Are we gonna have a problem ? - avec Rêve de Pluie

Cela faisait bien un moment qu'Etoile Courageuse avait repris sa place de cheffe, et Cœur de Lynx ne semblait pas s'en plaindre. Il avait longtemps attendu son retour, et l'en voilà satisfait. Bien évidemment, il avait pris part à la bataille qui s'était engagée contre le groupe de Sourire Espiègle, et ses blessures avaient su guérir même si elles semblaient toujours sensibles. Peut-être était-ce parce que les soins avaient été rudes ...

Il faut dire qu'avec Rêve de Pluie, l'entente n'était pas toujours présente. Il y avait eu des hauts et des bas entre eux deux, et, forcément, la guérisseuse semblait avoir un léger mépris à l'encontre du félin, du à leur passé commun. Or, avec le caractère du guerrier : cela ne semblait jamais arranger les choses.

Ceci expliqua donc sa mine dépitée lorsque le chef de sa patrouille de chasse, après être rentrés avec un sacré festin, lui ordonna d'aller voir la chatte aveugle. Ayant ouvert à nouveau ses vieilles blessures, en s'étant frotté de trop près à un rocher pointu durant sa nage : il était tout sauf ravi. Sa mauvaise humeur était tellement palpable que Rêve de Pluie aurait pu l'apercevoir, lorsqu'il s'engouffra dans son antre.
Toujours axé sur ses préjugés, il restait persuadé qu'elle ne l'avait pas remarqué alors même que son handicap décuplait ses autres sens. C'est donc dans cette idée qu'il se racla la gorge, souhaitant indiquer sa présence à la grise. Pas un bonjour, pas un semblant de salutations : non, il semblait frapper fort dès le départ.

« On m'envoie pour une blessure. » annonça-t-il, laissant deviner qu'il était difficile, pour lui, d'aller se faire soigner. Comme une sorte de fierté que l'on se risquait à briser.
En fin de compte, il espérait que Rêve de Pluie l'envoie bouler, qu'il soit enfin tranquille.

Un petit coup d'œil suffisait pour comprendre qu'elle l'avait bien entendu. En effet, même si la guérisseuse ne semblait rien laisser paraître, l'ambiance dans l'antre était devenue pensante tout à coup. Coeur de Lynx qui s'accrochait désespérément à sa fierté mal placée, n'avait daigné saluer correctement la grise, qui elle, semblait prête à lui cracher tout son venin à la figure.
Pour autant, si le rouquin s'attendait à recevoir toute une colère noire, Rêve de Pluie sembla commencer en douceur. Plutôt moqueuse qu'enflammée, elle semblait se douter qu'il ne viendrait jamais pour elle ou ne serait-ce que pour l'aider dans sa tâche.
Légèrement remonté par ces propos, il souffla brusquement de la truffe avant de rétorquer presque immédiatement : « Hé bien, je pourrais. », puis sa queue fendit l'air aussi vite que l'éclair, à plusieurs reprises. Visiblement contrarié qu'elle le croit aussi égoïste alors qu'elle semblait pourtant proche de la vérité.

Ce ne fut que lorsqu'elle l'approcha pour l'inspecter, que Cœur de Lynx sembla retomber en pression. Il savait très bien que sa remarque serait inutile dans cette conversation, qui plus est si elle était partagée avec Rêve de Pluie. Ils n'étaient ni pires ennemis, et encore moins meilleurs amis : alors ce qu'il venait de dire n'aurait que l'effet d'une légère caresse.

Cependant, la guérisseuse ne semblait pas avoir oublié le mauvais comportement du guerrier. Car même si elle revenait avec toutes sortes de plantes pour le soigner, elle ne put s'empêcher de faire des remarques acerbes à ce sujet. Elle lui expliqua que les aveugles avaient les sens, autres que la vue, surdéveloppés. Mais aussi que les salutations étaient en tout point meilleures à un raclement de gorge.
Ennuyé au possible, le félin tigré roula ses yeux au ciel, sachant pertinemment que la femelle ne le remarquerait aucunement ... Quoique, elle pourrait ressentir un petit mouvement de tête, sans en trouver la signification, mais soit. De toute manière, il ne tarda pas à exprimer son opinion avec ces paroles : « Comment pourrais-je TOUT savoir sur les aveugles, en sachant que tu es la seule que je connaisse ? », une pointe d'agacement dans sa voix.

Sa queue touffue remuant à nouveau de toute part et frénétiquement, il ne semblait pas s'être détendu pour autant. Alors, il insista toujours plus. « Et tu veux des salutations ? Hé bien soit ! Je vais te les donner. » annonça-t-il fièrement, la tête haute mais non sans une once de raillerie. Puis il s'exécuta, aussi crédible qu'un chaton dans leurs jeux d'imitation : « Bonjour, Râleuse de Pluie. Comment vas-tu en cette si douce journée ? », puis il fronça la truffe.

Désormais, il savait que la guérisseuse ne le renverrait pas de sitôt, comme il aurait pu l'espérer dans le passé.

L'humour de Cœur de Lynx n'était plus vraiment au goût du jour, il était même difficile d'accepter qu'il s'agisse de plaisanteries tellement elles étaient grotesques. Sa raillerie était donc tout à fait déplacée et la guérisseuse fut la première à s'en apercevoir. Or, plutôt que de s'en énerver, l'aveugle entra dans son jeu de plus belle et lui fit quelques remarques : comme lorsque l'on gronde un chaton après une bêtise.

Et cela fonctionna, puisque le rouquin fut peu ravi de savoir qu'on le prenait comme un égoïste - loin de pouvoir assumer ce qu'il était, et donc de croire la grise sur ses propos. Tout ce qu'il put répondre fut un léger grognement, comme si la partie avait été remportée par la soigneuse, devenue véritable championne en remontage de bretelles avec tous les patients qu'elle avait côtoyés.
Mais autant avait-elle réussi à fermer le clapet de ce gros matou, celui-ci se jura de lui montrer sa valeur d'une certaine manière, loin de vouloir passer pour un guerrier aussi ignoble. Alors, il rongea son frein pour le moment, laissant passer l'affaire pour revenir à la charge un autre jour où là, elle apprécierait vraiment sa compagnie.

C'est donc à cette promesse et sa rage mal-dissimulée que le félin battit légèrement de la queue, loin de pouvoir camoufler un tas de ressentiments en si peu de temps. Rêve de Pluie ne sembla pas le remarquer immédiatement, puisqu'elle lui imposa des consignes dans la foulée, lui confirmant par le même instant qu'il se ferait soigner.
Ainsi il s'exécuta dans un silence des plus complets, s'allongea à l'endroit indiqué et attendit les premières vraies douleurs. Or, elles arrivèrent à une vitesse phénoménale puisqu'il sentit la patte de la guérisseuse s'acharner sur sa plaie avec une plante.
Au départ, Cœur de Lynx serrait les dents avant de lancer tout un tas de mots incompréhensibles. Ce ne fut qu'une fois habitué à ces soins douloureux, qu'il osa râler. « Parfois, je me demandes si tu ne le fait pas exprès. » dit-il entre deux grimaces, son regard suspicieux prêt à brûler la fourrure grise de la féline. « À force, ce n'est plus une question de courage. » lança-t-il, persuadé que les chats sains d'esprit ne pouvaient supporter ça et il avait raison. Il faut dire que sa camarade lui réservait toujours un traitement de faveur en guise de soins.

Rêve de Pluie avait ri, ce qui n'avait bien évident pas plu au guerrier qui en plus de grogner, s'était mis à râler comme à son habitude. Les deux s'entendant véritablement comme chien et chat, tel que si un quelconque patient avait été présent dans l'antre, nul doute qu'il n'aurait pas réagi ... Tout simplement parce que ça devenait normal, et que c'était dans la nature de Cœur de Lynx de faire autant de bruit quand ça n'allait pas.

Cependant, il avait beau cracher tous les mots du monde, la grise ne cessait aucunement ses soins, appuyant toujours plus de ses pattes avec des gestes précis malgré son handicap. Elle savait ce qu'elle faisait, mais le rouquin n'en avait cure, pressé d'en finir avec cette horreur avant de se faire rappeler à l'ordre par la guérisseuse, d'une voix à sermonner les chatons. En l'entendant clamer haut et fort qu'elle ne s'acharnait pas sur lui, le concerné dressa les oreilles, bien que peu convaincu. Alors tout ce qu'il fit fut une grimace d'agacement jusqu'à ce qu'elle commente son comportement, déclarant ô combien les petits étaient plus courageux que lui. « Ah parce que je ne serais pas mieux qu'un chaton ?! » cracha-t-il dans un élan de fureur, ne supportant pas qu'on le rabaisse de cette façon. Mais voilà ... La torture était enfin finie, Rêve de Pluie avait fini d'appliquer son remède. C'est donc bien plus calme qu'à l'accoutumé que le guerrier ajouta suite à cela : « Il faut croire que les chatons ont plus peur de te tenir tête, que de se faire soigner de cette façon. » puis sa queue fendit l'air une énième fois, pressé qu'elle le renvoie tout autre part que là où elle pourrait se trouver.

Tout ce qu'il avait eu de bon dans cette histoire, c'est que sa plaie le faisait moins souffrir, mais il regrettait amèrement être passé par tant d'épreuves juste pour cela. Et bien évidemment, il n'avouerait jamais cela à la soigneuse.