Trying to make my father happy again? I can do it [FT ORENJI]

« It's okay my little girl, don't worry for me. »

J'ai toujours voulu vivre ma vie à cent pourcents. C'était, et ça l'est toujours d'ailleurs, mon but premier. Lorsque j'étais plus jeune, je n'en avais pas trop. Je voulais devenir guerrier, comme tout le monde mais ce n'était pas trop compliqué à avoir ça, j'étais doué donc je n'avais pas besoin de trop me fouler. Puis par la suite, j'ai voulu une compagne. De base, c'était simplement histoire de gagner le pari que j'avais fait avec Fantôme du Passé. D’après moi, c'est pour ça que je n'ai jamais réussi à trouver une amoureuse à ce moment-là : j'étais constamment à la recherche d’une femelle, peu importe qui elle était. Il me fallait n’importe laquelle pour gagner ce pari. Que voulez-vous, j'étais stupide, y a cela 30 lunes. Finalement, c’est lorsque l’on cherche le moins le grand amour qu’il se présente à vous. Personnellement, je n’en avais absolument pas besoin, je me sentais comblé : j’avais du sexe et aucune prise de tête, tout en déconnant. Tout ce que cherche un mâle, n’est-ce pas ? Et puis, quand je l’ai vraiment observé pour la première fois, je l’ai trouvé belle et quand on s’est parlé plus de dix minutes, de vrais sujets qui nous tenaient à coeur, j’ai remarqué qu’en plus de ça, elle était intéressante et drôle. Elle m’intriguait tellement que je n’ai pas pu m’arrêter de lui parler pendant des lunes et des lunes, sans jamais cesser de l’admirer.
Je voulais vivre sans regretter quoi que ce soit. Je faisais tout ce que je souhaitais, je n'hésitais jamais à faire une chose ou le dire. J'étais un chat franc, je l'ai toujours été afin de ne pas regretter mes actions faites par le passé. Après, évidemment, il y a des actions que je n'ai jamais accomplies et que je regrette amèrement aujourd'hui, comme n’avoir jamais repris contact avec Fantôme du Passé. Aujourd'hui, je peux ajouter un nouveau regret à ma courte liste, un regret bien plus douloureux que l'histoire avec Fantôme du Passé. Je regrette de ne pas avoir passé plus de temps aux côtés de ma compagne. Elle me manque, vous n’imaginez même pas combien.

Une petite silhouette s’approche de moi sans que je le remarque. Je ne fais même pas attention à elle, c’est ce que je fais depuis sa mort. Je ne regarde plus personne dans les yeux, je me contente de fixer le sol en pensant à la même et unique personne. Deux odeurs familières que je connais bien sont là, près de moi. Je reconnais d’abord l’odeur de la nourriture, celle d’un écureuil plus précisément. Ensuite, je perçois le parfum naturel de ma deuxième fille. Enfin, elle est ma première aux yeux du monde mais elle est ma deuxième à mes yeux et à ceux de Fantôme du Passé. Je lève mes yeux vitreux vers elle. Elle me rappelle sa mère, et même moi, dans sa démarche, dans son sourire, dans sa façon de parler. Illu et Renard ont toujours plus ressemblé à leur mère, Fantôme du Passé, niveau mental. Ils ne se laissent pas marcher sur les pattes et ont toujours beaucoup de répondants. Et voilà que face à moi, j’ai tout l’inverse. Une femelle joyeuse et heureuse de vivre, comme l’étaient ses parents.

- Bonjour papa ! Tu as faim ? Je t'apporte un bel écureuil.

Je regarde fixement la proie qu’elle a posée face à moi. Je ne réponds pas à sa question, simplement parce que je ne vois pas quoi répondre. Je n’avais plus faim depuis la mort de Promesse des Eaux. Si je me force à manger, c’est pour garder assez de force afin de chasser et combattre mais aussi pour ne pas inquiéter mes proches. Je n’ai pas envie qu’ils me bassinent avec leurs reproches, qu’ils me fassent un cours sur le deuil et toutes ses autres conneries que je connais bien. Je relève le regard vers ma fille, ma belle Nuage d’Espoir, avant de lui sourire faiblement, si faiblement qu’il ne se voit presque pas.

- C’est toi qui l’as chassé ?

Ma voix est faible, presque inaudible. Nuage d’Espoir va devoir tendre l’oreille aujourd’hui si elle veut discuter. Je n’irais pas jusqu’à dire que ça m’est égal de savoir la réponse à la question que je viens de lui poser mais pour être franc, ça ne m’intéresse pas plus que ça. Il ne faut pas qu’elle soit vexée pour ça, peu de choses m’intéressent depuis… voilà quoi. C’est simplement une façon d’éviter sa question sur la faim. Je prends tout de même une bouchée que je mâche très lentement, parce qu’il faut manger pour garder un peu de force et pour ne pas inquiéter sa petite fille.

« It's okay my little girl, don't worry for me. »

Me laisser mourir. C’est une chose à laquelle j’ai déjà pensé, que j’avais même commencé à faire pendant un moment mais j’ai abandonné l’idée. Je suis trop faible pour rester en vie mais pas assez fort pour rejoindre ceux qui m’ont quitté. Je laisserais derrière ma mort, une dizaine de personnes qui tiennent à moi et à qui je tiens aussi, même si, ses derniers temps, je le montre moins que d’habitude. Je connais la douleur du deuil et je ne veux pas leur infliger ce sentiment. Je sais qu’un jour ou l’autre, j’arriverai à surmonter cette étape, il me faut juste le temps de passer à autre chose, le temps de tourner la page. Je ne pourrais jamais oublier ma compagne, ni même avoir à nouveau une vie de couple, avec une autre femelle. Personne ne me correspondait autant que Promesse des Eaux, elle était la seule et l’unique, nous étions seuls et unis face au monde. J’ai mis du temps à comprendre qu’elle était la moitié que je cherchais durant toute ma vie, elle était là, sous mon museau et j’ai été trop stupide pour ne pas y faire attention. C’est un regret que j’éprouve, au fond de mon coeur. J’ai l’impression d’en avoir tellement en ce moment, des regrets... J’aurais aimé l’apercevoir plus tôt, j’aurais pu passer plus de temps à ses côtés et même si je sais que la douleur aurait été la même au final, j’aurais eu plus de souvenir d’elle et c’est tout ce qui me maintient en vie, en ce moment.

- Non..

De nouveau, mon attention se concentre sur Nuage d’Espoir. Je m’étais égaré dans mes pensées, une fois de plus, une fois de trop peut-être. Je lis dans les yeux de ma fille qu’elle ne sait plus comment réagir avec moi, elle ne sait plus où regarder, quel ton prendre lorsqu’elle m’adresse la parole, quelle position et attitude avoir pour me redonner le sourire. Je sais qu’elle veut m’aider mais malheureusement, rien ni personne ne pourra réussir cet exploit. Enfin, si. Il y a peut-être une personne qui pourrait parvenir à faire une telle chose et cette personne, ce ne peut être que moi. Il faut que je parvienne à me bouger, à m’occuper pour essayer de ne plus penser au négatif. La petite apprentie qui se trouve face à moi me donne envie de me battre. En posant mes yeux sur son pelage, je me rends compte qu’il faut que je tente de me sortir de cette galère pour elle. Je sais que je ne pourrais pas redevenir joyeux tout de suite mais si je fais des efforts afin d’aller mieux, peut-être que je pourrais accélérer les choses.

- Papa... tu ne voudrais pas... venir te balader avec moi ? Ça te feras le plus grand bien de marcher.

Se balader, c’était une chose qu’aimait bien faire sa mère. Il faut croire qu’elles ont les mêmes goûts, toutes les deux. Le petit sourire de l’apprentie me fait doucement souffler, je ne sais pas moi-même si c’est d’agacement ou de fatigue. D’un geste mou, je hoche la tête et me lève pour prendre place à ses côtés. Elle va peut-être penser que ça m’embête de marcher avec elle mais ce n’est pas ça le problème, c’est simplement faire l’effort de bouger qui est compliqué. J’ai envie de bouger et c’est d’ailleurs pour ça que j’accepte sa proposition, mais je ne peux y mettre toute mon énergie, vu ce qu’il me reste, en même temps... Je ne sais pas où elle veut se balader, si elle préfère rester dans le Camp ou si elle veut sortir, alors je me contente de suivre ses pas. La tête penchée vers le sol, je n’arrive pas à lever le regard pour regarder le monde qui m’entoure. Je ne veux pas voir la pitié des autres guerriers, je ne veux pas entendre leurs condoléances. Je m’en fous, de vos excuses, de vos pardons. Pourquoi s’excuser, pourquoi me demander pardon ? Vous êtes fautifs, peut-être, vous l’avez tués ? Non, rien n’est votre faute, ni même la mienne. Tout est de la faute de la maladie et de l’accouchement, qui l’a achevé. Je ne dis pas que c’est la faute de Petit Paradoxe, seulement qu’il est… complice.

- Ca se passe bien ton entraînement avec… Ascendance de l’Aube, c’est ça ?

J’ai dû faire un effort considérable pour prendre la parole et en plus de cela, trouver le nom de la mentor. Il me semble que c’est la fille de notre ancienne meneuse et qu’il y a pas mal de rumeur sur elle… Ou peut-être que c’est sur son autre fille qu’il y a des rumeurs ? Je ne sais plus, je ne fais plus attention à ce qu’il se passe dans le Clan, pour être franc.