tu seras peut-être épuisée. Montre-toi à la hauteur. »

En gros, ferme-la si tes pattes sont lourdes et sois forte. C’était clairement ce que tu venais de dire voulait dire. Tu sortis rapidement du camp et te dirigea d’un pas rapide et ferme vers les champs. Vous alliez faire le tour du territoire puis ensuite chasser. Elle allait vraiment devoir se montrer à la hauteur.
« On est aux Champs. Tu vois par où on est passé ? Ce sont les sols rocheux. Les sols rocheux sont idéaux pour s’entraîner au combat, alors on va y passer les prochains jours. Par contre, faut penser aux champs et à l’Arbre aux Chouettes pour la chasse. »