I just lost someone I loved, ft Nuage Rêveur
Insensible à cette météo, la guérisseuse était en plein songe. Confuse, elle était assise autour d'ombres (dans ses rêves, elle avait pratiquement retrouvé l'usage de la vue, les êtres prenant des formes plus dessinées qu'à l'accoutumée) qui marchaient devant elle, sans lui donner d'attention. Elle avait envie d'hurler, de leur demander de la regarder, de lui accorder un peu de regards, d'explications. La grise ne se sentait pas à l'aise dans cette ambiance, elle se sentait seule et le brouhaha lui donnait presque mal à la tête. Elle reconnaissait certaines de ces voix, qui lui avaient déjà donné des prophéties dans ses rêves, à l'instar d'anciens chefs de la Rivière qu'elle n'avait pas même connu, ou même des guerriers vétérans qui étaient de très bon conseil. Elle reconnut Ecorce de Chêne, qui lui avait indiqué où trouver de la feuille de rose alors qu'elle était en sévère pénurie et qu'elle ne voulait pas risquer sa vie à aller chez les bipèdes. Mais le matou ne lui adressa pas la parole, et continua sa route.
Bien décidée à avoir une explication sur ce foutu rêve et cette Assemblée plutôt particulière de dizaines d'individus sans leader visible, Rêve de Pluie lui emboîta le pas et se mit à trottiner juste derrière lui. Elle se rendit soudain compte, grâce aux odeurs de ses congénères, à leurs formes sombres mais scintillantes qui se mouvaient et au bruit de leurs pas sur l'herbe totalement verte, qu'ils se rendaient tous dans la même direction. Intriguée et concentrée, parce qu'elle se disait déjà que c'était peut-être une prophétie qui s'annonçait, la grise se mit à accélérer, très curieuse de voir ce phénomène qui attirait tant la foule. Là, devant ses yeux aveugles, se dressait une silhouette trop familière.
Et ce fut le drame. Dans un sursaut, Rêve de Pluie se réveilla, le cœur battant à la chamade. Et ses yeux étaient brillants, presque larmoyants. Elle pensait à ce rêve, à cette féline qui papotait avec les Etoiles, et elle comprit.
Cette odeur médicinale qu'elle détestait et qu'elle avait appris à aimer se trouvait sur la fourrure de la féline qui se dressait face à eux. Et cette voix presque constamment boudeuse, à part lorsqu'elle évoquait quelqu'un qu'elle appréciait, elle l'avait tant écoutée. Ainsi, elle s'était trouvée face à Bruyère Sauvage. Sa mentor. Celle qui l'avait aidée alors que les autres l'avaient repoussée pour cause de cécité. Finalement, elle ne se permettait même plus de la qualifier comme sa simple mentor, mais davantage comme celle qui lui avait fait découvrir la vie, qui lui avait montré que tout n'était pas si rose, mais pas forcément noir non plus. En ces quelques lunes à ses côtés, Patte de Pluie était devenue un Nuage, mais également Rêve de Pluie, celle qu'elle était devenue aujourd'hui. Et c'était grâce à elle, grâce à Bruyère Sauvage. Ceux qui disaient que le lien entre un mentor et son novice était particulier se trompaient. Il était indéfinissable. Elle était comme sa professeure, mais à la fois sa mère par moment et sa meilleure amie très souvent. Elle se souvenait comme si c'était hier de ces fous rires qu'elles avaient eu en se moquant de leurs patients insupportables, de leurs discussions à la portée philosophique en cueillant des orties seules au bord de la rivière.
Bouleversée, et incapable de parler, la grise sortit de la tanière, sans porter un seul regard à son apprentie à elle, Nuage du Saule. Elle quitta le camp, sans prévenir personne et elle se mit à marcher sans but. Puis elle s'assit, le regard vide posé partout et nulle part à la fois. Ce n'était pas tant le fait de la voir dans son rêve qui l'avait perturbée : c'était le fait qu'elle soit donc morte, puisqu'elle faisait partie du Clan des Etoiles. Elle l'avait imaginée tant de voix gambadant tout sourire dans des territoires inconnus, des landes fleuries aux forêts tropicales, bien loin de toute cette vie de guérisseuse qui la rendait maussade et malheureuse. Et elle était morte, si jeune. Comment ? Mordue par un foutu chien, attrapée par un bipède ? Ecrasée par une branche ? Emmenée dans un torrent ? L'extérieur était attirant, mais plein de dangers.
Bordel, ça la bouffait de ne pas savoir ce qui s'était passé !
Elle restait ainsi jusqu'à ce que le soleil se lève, et répande ses rayons sur le bout de forêt dans lequel elle s'était cachée. Puis elle revint sur ses pas, et alla voir Nuage du Saule. Elle lui demanda de faire un tour chez les anciens pour vérifier s'ils n'avaient pas de douleurs musculaires ou osseuses. Elle leur avait promis qu'elle ou son apprentie passeraient dans la matinée, mais elle n'était pas d'humeur à y aller.
De son côté, elle traversa rapidement la clairière pour aller trouver Brume du Matin. Elle lui demanda s'il y avait quelqu'un qui pourrait l'accompagner pour venir avec elle chercher de la bourrache, et c'est tout naturellement qu'il accepta. Il appela Nuage Rêveur, un jeune matou qui semblait bien porter son nom, et elle tourna le dos au lieutenant, dès que l'apprenti fut là.
Une fois sortis, elle prit la parole, encore la voix un peu balbutiante, tentant cependant de rester plutôt ferme dans ses propos :
"On va chercher de la bourrache. On sera de retour dans peu de temps, si on avance vite."
Liant le geste à la parole, elle se mit à accélérer, demandant implicitement au gamin d'en faire autant.
Le personnage
Sexe du perso: Mâle
Âge du perso: 10 lunes
Mentor / apprenti : Plage Enchantée
blind
Les discussions avec Blizzard Éternel et Nuage du Saule m’ont laissé un gout amer, je veux en savoir plus sur nos ancêtres. Je sais que je ne suis pas destiné à emprunter la voie des guérisseurs, mais je veux en connaitre davantage. Cette soif de connaissance me tord le ventre. Je n’ai jamais imaginé que je puisse être un jour autant intéressé à ce sujet. Après tout je sais que je dois croire au clan des Etoiles depuis que j’ai conscience d’exister.
La nuit est silencieuse, on entend à peine le vent. Je suis allongé sur le dos, j’ai chaud et je n’arrive pas à dormir. Il fait beaucoup trop chaud. Mon frère dort profondément tout comme les autres apprentis. Je soupire, j’aimerais bien que quelqu’un se réveille pour me tenir compagnie pendant cette insomnie. Je n’ose pas trop bouger. J’ai peur de tirer mon voisin de son sommeil profond. Il m’en voudrait si je le réveille alors que l’aube ne pointe pas encore le bout de son nez. Quoique je suis sûr que mon frère ne serait pas trop grognon si je le réveille. Il m’aime, et moi aussi. C’est mon frère, il doit tout partager avec moi dont mon insomnie. Je le pousse doucement avec ma patte, il grommelle et se retourne. Il ne se réveillera pas. Pff, c’est si ennuyeux de ne pas dormir. Je n’ai pas que ça à faire d’attendre que le sommeil vienne ! ces heures sont précieuses pour les apprentis. Dans quelques heures l’entrainement va reprendre et je vais trainer la patte si je ne dors pas assez. Satanées pensées ! Pourquoi est-ce qu’elles m’empêchent de dormir ? C’est nul. Je me tourne et me retourne dans mon nid. Je n’arrive pas à trouver la bonne position pour dormir. Et puis il faut chaud. On est trop nombreux dans cette tanière, on est collé les uns sur les autres. Ce n’est pas agréable. Je finis par m’endormir, emporté par la fatigue.
Lorsque l’aube commence à pointer le bout de son nez dans la voute céleste, je sens les apprentis commencer à s’agiter à côté de moi. A moitié endormi, je me retourne et met ma queue sur mon visage pour occulter les doux rayons qui viennent caresser nos corps. Laissez-moi dormir ! Mes paupières sont encore lourdes et je n’essaye pas de les ouvrir, je veux encore dormir. Mon frère ne me laisse pas dormir, pas de grasse matinée pour moi. Il me donne un coup de patte. J’ouvre les yeux furieux. Ce n’est pas lui qui n’a dormi que quelques heures cette nuit. Je peste en me levant. J’ai mal dans tout mon corps, j’ai du m’endormir dans une mauvaise position. Je sens tout mon corps si lourd et si tendu. Je sens qu’une mauvaise journée se profile. J’espère de tout cœur que Plage Enchantée, mon mentor, sera clémente au vu de mon état. On pourrait faire un travail sur le pistage ! ou alors juste une patrouille. Je ne me vois pas m’entrainer à combattre et encore moins à chasser. Mon corps est tellement courbaturé ! On dirait un ancien. Je cherche du regard la guerrière blanche. Je ne la vois pas. C’est étrange. D’habitue elle m’attend à l’entrée de la pouponnière. A la place j’aperçois notre lieutenant qui se dirige vers notre tanière. C’est de mauvais augure à mon avis. Son apprentie n’est plus dans la tanière. Il vient chercher quelqu’un. Qui ? Moi. Je suis le seul apprenti encore dans la tanière. Est-ce que j’ai mis trop de temps à me lever ? Peut-être bien. Mais laissez-moi me réveiller tranquillement bon sang ! Le lieutenant me dit que je dois accompagner Rêve de Pluie pour une cueillette. Quoi ? Pourquoi moi ? Elle n’a pas une apprentie pour ça ? Nuage du Saule est plus à même de l’accompagner. C’est elle l’apprentie guérisseuse et elle sait reconnaitre les plantes. Moi je ne dois même pas savoir différencier du pavot d’une autre graine. J’obtempère tout de même. Je n’ose pas me rebeller contre notre lieutenant, ça serait se tirer des batons dans les pattes.
Je rejoins notre guérisseuse sur la place centrale en trainant la patte. Sans un mot nous quittons le camp. Je jette un regard désespéré. Je prie pour que notre lieutenant me rappelle ou que Plage Enchantée me dise que je vais aller m’entrainer avec elle. Même pour un combat, tout mais pas aller jouer à la cueillette. Je suis un apprenti guerrier. Une fois sortie du camp, Rêve de Pluie m’indique que l’on va chercher de la bourrache. Je n’ai aucune idée de ce que c’est. Je ne me suis jamais intéressé aux plantes après tout. Elle accélère la cadence. Je suis tout de même admiratif devant sa démarche déterminée malgré sa cécité. D’autres sens sont en exergue. C’est ce que m’a dit Blizzard Éternel. Nous avançons tous les deux à un bon rythme vers le pont en pierre. Après un long silence, je demande : « Pourquoi tu n’as pas demandé à Nuage du Saule de t’accompagner ? Je ne sers a rien moi. » Je suis un apprenti guerrier. Je ne connais rien aux plantes. Et puis son regard aveugle me gêne. Je pense que ça se ressent, je n’ai pas le pas sur et j’essaye d’éviter son regard aveugle. Un regard vide.
Et pourtant, elle était là, à trottiner en compagnie d'un Nuage Rêveur qui ne semblait pas très enclin à être heureux non plus. Elle n'avait qu'à entendre ses soupirs désabusés à l'idée d'aller faire une cueillette avec elle. Elle et le jeune matou n'avaient jamais eu l'occasion de vraiment discuter parce qu'ils ne l'avaient pas vraiment cherché et parce qu'il paraissait un peu nerveux et impatient quand il se rendait à la tanière des guérisseuses. L'arrivée de Nuage du Saule semblait être bien accueillie par de nombreux félins, qui préféraient s'adresser à la jeunette aimable plutôt qu'à l'aveugle grognonne.
Le silence s'éternisait, ce qui ne dérangea pas la grise, qui songeait à Bruyère Sauvage, ressassant sans cesse les images de son rêve, cherchant des indices qu'elle aurait pu oublier dans la précipitation des événements. Mais elle ne savait rien de plus. La coupant dans ses pensées, le jeune chat l'interrogea, d'une voix peu enthousiaste :
« Pourquoi tu n’as pas demandé à Nuage du Saule de t’accompagner ? Je ne sers a rien moi. »
Elle tourna la tête vers lui, posant ses yeux jaune pâle à l'endroit où visiblement se tenait sa tête, puisque c'était de là que sortait le son de sa voix et de sa respiration. Son regard vide transmettait malgré tout ses émotions, si bien que le matou aurait bien pu voir, sous la prépondérance de la tristesse, des traces de colère dans ses prunelles de jais. Elle comprenait bien qu'il n'ait pas envie de passer du temps avec elle, et qu'il aurait préféré aller faire une partie de pêche avec sa mentor ou même une patrouille avec d'autres jeunes camarades. Elle-même, si elle avait pu être guerrière, aurait probablement grogné à l'idée d'aller cueillir de la bourrache. Mais elle n'avait pas la patience de subir cette mauvaise humeur, pas aujourd'hui. D'une voix à moitié agressive, elle répondit :
"Parce que Nuage du Saule me seconde et que je n'ai pas le pouvoir d'ubiquité. Elle s'occupe des anciens pendant que je cueille, c'est plus rapide. Et tu as bien des yeux pour voir, ce n'est pas compliqué de distinguer une fleur bleue d'une fougère, si ?"
C'était évidemment une question rhétorique. Il faudrait être aveugle, sans aucun jeu de mot, pour ne pas réussir à voir la différence entre la bourrache et une pâquerette ! Elle-même arrivait à se fier à son flair pour les retrouver, alors que leur odeur était bien moins originale que celle des baies, qui étaient plus sucrées que les fleurs, qui avaient relativement le même effluve. Certes, elle avait des lunes d'expérience, mais Nuage Rêveur avait des yeux pour voir. La bourrache avait été l'une des premières plantes qu'elle avait présentées à Nuage du Saule, pour cette simple et bonne raison. Elle reprit, d'une voix légèrement moins remontée mais toute aussi moralisatrice :
"Et quand bien même, c'est du devoir des chats du Clan d'aider leur guérisseur. Au Tonnerre, Blizzard Eternel n'a pas d'apprenti, et j'espère bien pour lui qu'il n'a pas à remplir sa réserve tout seul tout le temps !
Elle songea au matou moucheté, qui avait fait preuve d'une très grande froideur lors de la dernière Assemblée. Elle n'avait pas compris son comportement et espérait bien avoir des explications lors de la demi-lune qui approchait à grands pas.
Le personnage
Sexe du perso: Mâle
Âge du perso: 10 lunes
Mentor / apprenti : Plage Enchantée
blind
Je n’arrive pas à savoir si elle peut lire mon malaise, si elle voit que mon corps est tendu, mal à l’aise. Mes pattes foulent le sol avec précaution, de peur de faire trop de bruit. Mon corps est crispé de peur de mal se comporter. Quelle mauvaise journée. Je me retrouve avec Rêve de Pluie, la chatte aveugle. La chatte au regard vide. J’ai l’impression que les secondes s’éternisent depuis que mes paroles ont tranché le silence. Peut-être qu’elle n’est pas bavarde. Je ne la connais pas, je n’ai jamais voulu la connaitre. Les guérisseuses sont si secrètes après tout avec leur vie à distance de la nôtre. Et puis la compagnie de Nuage du Saule est tellement plus agréable que celle de la chatte aveugle. Je lui jette un coup d’œil furtif pour détailler son visage qui semble se plisser de mécontentement. Je ne m’attarde pas, je crains qu’elle sente que je la dévisage.
Bien sûr que j’ai des yeux pour voir, j’ai même une bonne vue. Je ne suis pas aussi limité qu’elle, je ne porte pas d’handicap. Je ne dis pas ce que je pense à la chatte. Sinon je me ferai gronder et à juste titre. Bien sûr que je suis capable de distinguer une fleur d’une feuille, il faudrait être le plus demeuré des chatons pour ne pas réussir à le faire. Seulement je n’ai pas envie, je ne veux pas faire des choses de guérisseur. Je suis un guerrier bon sang ! Enfin, un apprenti guerrier. Je me destine à prendre la voie de la guerre et de la chasse, la voie du sang et des honneurs et non celle du soin. Je murmure dans un souffle presque inaudible : « Ouais, j’imagine que je sais distinguer les couleurs, moi. ». Question de devoir… c’est certain qu’en tant qu’apprenti nous devons effectuer des tâches peu excitantes comme les litières, chercher les tiques aux anciens – une tâche que j’apprécie car ils sont avares d’histoires dont je raffole – et d’autres corvées. C’est dans l’ordre des choses, on aide le clan à notre niveau. Et lorsqu’on sera guerrier exempté de ces corvées ce seront d’autres jeunes qui feront ces tâches. C’est ainsi, un cycle. Concernant la cueillette de plante, je suis sceptique. Elle un apprenti pour ça et je suis certain que les douleurs des anciens ne vont pas s’envoler. Et puis nous sommes en pleine saison des feuilles vertes les plantes médicinales ne devraient pas manquer.
Mes oreilles s’agitent au nom du guérisseur tacheté. J’ai rencontré le mâle moucheté quelques jours auparavant. C’est un étrange personnage que j’ai du mal à cerné. Nous avons longuement discuté sur les Etoiles, sur notre foi envers nos ancêtres. Cette conversation a réveillé une certaine curiosité sur ce sujet alors qu’avant je me laissais juste porter par une foi que l’on m’a toujours inculquée. Je ne pense pas que Rêve de Pluie soit au courant de mon escapade en territoire ennemi, d’après ce que j’ai compris cela fait quelques temps que les deux chats ne se sont pas croisés. « Le clan est rempli d’apprentis et de chatons. Je suis sûr que d’autres chats sont plus intéressés que moi par la cueillette de plante. » Je lâche ces paroles un peu tendues. Être avec la chatte aveugle me rend mal à l’aise. Nous arrivons au niveau du pont en pierres. Comme attendu, la végétation est luxuriante. Il faut maintenant trouver ces foutues plantes. Je ne sais même plus ce que l’on cherche. Je suis si peu intéressé par cette corvée. Je demande, curieux : « Est-ce que tu vois souvent Blizzard Éternel ? ». Je crains que le guérisseur du clan du Tonnerre révèle mon intrusion sur son territoire. Je suis entièrement fautif et je ne veux pas me faire réprimander par mon mentor et la chef. De plus j’aimerais que cette conversation reste entre nous. Les autres savent tous que j’aime les légendes de bataille, les histoires et ça ne collerait pas que je m’intéresse à des sujets plus profonds. Je sens son regard sur moi. Et je lâche froidement : « J’ai l’impression que tu me dévisages. Est-ce que tu pourrais arrêter ? » Ce n’est pas poli, ce n’est pas correct. Mais j’ai l’impression que Rêve de Pluie lit dans mon esprit quand elle tourne son visage sans regard vers moi. J’ai l’impression qu’elle sonde mon âme.
Mais entre la brise qui lui sifflait entre les oreilles, les galets qui se tapotaient mutuellement à cause du courant, elle entendit le voix du jeune matou, qui se permit de faire une remarque, sans totalement assumer ses propos, puisqu'il les murmura :
« Ouais, j’imagine que je sais distinguer les couleurs, moi. »
Mais sans doute ne savait-il pas que les sens des aveugles étaient décuplés, et qu'ainsi ils entendaient plus que la moyenne, et que leur odorat était multiplié. Il fallait bien essayer de les mettre au même niveau que les autres, eux qui étaient déjà des boulets de la nature ! Dans tous les cas, Rêve de Pluie le foudroya du regard, outrée qu'un gamin comme lui se permette de lui rappeler avec insistance qu'elle était aveugle, qu'elle ne voyait pas les couleurs, qu'elle ne pouvait pas voir les bourraches comme lui, comme eux ! Elle en avait ras-le-bol de ne voir que dans ses rêves, ses rêves qui lui montraient que ses amis mouraient les uns après les autres sans qu'elle n'en puisse rien ! Et que ceux qui avaient le don de voir ne se rendaient pas compte de la chance qu'ils avaient !
« Le clan est rempli d’apprentis et de chatons. Je suis sûr que d’autres chats sont plus intéressés que moi par la cueillette de plante. »
S'il savait ! Très peu, à savoir sinon Nuage du Saule, s'intéressaient à "la cueillette", comme il disait si bien. Tous préféraient se battre ou chasser, des activités plus ludiques et plus sportives, sans forcément être plus utiles pour autant. Franchement, elle comprenait que ce ne soit pas le plus intéressant qui soit, mais ils pouvaient essayer de comprendre l'importance des plantes dans leur camp. Et ainsi arrêter de ronchonner dès que l'occasion se présentait, quand elle leur demandait de venir chercher des orties ou de la bourrache.
Agacée, elle rétorqua sèchement :
« Figure-toi qu'ils ne sont pas nombreux ! Par contre, ils essaient d'être un minimum agréables, eux. Et assume tes propos, par pitié, ne te contente pas de murmurer ! »
Il changea de sujet subitement, se sentant peut-être pris dans ses filets : après tout, la grise était réputée pour remonter les bretelles naturellement, et en ne changeant jamais d'avis. Elle avait bien tenu tête du mieux qu'elle le pouvait à Folie des Nuits, quand il avait pris le pouvoir avec Sourire Espiègle. Elle avait refusé de soigner les traîtres et les solitaires, les sbires des deux matous, par acte de révolution.
Il l'interrogea quant à Blizzard Eternel, sur leur relation. C'était fou comme tout le monde était intrigué par les guérisseurs et les liens qui les unissaient. Ils étaient dans une bulle de mystère, qu'elle tentait d'entretenir du mieux qu'elle le pouvait, tout en restant aimable et attentive aux questions qu'on lui posait, et en répondant du mieux qu'elle le pouvait tant que ce n'était pas personnel.
Alors qu'elle s'apprêtait à répondre, il reprit, d'un ton glacial et à moitié condescendant :
« J’ai l’impression que tu me dévisages. Est-ce que tu pourrais arrêter ? »
Rêve de Pluie manqua de s'étouffer par tant d'irrespect. Elle avala sa salive de travers et eut une quinte de toux, choquée du manque de politesse dont le jeune chat faisait preuve. Il ne se prenait pas pour personne, celui-là ! Elle commença à amèrement regretter de ne pas être allée seule, ou aussi mal accompagnée !
La fatigue et la tristesse de la nuit accumulées, et le ras-le-bol des remarques de Nuage Rêveur en plus, elle cracha quasiment ces mots :
"Tu es parano, en fait ! Laisse mes yeux où ils sont, et concentre-toi sur la route au lieu de croire que je suis sourde ou sorcière."
Elle secoua la tête, puis reprit, tout aussi sèchement :
"Je le vois toutes les demi-lunes, ou aux frontières quand on se croise. Mais pourquoi tu poses cette question ? Je croyais que les guérisseurs et leur boulot ne t'intéressaient pas ?!
Le personnage
Sexe du perso: Mâle
Âge du perso: 10 lunes
Mentor / apprenti : Plage Enchantée
blind
J’ai l’impression d’avoir commis une erreur. Mes mots ont dépassé ma pensée. Mes mots tranchants ont peut-être blessé ou irrité Rêve de Pluie. Elle me foudroie du regard, des frissons parcourent mon échine. Je l’ai irritée. Je soupire intérieurement. Pourquoi ai-je miaulé ça ? Je sais pertinemment que Rêve de Pluie est une chatte au mauvais caractère. Je sens que je vais passer une mauvaise journée, je le sentais depuis le réveil. Et ça ne m’aide pas essayer d’être de meilleure composition. Autant que la journée soit gâchée jusqu’au bout, non ? Je lève les yeux au ciel – j’en profite comme elle ne peut pas me voir – lorsqu’elle me fait remarquer qu’elle peut m’entendre. Bien sûr qu’elle peut m’entendre même si j’ai lâché mes paroles dans un souffle, j’étais juste à côté d’elle. Est-ce que j’assume ? Je ne sais pas vraiment. J’approche pourtant de l’âge où nos mots ont autant de conséquences que nos actes voir plus. Je ne sais pas si j’assume mais je n’en pense pas moins. Je m’énerve, il faudrait que je réfléchisse avant de parler ou alors faire ces réflexions dans ma tête. Tout ne se dit pas. Je ne réponds pas à ce que je prends comme une provocation. Est-ce son handicap qui m’excède ? Non, ça serait trop violent. C’est mon incompréhension, c’est mon ignorance qui m’excède. Et aussi le fait que je ne puisse pas aller m’entrainer avec mes camarades pour devenir un guerrier digne de ce nom. Les plantes ne font pas partie de ma formation même si j’imagine que savoir différencier certaines plantes peut être utiles… Mais bon, je m’imagine que c’est le rôle d’autres que moi.
Je la vois se figer suite à mes paroles. Quel maladroit. Encore des paroles qui ont dépassé ma pensée, enfin non. Je me sens vraiment mal à l’aise avec elle et je pense qu’il faut que je lui dise. Bien sûr après réflexions, j’aurais pu apporter le sujet avec plus de délicatesse. Oui, un peu de douceur ou juste de politesse. Que penser de moi ? Que je suis un gamin insupportable et arrogant ? Peut-être. Je sais que j’ai toujours été un peu arrogant voir vaniteux. Est-ce l’âge qui veut ça ? Est-ce la hardiesse de la jeunesse qui n’a pas encore été éprouvée par les épreuves de la vie ? Je ne sais pas trop. Elle crache ses paroles. Violence. Elle est excédée, je le vois. Je n’ai jamais été très fin psychologue – je suis encore jeune alors il faut m’excuser – mais je distingue bien un mélange d’agacement et de colère. C’est normal, je le mérite. J’ai outrepassé les limites et la bienséance. Est-ce comme ça que ma mère m’a élevé ? bien sûr que non. Je sais qu’en tant qu’apprenti et même en tant que chat je dois le respect à mes ainés et à mes pairs. Surtout aux chats importants tel que Rêve de Pluie. Elle est proche du clan des Etoiles tout comme Blizzard Éternel. Ils m’intriguent. Leur vie, leur façon de voir le monde, le fait de rencontrer nos ancêtres, ils m’intéressent. La curiosité me dévore et j’ai l’impression qu’elle m’empêche de dormir. J’ai soif d’en savoir toujours plus sur les Etoiles qui s’étendent dans le firmament. Je réplique : « Je sais où je mets les pattes. On est sur le bon chemin. » Je ne relève pas le fait qu’elle m’ait traité de paranoïaque. Je suis sûr qu’elle peut voir des choses que mes yeux ne peuvent pas distinguer.
Elle a raison de s’interroger. Pourquoi est-ce que je m’intéresserais à sa relation avec Blizzard Éternel ? Je viens de lui dire que leur vie de guérisseur ne m’intéressait pas. Que répondre ? Faut-il mentir ? Faut-il raconter la vérité ? D’un côté je ne suis pas sûr que Rêve de Pluie tienne rigueur du fait que j’ai – sans faire exprès – mis les pattes du mauvais côté de la frontière et que je me suis attardé pour discuter métaphysique avec un chat jusqu’à lors inconnu. Je doute que le mâle moucheté parle de moi, je ne suis qu’un insignifiant grain de sable dans sa vie. Il doit croiser tellement de monde. Que suis-je pour lui ? Juste un apprenti sans importance d’un clan ennemi. Je lâche : « J’ai rencontré près de notre frontière Blizzard Éternel. » Merci Nuage Rêveur. Ça n’avance pas du tout la conversation. Je continue après une pause de quelques instants qui m'ont semblé durer une éternité : « Je lui ai posé quelques questions sur le clan des Etoiles. » Je pense que cela peut surprendre mon interlocutrice. Cela contraste tellement avec mon « aversion » des tâches qui sont d’habitude réservées aux guérisseurs et à leur novice.
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