Ciel Étoilé

Je suis née il y a de cela douze lunes, d'un père inconnu que je soupçonne être un chat domestique et d'une mère assez faible physiquement nommée Goutte de Rosée. Je sais, suite à ce que l'on m'a expliqué, que la reine m'ayant mise au monde a souffert d'une mise bas difficile qui a coûté la vie à l'un de ses quatre chatons. Les miraculeux survivants, ma sœur, mon frère et moi, sont nommés respectivement Petit Roseau, Petit Oiseau et Petite Étoile.

Notre vie, en tant que chatons, s'est plutôt bien déroulée... au début. Le rétablissement de notre mère nous comblait. Excités comme des puces, nous avons rapidement commencé à nous chamailler gaiement, rêvant chacun de devenir un grand guerrier ou un guérisseur appliqué. Mais nous avons également commencé à nous aventurer hors de notre tanière, voire hors du camps.

Ce souvenir me noue le ventre, j'ai beaucoup de mal à en parler. C'est que je me sens coupable de ce qui est arrivé à mon frère, lui qui s'est noyé dans la rivière bordant notre territoire en voulant mener la plus grande excursion qu'il ait jamais faite. Pourquoi m'en vouloir encore ? Car c'est traumatisant, voyons ! Nous nous taquinions toujours pour se défier de s'éloigner encore davantage... J'aurais pu me trouver à sa place. Comme le jour de ma naissance j'aurais pu être celle qui ne miaulait pas. Ça fait beaucoup réfléchir un chaton, ce genre de choses ; et ça laisse des marques, même avec le temps, quand on essaye de tourner la page, c'est gravé dans le cœur.

D'autant que les malheurs de ma famille n'étaient pas terminés. Peu de temps après ce jour funeste, ma mère a été rongée par la maladie et en est morte. Ma sœur et moi étions choquées, au fond, mais en surface nous n'avons pas laissé paraître nos souffrances, comme si une brume opaque s'était formée autour de nous. Cette brume nous aurait donc séparées nous aussi : nous nous sommes brusquement éloignées et ne nous adressions plus la parole sans feuler.

Quoi qu'il en soit, l'impatience était communes : nous voulions devenir apprenties. Pour prouver notre valeur ; nous changer les idées, peut-être. De mon côté je souhaitais me tourner vers la guérison, mais le Clan des Étoiles ne semblait pas y consentir, et je ne voulais pas désirer la mort de la guérisseuse et de son apprenti pour un rêve sans doute un peu léger ; aussi, je me suis résignée.