C'est la chenille qui redémarre ! ¤ Nuage de Lycaon/Luny.

Il n’avait pas dormi. Il n’avait pas été capable de s’endormir. Il était resté allongé à sentir le vent contre son pelage, un doux vent léger qui caressait son corps et le refroidissait parce que c’était la saison des neiges. Il avait froid, le novice, il avait souvent froid, mais il n’osait pas aller se coucher dans la tanière des apprentis, parce qu’il pourrait s’endormir et alors potentiellement les déranger et que c’était la dernière chose qu’il souhaitait, lui, déranger les autres. Il passait sa vie à tenter de les rendre heureux, à tenter de sentir le bonheur affluer dans leur coeur, c’était ce qui était le plus important pour lui. Il voulait qu’ils soient tous contents autour de lui et pourtant, il ne pouvait pas s’empêcher de réaliser que la majorité des chats dans le Clan de l’Ombre sont tristes, sont haineux, sont emplis de sentiments tellement négatifs et ça le prend à la gorge, ça le prend au coeur. Il ne peut rien faire et pourtant, il aimerait tellement.

De ce fait, il avait passé la nuit dehors et il n’avait pas été en mesure de s’endormir. Il n’avait pas cessé de penser à Nuage Vivant qui lui manquait tellement, et ce manque le prenait tellement fort qu’il ne pouvait pas en faire abstraction. Il regrettait. Il regrettait de ne pas lui avoir dit ce qu’il ressentait parce qu’ainsi, elle était morte sans savoir que quelqu’un dans ce monde tenait à elle plus que tout, que quelqu’un dans ce monde l’aimait intensément. Il l’aimait tellement et elle ne l’avait pas su parce qu’il n’avait pas eu le courage de lui dire, de l’assumer, de lui en parler. Il n’avait pas eu le courage de lui faire part de ce qui se passait dans son coeur, il n’avait pas eu le courage de se livrer, de parler de ses sentiments et aujourd’hui encore, quand il venait à chercher à s’exprimer, il devenait bien trop maladroit et finissait par ne rien dire. Il n’était pas capable d’apprendre de ses erreurs, il n’était pas capable de faire autre chose que de se taire, que de ne pas dire, parce que ses sentiments, il n’était pas capable de les exprimer. Il pensait beaucoup trop aux autres, pas assez à lui et il ne savait pas faire autrement. Ses sentiments ne lui semblent tellement pas importants, il préférait s’occuper des autres et tout faire pour les aider.

Il se demandait pourquoi il ne parvenait pas à tous les aider, il n’était pas capable de ne pas tenter et il se sentait tellement coupable de ne pas y arriver. Comme il aurait aimé pouvoir aider Nuage Vivant pour vaincre entièrement sa peur, mais elle est morte avant. Nuage de Lycaon avait compris que le jour était arrivé quand il avait senti le soleil caresser doucement son pelage et il avait souri doucement, parce que c’était toujours agréable de sentir son pelage être chauffé par les rayons du soleil, bien que la neige sous le refroidissait. Ce n’était pas grave, il savait très bien prendre les petits plaisirs de la vie, même si son esprit tournait en permanence à cent à l’heure. Il se demandait. Il se demandait constamment plein de choses et il ne pouvait pas s’en empêcher. Il ne pouvait pas faire autre chose que se demander. Comme se demander pourquoi le meneur n’était pas réellement heureux, il pouvait le sentir quand il passait près de lui et reconnaissait son odeur, il sentait ce qui se dégageait de lui et il pouvait bien comprendre que ce n’était pas le bonheur, tout comme il sentait cette haine cruelle et puissante qui se dégageait de Prophétie Ensanglantée. Il ne comprenait pas, cette haine, il ne comprenait pas d’où elle pouvait venir. Il aurait aimé pouvoir faire quelque chose, mais non, c’était hors de son contrôle et ça le rendait fou.

Il entendait le camp se lever doucement, tranquillement, les pas des autres autour de lui, les petits murmures de ceux qui se réveillaient, il pouvait entendre Feuille de Poirier donner les patrouilles et il sentait toutes les émotions de tous les félins. Son coeur manquait toujours d’exploser à chaque instant, il était incapable de se couper des autres, c’était un mur qu’il n’arrivait pas à ériger. Et puis, en plus, avec la maladie qui traîne, beaucoup sont très inquiets et cette inquiétude se communique sans difficulté à cet apprenti.

Bien que ce n’était pas tous qui ressentaient cette inquiétude. Après tout, il avait pu ressentir chez Prophétie Ensanglantée une étrange forme d’espoir qu’il n’était pas du tout en mesure de comprendre, de saisir. Comment elle pouvait espérer ? C’était la première fois qu’il ressentait de l’espoir chez cette femelle et c’était dans un moment totalement inopportun, un moment de maladie où la mort venait s’infiltrer. Clairement, le novice n’était pas capable de comprendre cette guerrière. Et quelque part, il n’était pas réellement certain de seulement vouloir tenter de la comprendre parce qu’elle lui semblait beaucoup trop compliquée et nocive, peut-être même toxique. Il préférait s’entourer de personnes positives, même s’il ne pouvait pas s’empêcher de vouloir tous les aider et illuminer le chemin des âmes perdues. On pouvait facilement s’en servir contre lui, d’ailleurs.

Il avait entendu des pas qui s’approchaient de lui doucement et il s’était concentré pour pouvoir reconnaître l’odeur de Ciel Ancien, son mentor. Alors il avait compris que c’était le temps pour lui d’aller s’entraîner et il était content parce qu’il aimait bien s’entraîner. Même si parfois, il était distrait et que ça lui faisait manquer des proies quand c’était une partie de chasse. Mais rapidement, il put sentir l’odeur de la maladie et ça le rendit tellement triste que des larmes montèrent à ses yeux. C’était quelque chose qu’il ne pouvait aider, qu’il ne pouvait guérir, parce qu’il n’était pas guérisseur et que même les guérisseurs ne trouvaient rien pour enrayer la maladie et que cette perspective le touchait encore plus. Alors il contint difficilement les larmes et les refoulèrent à grande peine alors qu’il se levait en entendant son mentor tousser. Il hocha la tête sans parvenir à parler parce que sa gorge était nouée par cette tristesse. Et il se mit à suivre Ciel Ancien, ne lâchant pas son odeur, et il sourit légèrement en entendant l’air entraînant chanté par son mentor, malgré cette sensation qui ne le quittait pas et lui donnait toujours envie de pleurer. Et si son mentor finissait par mourir à cause de la maladie ? Il ne voulait pas perdre Ciel Ancien ! La panique explosa en lui et son coeur accéléra. Il fallait se concentrer.

« D’accord.. »

Ce n’est qu’un petit souffle qui s’échappe de sa gorge. Il se concentra en essayant d’oublier sa panique et il se tapit, écoutant tout, sentant tout, et finit par repérer les bruits particuliers d’une souris. Il fut heureux de parvenir à l’attraper, mais ça lui prit alors quinze bonnes minutes pour en trouver une autre et il se sentait mal de ne pas réussir malgré les dires de son mentor, encore plus qu’il savait que son mentor était malade et que cette maladie était fatale et qu’il ne voulait pas que son mentor meure. Il s’arrêta et respira le plus profondément possible. Sa respiration était bien trop rapide et il ne parvenait pas à trouver d’autres proies.