Topaze de Feu

Petite Topaze était un chaton turbulent, qui entraînait toujours son frère et sa sœur dans ses bêtises. Ils grandissaient, jouaient, apprenaient. Et puis, quatre lunes après leur naissance, il emmena son frère dans un périple dans la forêt. Il avait eu cette idée absurde, et les deux chatons gambadaient tranquillement, heureux. C'était la première fois qu'ils sortaient du camp. Le chaton s'éloigna plus que prévu. Il jouait avec son frère à la bataille. C'est alors que vint le blaireau. Un animal énorme, la bave aux lèvres, alors qu'il se battait avec son frère. Il avait défié le chaton roux, mais ce dernier prétendait qu'il n'avait pas peur de cette chochotte. En vérité, il n'avait pas peur de lui, il avait peur de perdre. Depuis toujours, il redoutait la défaite. Et ce jour-là lui a appris que dans la vie, il faut toujours se relever après un échec.
Le blaireau donc arriva derrière Petite Topaze. Il ne l'avait pas vu, et pour tout dire, il était trop concentré sur la bataille avec son frère. D'ailleurs ce fut lui qui le vit le premier. Le chaton noir lui avait lancé :

« Va-t-en Petite Topaze, que j'ai le temps de le retarder.  

— C'est de la folie. Tu n'as aucune chance !

Petite Topaze poussa d'une bourrasque le chaton noir, il faisait face au monstre, seul. Il feula. Le prédateur rayé gronda, se jeta sur lui. Le petit ferma les yeux, ventre au sol, attendant la morsure. C'était son ego qui l'avait poussé jusqu'ici. Il le savait. Mais pour rien au monde il ne l'aurait admis. La morsure ne vint pas. À la place, des gouttes de sang qui s'écrasèrent au sol. Oui, son frère s'était sacrifié pour le sauver. Et tandis que des guerriers arrivaient, le chaton noir murmura, du sang dégoulinant de sa gueule :

« C'est toi le plus fort. C'est toi qui doit survivre. »

Avant de fermer les yeux à jamais.
Deux lunes s'écoulèrent, lui et sa sœur. Sa sœur qui lui en voulait d'avoir laissé leur frère mourir. Elle tomba malade, le mal vert. Et elle ne survécut pas. Seul dans la neige, Petite Topaze l'avait veillée toute la nuit, malgré les réticences de sa mère, qui avait perdu deux de ses chatons et craignait à présent plus que tout pour le dernier. Son père était fier de lui. Il le voyait comme un petit guerrier.

Puis ce fut le tour de sa mère, Feuille de Prêle. Elle avait repéré un écureuil sur le territoire du Clan du Tonnerre. La glace recouvrait la rivière, elle semblait épaisse. Doucement elle posa ses pattes dessus. La glace craqua, la chatte se fit engloutir dans les flots. Elle mourut sans doute sous le choc.
Puis le jour du baptême arriva. Il sembla à Petite Topaze que tout était silencieux, trop silencieux pour un baptême. Tous étaient tristes, et lui ressentait cette distance le cœur brisé. Comme si aucun n'était fier de lui, comme si tous s'en fichaient qu'il devienne apprenti. Alors il se tut lui aussi et accepta Cascade de la Liberté comme mentor.