Je veux devenir grand ! [Libre]

Je veux devenir grand !

   

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Le soleil, qui était jusque là resté assoupi derrière l'horizon, se réveilla et étira ses chauds rayons sur la forêt de Cerfblanc. Le camp du Clan du Vent fut lui aussi nimbé de cette claire lumière, annonçant une journée radieuse. Cette atmosphère étonnamment printanière, renforcée par les oiseaux qui pépiaient de tous leurs gosiers, fit s'élever des ronronnements de contentement au sein du camp. En fait, un seul félin ne semblait pas partager l'allégresse générale. Cet animal grincheux n'était qu'une boule de poils rousse et blanche, couchée dans la pouponnière. Petit Loup grommela. La lumière du soleil, apparue subitement, l'avait tiré d'un rêve délicieux, où il était question d'un énorme tas de gibier et de lait à foison. Le chaton ouvrit deux petits yeux sombre et bailla. Autour de lui, les reines et leurs petits dormaient encore. Ce qui renforça sa mauvais humeur : apparemment, il était le seul à avoir quitté les bras de Morphée. Abandonnant ces rêves de festin, il sortit de la pouponnière.

La plupart des chats dormaient encore. Seuls quelques guerriers matinaux étaient assis près du tas de gibier ou sous le promontoire. Petit Loup s'approcha du tas de proies et choisit une minuscule mésange en guise de petit déjeuner.
Je pense que cet acte, curieux et inhabituel chez un chaton, mérite une explication. Le père et la mère du petit mâle ne faisaient pas tout les deux partis du Clan : sa mère était une chatte domestique. Petit Loup ne pouvait donc pas bénéficier de lait maternel. Bien sûr, les reines lui en donnait quand il le voulait ! Mais il ne pouvait partager la joie qui envahissait les yeux des chatons lors de la têtée, il ne pouvait se serrer contre le ventre chaud de sa maman... Il préférait donc manger de petites proies et partager son repas avec les anciens.
C'était d’ailleurs vers la tanière des vétérans du Clan que se dirigeait le chat, avec son oiseau dans la gueule. Mais les vieux guerriers étaient eux aussi endormis. Petit Loup prit donc son repas seul, avant de faire sa toilette. En fait, c'était plus pour s'occuper que par soucis de propreté : Petit Loup s'ennuyait ferme. Tous les chatons étaient encore endormis et son père n'était pas là pour jouer avec lui.
Est-ce qu'il est encore en train de faire dodo ? Est-ce qu'il est parti ?
Le petit alla vérifier lui-même.

Les guerriers et guerrières du Clan dormaient sous un pin tordu et étaient protégés des intempéries par ses larges branches couvertes d'épines. Petit Loup se faufila entre les chats endormis, les regardant avec admiration. Comme ils étaient grands ! La patte du chaton faisait à peine la taille d'une oreille de chat adulte. Comme ils étaient forts ! De puissants muscles saillaient sous leurs fourrures, bougeant au rythme de leurs respirations. Comme ils étaient impressionnants ! Petit Loup était entouré par de longs crocs, par des griffes tranchantes, par des chats couverts de cicatrices.
Est-ce que moi aussi, un jour, ce serait comme eux ?
Le chaton oublia alors qu'il était seulement venu chercher son père. Il oublia qu'il ne fallait pas troubler le sommeil des autres, surtout quand il s’agissait de puissants guerriers qui apprécieraient moyennement d'être réveillés en sursaut. Il oublia tout cela et se mit à crier.

- Eh ! Est-ce que moi aussi je serais fort comme vous quand je serais grand ? C'est quand que je vais devenir grand ? Comment en fait pour devenir grand ? Est-ce que ça fait mal de devenir grand ? Et euh... comment ça fait d'être aussi grand ? Et puis qu'est-ce qu'on doit faire quand on est grand ? Hein, dites moi ?

- Eh ! Est-ce que moi aussi je serais fort comme vous quand je serais grand ? C'est quand que je vais devenir grand ? Comment en fait pour devenir grand ? Est-ce que ça fait mal de devenir grand ? Et euh... comment ça fait d'être aussi grand ? Et puis qu'est-ce qu'on doit faire quand on est grand ? Hein, dites moi ?

Je grogna. Encore un chaton turbulent qui venait mettre fin à mon léger sommeil. J'avais pris part à la patrouille de nuit hier soir et j'étais rentrée, exténuée. Je n'avais vraiment pas besoin qu'une petite boule de poils curieuse vienne mettre fin à mes rares moments de répit. Aussi, je devint vite de mauvaise humeur. Je me leva et regarda le chaton, mes yeux lançant des éclairs menaçant :

- Tais-toi ! Tu vois bien que tout le monde dors !

Je pris Petit Loup par la peau du cou et sortit dehors, l'air froid de la nuit vint geler mes moustaches. Estimant m'être montrée dure envers le chaton avide de réponses, je décida de lui répondre malgré tout.

- Tu seras fort come nous oui, moins que certains bien sûr. Tu deviens grand en ce moment même. Tu as mal ? Non. Tu as ta réponse. D'être aussi grand ? Eh bien nous avons des corvées. On doit faire plein de patrouille de chasse et frontalières on doit combattre aussi.

J'espérais ne pas l'avoir terrifié au point de devoir répéter mes réponses pour le calmer, je comptais retourner dormir encore quelques heures. Etoile Ardente et son lieutenant ne protesterait sans doute pas pour quelques heures de sommeil en plus... Enfin je l'espérais. Puis, j'eut une idée. Je n'arriverais sûrement pas à me rendormir, autant me réchauffer un peu dans cet air froid.

- Tu veux que je t'apprennes des positions de chasse ?

J'espérais secrètement qu'il répondrait affirmativement. J'avais froid, j'avais faim et je voulais briser la monotonie de mes longues et ennuyeuses journées.

Petit Loup sursauta quand une chatte se leva l'attrapa par la peau du coup et le sortit de la tanière des guerriers sans plus de manières.

- Tais-toi ! Tu vois bien que tout le monde dors !

Ouf ! Ce n'était que Voie Lactée ! Le petit chat soupira de soulagement car, même si elle était de mauvaise humeur à cause de son réveil forcé, il savait qu'elle n'était pas méchante et qu'il ne serait pas puni, ni grondé. D'ailleurs, la guerrière semblait déjà regretter la brusquerie avec laquelle elle l'avait fait taire : bien que fatiguée, elle répondit à ces questions.

- Tu seras fort comme nous, oui. Moins que certains, bien sûr ! Tu deviens grand en ce moment même. Tu as mal ? Non. Tu as ta réponse. Et bien nous avons des corvées. On doit faire plein de patrouilles de chasse et frontalière. On doit aussi combattre.

Petit Loup bu ces paroles avec avidité, heureux d'en apprendre un peu plus sur les guerriers.
Il était en train de grandir ? Il allait donc bientôt devenir un guerrier ? Qu'est-ce qu'il fallait faire comme corvées ? Et qu'est-ce-que c'était que des ''Trapouilles de chasse et tronfalières'' ?
Voie Lactée du comprendre qu'elle allait de nouveau se retrouver sous un déluge de questions et elle trouva un moyen d'éviter cela.

- Tu veux que je t'apprenne des positions de chasse ?

Cette simple question plongea Petit Loup dans un bonheur sans fin et le chaton oublia toutes les questions qu'il voulait poser. Il se mit à sauter autour de la femelle en riant.

- Oui ! Oui ! Oui ! Oui !

Surexcité , il se mit tout de suite en ce qu'il pensait être une super-position-de-la-mort-qui-tue pour attraper des souris. Couché par terre, la queue en l'air, il se mit à ramper dans la poussière.

- Comme ça ? Hein ? Comme ça, c'est bien ? Dis moi ?