Sometimes, you gotta lose somebody just to find that you really love someone. [ft. Assalys]

say my name 

Vision embrouillée. Fantôme qui se déplace dans un territoire qu'il ne connaît pas, qu'il ne connaît plus. Le coeur battant, battant aux tempes et cet espoir vain, si naïf qui brillait, brûlait. Elle voulait lui hurler d'aller moins vite, lui hurler de ralentir - elle voulait lui dire tellement de mots. Tellement de mots qu'elle ne prononçait plus. Se confondre en milles et unes excuses. Mais il allait si vite et ses pattes si frêles, fragiles, incertaines, ne suivaient pas le rythme. 
Son pelage, elle le reconnaîtrait entre tous. Il n'avait pas le pelage le plus surprenant, se détachait de la neige par le noir de sa robe et pourtant, elle le reconnaîtrait toujours. Il n'avait pas grandi… Étrange. Mais elle s'en fichait. Il n'avait pas à grandir s'il ne voulait pas grandir, mais il pouvait au moins l'attendre. Il se cacha alors derrière un arbre et elle s'en approcha. Lentement. Son coeur accélérait, faisait si mal - bien trop mal, et ses yeux qui s'embaumaient de larmes. Un. Deux. Trois. Elle comptait à voix haute. Quatre. Cinq. Six. Et maintenant, l'arbre. Elle contourna l'arbre. 

… Rien. 
Personne. 
Vide. 
Vide. Vide. Vide. Volatilisé. Fumée qui s'envole et plus rien. Elle tanguait. Elle tremblait. Il n'était pas là. Il avait disparu. 
(Il n'était plus) et pourtant, elle l'avait vu - elle avait entendu son murmure et sa voix apaisante. Rien d'autre n'aurait pu la faire sortir du camp, de sa tanière. Rien d'autre qu'Himoya n'aurait pu la faire bouger autant. La respiration se décida à accélérer. Les flancs se creusaient maintenant. Le corps qui réalisait l'effort qui venait d'être fait. Et la rage. La rage qui éclatait, se mêlant au désespoir et la détresse, violents. Non ! Sa voix qui résonnait. Mais personne n'était présent pour l'entendre. Tu étais là ! Tu étais là ! Tu peux pas disparaître ! T'as pas le droit ! Elle avança. Au cas où. Elle ne l'avait peut-être pas remarqué, hein ? On dit que l'espoir fait vivre. Son espoir l'a tué il y a de ça des lunes. 

if you love me…

Reviens ! Parle-moi ! Elle accéléra légèrement le pas. Suffisamment pour ne pas remarquer la souche. Et sa patte qui s'y heurta brusquement. Son cri qui résonna. Toutes les proies s'étaient sans aucun doute envolées. Elle, elle s'était laissée tomber tout près de la souche, les larmes qui coulaient de nouveau. Tu étais là… T'avais pas le droit. T'avais pas le droit… T'avais pas 
le droit 

Son souffle qui se coupa alors, ne laissa que les larmes. Les larmes qui finirent à leur tour par sécher. Elle ne pouvait désormais qu'attendre. L'aube s'effaçait dans le ciel et on finirait bien par la trouver. Elle ne sut pas combien de temps elle attendit. Princesse de glace s'était même assoupie quand on la retrouva, immobile, dans ce territoire qu'elle n'avait plus parcouru depuis des lunes. Territoire qu'elle n'avait même pas observé. Elle aurait bien pu finir dans un camp d'escogriffe.

On l'a réveilla, lui offrit de l'aide qu'elle voulut refuser en montrant qu'elle pouvait marcher, échoua lamentalement. Capitula. À contrecoeur. Le trajet fut long, mais ils allaient au rythme des caprices de cette princesse de verre qui ne voulait pas être portée. Ils finirent par arriver au camp, et la direction fut sans appel : direction les soigneurs. Elle aurait bien voulu qu'on la ramène dans son antre, mais s'obstiner ne servait à rien. Elle le savait. 
Corail avait ce regard brillant d'inquiétude alors qu'Assalys s'enfonçait dans son silence si habituel. Comme si la crise n'avait jamais eu lieu. La douleur n'était rien, celle physique. Elle n'était rien quand son âme brûlait. Elle voulait que le monde entier disparaisse. 
Himoya n'était pas là. 

Corail exauça en partie son souhait en virant les chasseurs après qu'on l'ait installé sur un lit de mousse. Elle, elle fixa le vide sans jamais regarder la femelle. Quand la soigneuse lui demanda ce qui s'était passé, elle tressaillit légèrement. 
Himoya. 
Une souche était dans le chemin. Si ça n'avait pas été de la souche, elle ne serait pas là en ce moment. Je ne l'avais pas vu. Alors je me suis cognée dessus. et elle s'était brisée comme à chaque fois. 

...let me hear you

i feel a million miles away

Himoya l’avait toujours ramené sur terre. Quand son esprit dérivait, s’enfonçait dans déalles tellement sombres, Himoya l’avait toujours ramené à la maison. “Home” était là où son frère se trouvait et désormais, il était si loin. Si loin de pouvoir être rejoint. Pouvait-elle simplement espérer que la mort lui offre une possibilité de le retrouver. Réellement l’entendre de nouveau.
Elle l'avait vu. Pelage magnifique et apaisant, vision onirique et réconfortante - mais il avait fui et elle, elle s'était brisée. Elle ne voulait même pas parler à la soigneuse, seulement dormir pour chasser cette présence qui continuait de la hanter.

Elle voulait se bercer dans les images d’autrefois, dans le regard d’un frère qui n’était plus là. Elle voulait se bercer dans les réminiscences de sa voix, de ses maintes tentatives de la faire sourire, de la faire rire - de la faire vivre. Avec lui, elle y arrivait. Elle respirait. Elle était vivante, elle n’était pas simplement une boule de poils inutile qui prenait la poussière dans une tanière. Mais sans lui, elle n’y arrivait plus. Sans lui, ce n’était plus pareil. Sans lui, elle étouffait. Intérieurement. Psychologiquement. Son esprit étouffait, se noyait dans une eau invisible que personne ne voyait et les blessures béantes qui échappaient aux regards avisés des soigneurs continuaient de saigner. Hémorragie.

Qu’est-ce que Corail pensait pouvoir faire ?
La soigneuse pouvait guérir les maux du corps, mais ceux de l’esprit s’évadaient à ses capacités, refusaient de se faire soigner. Et Assalys les préservait comme unique moyen de ressentir, comme unique moyen de les faire vivre encore, tout près d’elle, ceux qui étaient partis.
Sans surprise, le verdict tomba. Elle s’y attendait, la princesse de glace. Ce n’était qu’une pauvre routine, des blessures répétitives devenues habitudes - ça faisait toujours mal et pourtant, cette souffrance était moindre par rapport au reste.
¯ Comme toujours. Ce n’était qu’un souffle. Elle avait fermé les yeux, avait laissé Corail faire tandis que la douleur s’infusait dans sa patte, dans son corps - tandis que sa patte brisée faisait écho dans chaque morceau, dans chaque miette, de son coeur. Ce n’était pas sa patte qui avait besoin d’une attelle. C’était son coeur, son être tout entier.

Dis… Murmure. Murmure qui s’envole. Sans qu’elle ne puisse expliquer pourquoi, elle était convaincue que Corail l’écoutait, n’attendait que ¸de savoir ce qu’elle pouvait avoir à dire. Comment ça fonctionne, le Clan des Étoiles ? Leurs morts étaient-ils condamnés à être aussi loin d’eux que l’étaient les leurs ? J’ai rencontré un guérisseur des Clans, un jour… Pendant le mal rouge. Dans leurs rêves, auparavant. Il était comme moi. Yeux fermés, souvenirs autorisés. Souvenirs murmurés sur le ton de la confidence alors que la douleur physique ne représentait strictement rien face à cette vague qui l’étouffait depuis si longtemps.

still you connect me in your way