Va courir le monde avant que le soleil n'ouvre les yeux [Petit Phénix & Crocs de Fennec]

Ce jour là, le soleil faisait la grâce matinée. Petite Braise était persuadée que quelques semaines plus tôt le soleil n’avait pas autant trainé pour pointer le bout de son museau doré. La chatonne ne comprenait pas bien pourquoi le soleil se comportait ainsi. Maman lui avait bien dit ‘La saison chaude est finie, les jours vont commencer à racourcir’, mais elle n’avait pas tout à fait pigé pourquoi.

Alors voilà, les reines dormaient paisiblement dans la pouponnière, réchauffant les petites boules de chatons fatigués. Mais Petite Braise avait eut le malheur d’ouvrir les yeux trop tôt, et à présent elle ne parvenait plus à les refermer. Doucement, elle se détacha du pelage chaud et douillet de sa maman et fit quelques pas dans l’antre silencieux. Elle n’osait pas encore faire de bruit. Ce silence de début de matinée avait quelque chose de sacré. Alors, faisant l’enfant sage, elle ne disait rien et se contentait de regarder ses congénères, cherchant une occupation.

Soudain, une idée maligne germa dans sa tête. Une petite idée de bêtise. Elle essaya de la repousser quelques minutes, mais celle-ci ne faisait que prendre de l’ampleur dans sa petite tête. Comme un énorme gouffre s’élargissant à mesure que le temps passait, la petite braise finit par tomber dedans la tête la première. Ce n’était rien, en soi, une petite escapade, une grande découverte du monde. Mais elle savait que sa maman n’aimait pas la voir disparaitre sans laisser de trace.
Alors, une nouvelle idée illumina son cerveau : Elle n’avait qu’à ne pas partir toute seule ! Accompagnée, ce serait moins dangereux de découvrir la forêt, nan ? Elle coula un regard sur son frère et se deux sœurs et opta pour Petit Phénix. Elle était calme et sage, Petit Phénix, elle saurait quoi faire s’elles rencontraient des problèmes.

Doucement, la petite rouquine s’approcha de sa sœur et lui tapota le flanc du bout de sa patte. Aucune réaction. Elle prit une grande inspiration et tapota plus fort. Petit Phénix grommela dans son sommeil et bougea ses pattes. Petite Braise, au comble de l’excitation et n’y tenant plus, envoya sa langue mouillés et baveuse contre la figure de sa sœur. Cette fois, la chatonne ouvrit un œil. Elle ne semblait pas très heureuse de se retrouver avec de la bave de Braisouille sur la figure mais la rouquine aux grnads yeux bleus ne lui laissa pas le temps de pester :

- Shhht ! Pas de bruit ! murmura-t-elle le plus bas qu’elle pouvait. ça te dirait de venir découvrir la forêt avec moi ?

Les yeux brillants et son air naïf peint sur la frimousse, Petite Braise était mignonne à croquer. Elle prit un air d’aventurière et s’approcha à pas feutrée de l’entrée de la pouponnière. Elle jeta un coup d’œil à sa sœur et compagne de bêtises pour voir si celle-ci la suivait, puis disparut dans l’entrebâillure de feuilles de la pouponnière.

Petite Braise lança un rapide coup d’œil derrière elle pour vérifier si sa sœur la suivait bien. Elle hocha la tête pour elle-même. Tout se passait bien, pour le moment. Un regard sur l’énorme camp qui s’étendait devant elle. Elle se sentait pleine de force et de courage, la petite boule rousse. Personne en vue, elle fila a toute vitesse vers l’entrée principale, suivie de près par Petit Phénix. Finit par prendre la parole, a la surprise de la rouquine. Sa sœur n’était pas du genre bavarde, mais il fallait croire que l’excitation de l’escapade avait pris le dessus sur ton caractère taciturne :
On va où dans la forêt ? Faudrait éviter les coins où les guerriers vont tout le temps je veux pas qu'on se fasse prendre ce serait trop nul !

Hochement de tête

- Eh bien…

La braisouille fit mine de réfléchir intensément, en fronçant très fort le museau, comme les guerriers quand ils étaient préoccupés. Puis soudain, son visage entier s’illumina, comme une flammèche s’allumant soudainement, elle fit un énorme sourire et répondit d’un ton enjoué et heureux :

- Je n’en sais rien ! Je connais pas du tout la forêt ! Mais je suis sûre qu’on arrivera à trouver des trucs intéressants !

Elle commença à s’éloigner en trottinant, choisissant un petit chemin à leur taille. Elle n’avait aucun doute sur le fait qu’un guerrier finirait bien par les surprendre un jour. Et il serait temps de rentrer au camp. Et puis, ce serait plus simple de retrouver le chemin de retour comme cela !
Tout semblait plus vert, hors du clan, plus vert, plus ensoleillé, plus joli. Petite Braise s’émerveillait au détour de chaque fougère à l’air étrange. Les deux gamines progressaient dans le territoire du Clan du Vent, sans réellement s’en éloigner. Leur petites pattes ne leur permettait que des petits pas, et donc des petites distances parcourues. Mais tout cela semblait énorme aux yeux de Petite Braise.  
Elle s’arrêta soudain, l’oreille dressée. Elle fit un pas en arrière vers Petit Phénix, sans se retourner, et murmura de la voix la plus basse qu’elle pouvait :

- J’ai vu quelque chose bouger dans les fourrés ! Je vais essayer de l’attraper !

Elle fit quelques pas et aperçu un petit oiseau qui cherchait des vers dans le sol. Celui-ci ressemblait à certains des oiseaux que sa maman apportait pour le diner. Trop contente d’avoir trouvé une proie, elle se tapit dans les herbes. L’animal ne l’avait pas aperçu, apparemment. Elle s’approcha à pas feutré, et dandinant son petit derrière roux (oui, ses pattes arrières continuaient de sautiller imperceptiblement… à croire qu’elle était montée sur ressorts, la petite Braise). Soudain, sans crier gare, elle s’élança dans un manque de technique et de grâce cuisant. L’oiseau qui l’avait repéré du coin de l’œil s’envola à tire d’aile avec un ver de terre entortillé autour de son bec. Petite Braise fit une espèce de pirouette inutile pour essayer de rattraper le sale piaf et se cassa la figure en retombant.

-Flute !

Cracha-t-elle, dans son désarroi. Elle tourna la tête vers sa sœur, penaude. L’autre chatonne semblait assez amusée par cette démonstration d’incompétence. Mais Petite Braise semblait prête à lui montrer qu’elle avait aussi des dons indéniables. Elle attrapa une longue fougère entre ses crocs et se jeta sur Petit Phénix dans un ‘TAAYOOOO !’ sonore.

Petite Braise avait beau ne pas être la reine de la chasse, elle était la reine de la chatouille. Et elle comptait bien tester chaque nouvelle fougère qu’elle rencontrait pour perfectionner sa technique !