Right where I belong

Feat Étoile Mortelle

Une fois n’est pas coutume, le sommeil de Tyran des Ombres était paisible. Du moins dénué de songes trop vifs pour ne pas lui plomber l’humeur au réveil ce qui était déjà ça de pris. Depuis plusieurs semaines déjà, les nuits parsemées de cauchemars s’enchaînaient les unes après les autres, rendant le guerrier plus fatigué le lendemain matin qu’il ne l’avait été la veille. Quelle arnaque tout de même. Et ce n’était pas comme s’il pouvait se permettre de procrastiner une fois le jour venu, pas alors qu’il avait déjà l’impression que les regards le suivaient d’un peu trop près à son goût.

Il savait qu’il se faisait des idées. Logiquement, personne n’était au courant, personne ne pouvait savoir ce qu’il avait fait ni comment tout s’était fini. Seule Lueur Abyssale était au courant. Et son apprentie, Nuage de Pie, à laquelle le guerrier avait déjà prévu d’aller toucher deux mots. Et, à son plus grand dam, son père, Étoile Fragmentée.

Si Tyran des Ombres ressentait déjà une certaine animosité à son égard avant les plus si récents événements, le sentiment n’avait fait qu’empirer par la suite. Est-ce que ses raisons étaient vraiment valides ? Il n’en avait que faire. Il n’avait pas passé son enfance et son apprentissage la hargne au cœur envers son père, son chef, pour renier tous ces ressentiments une fois l’adversité dépassée, certainement pas. Il l’avait sauvé, pourtant, peut-être qu’il aurait dû être reconnaissant, mais Tyran des Ombres préférait se foirer une seconde fois plutôt que d’éprouver une quelconque gratitude envers un paternel dont il était devenu incapable de croiser le regard.

En plus de la rancœur, c’est la honte qui l’habite, plus que tout le reste. Celle d’avoir échoué, celle d’avoir été pris sur le fait. Celle d’avoir eu besoin d’aide, d’avoir dû admettre défaite, reconnaître une faiblesse qui avait toujours été là mais qu’il s’était entêté à ne jamais reconnaître.

Faible, lui, Tyran des Ombres ? Plutôt mourir. Il avait passé toute sa vie, continuait de passer toute sa vie, à prétendre être fort, le meilleur même, mais dans le fond, son sentiment d’infériorité lui tenaillait l’estomac. Il devait se renforcer, physiquement et mentalement. Il devait se ressaisir, retrouver le soi d’antan, celui qui était si détestable aux yeux de tous et toutes, celui qui s’était forgé au travers de la négligence de ses parents et du dédain de son frère et de sa sœur.

Être fort. Ça le hantait. L’obsession était telle que les rares rêves prenant la place de ses cauchemars mettaient souvent en scène des batailles à n’en plus finir, mille et uns carnages desquels il ressortait victorieux. Mais cette nuit, le rêve semble différent, s’anime d’une autre façon. Le sol sous ses pattes est presque trop réel, la forêt trop familière pourtant étrangère et les odeurs trop tangibles dans l’air. Bientôt, le guerrier déboule sur une clairière où semble l’attendre la silhouette noire d’un chat intangible.

Les sens en alerte, Tyran des Ombres s’arrête. La brise du lieu lui souffle dans le dos, aussi est-il incapable de percevoir l’odeur de cette apparition qu’il ne reconnaît pas d’où il se tient. Lentement, il s’avance, contourne l’autre félin afin de mieux l’apercevoir mais, bientôt, il n’a d’autre choix que de se dévoiler entièrement. « C’est pas un rêve normal, je me trompe ? » demanda-t-il d’un ton prudent à la silhouette presque floue qui lui faisait face. Il avait l’impression que son subconscient ne lui appartenait plus.

Sa dignité n’était donc pas assez, fallait-il le déposséder de tout ce qu’il lui restait ?