Pourquoi tu aimes les étoiles ? [ft. Chou]

Mes petites pattes foulaient le sol de notre territoire, proche de maman. Notre maman, elle s’appelait Willow. Et elle était noire. Je l’aimais, ma maman, mais j’avais un peu peur de ses yeux. Parce que ses yeux, ils étaient oranges. Et je n’aimais pas trop le orange… Pas du tout, en fait. Mais c’était ma maman… Et je n’étais encore qu’un chaton, alors je devais boire son liquide chaud, parce que mes petits crocs n’étaient pas assez développés. Je ne voyais pas Vlinder et Oyaris. Ma soeur et mon frère. Alors je décidai de partir, parce qu'il fallait que je découvre ce qui pouvait être dangereux. Et puis de loin, il y avait un chat qui apparut. Et il était grand. Surtout comparé à moi. Moi, j’étais petit, surtout que j’était un chaton. Et pis le chat, il était blanc. Et moi, j’étais presque blanc, j’étais gris. Donc je m’avançai vers lui, parce qu’il était intriguant. Et il y avait un papillon proche de lui, alors je reculai. Il fallait que je l’avertisse ! Alors je criai. Très fort, pour qu’il m’entende de loin. Parce qu’il était dans la prison, avec les autres. Et je me devais de l’avertir, parce que je pouvais pas rentrer dans la prison avec Vlinder pour tuer le papillon. Maman nous l’empêchait. Elle disait que c'était trop dangereux. Je la comprenais, parce que j'avais moi-même peur. Mais je devais l'avertir, pour pas qu'il meure.

- Monsieur ! Attention au papillon !

Il y avait pleins de chats, mais lui, il était au côté du papillon. Alors, il fallait que je le sauve. Et puis, j'étais un escogriffe, moi, si je voulais, je pouvais rentrer dans la prison ! Il faisait froid, ils devaient être congelés. Moi, quand j'avais froid, et bien je courrais dans le ventre chaud de maman. Eux, ils pouvaient pas faire ça. D'ailleurs, pourquoi ils étaient emprisonnés ? Oh, je crois que je sais. Il fallait les épargner de la fin du monde !

Les étoiles subissaient un choc terrible. Les étoiles ne brillaient plus. Il ne parvenait plus à les voir. Il ne voyait pas le ciel. Il ne voyait pas l’espoir et la douleur qui fusait et dans sa tête et dans tout son corps devenait peu à peu insupportable tandis que la couleur gris de son regard s’assombrissait pour se ternir. Nuage Silencieux semblait en cet instant beaucoup plus petit qu’avant et donnait même l’impression d’être redevenu un chaton, se repliant dans son coin, évitant le contact, tremblant. Il ne bougeait pas. Il ne voulait pas bouger. Il ouvrait à peine les yeux, la lumière n’était pas ici et pourtant sa tête menaçait d’exploser. Plainte Nuageuse était là, elle aussi. Mais où ça là ? Une prison. Il pensait à une prison. C’était une prison. Oui. C’était ça… pourquoi lui ? Mais bien sûr ! On avait compris ! On avait compris que le novice était une étoile terrestre. Mais à son plus grand désarroi, on semblait ne pas en avoir après ses talents et ne pas vouloir les exploiter. Il comprenait mieux, maintenant. Le petit fantôme comprenait mieux les dangers qui le poursuivaient. On voulait l’éliminer. On ne voulait plus le voir vivre. On voulait qu’il retourne dans le ciel parce que sur terre, il était bien trop dangereux. C’était pour ça la douleur un peu partout dans sa tête, c’était pour ça l’étau qui serrait sa tête. Nuage Silencieux ouvrit les yeux difficilement. Son corps respirait une haine pure et dure envers cet endroit d’où les étoiles ne pouvaient point être observées. Ils savaient. Ils savaient comment le torturer, comme le détruire, comment l’anéantir. Alors ils lui avaient retiré la possibilité de voir les étoiles brillaient, de voir la Toison Argentée. Ils étaient cruels. Ils s’en étaient même pris à Plainte Nuageuse, à sa compagne malgré les problèmes qu’ils ont eu tous les deux, bien que Nuage Silencieux sache que ce n’était pas terminé. Il ne bougeait pas. Il s’était juste étiré un peu.

La fatigue tombait sur lui, mais il luttait contre. Il ne voulait pas laisser la fatigue l’emmener loin dans des rêves qui le torturaient encore plus. Pas même un mouvement, pas même un sursaut quand un petit papillon se posa à ses côtés. En fait, il ne le remarqua même pas. Il n’avait pas cette force de prêter attention au monde, pas cette force d’être nerveux et agité, pas cette force de surveiller ses arrières. Trop tard. On l’avait capturé. On l’avait retrouvé. Trop tard. Il ne pouvait s’échapper. Il ne pouvait songer à s’en aller. Il ne le pouvait point. Et aussi déprimant que cette pensée pouvait être, Nuage Silencieux la classait comme fatalité. Il leva doucement la tête quand il entendit une voix. Son regard gris était redevenu pâle, mais trop pâle. Sa condition se voyait. Il était intérieurement absent. Un papillon ? Monsieur ? Le novice blanc tourna la tête et aperçut le petit volatil. Il reporta alors son regard sur l’étranger au loin.

« Les papillons sont gentils.. ils sont colorés et tout beaux.. »

Sa voix ne porta pas.
Trop faible.

L’étranger s’était approché. Un peu. Pas beaucoup. Tant mieux. Le fantôme qu’était Nuage Silencieux ne voulait pas qu’on l’approche trop, il s’en sentirait enfermé, emprisonné, davantage qu’il ne l’était déjà. Il n’appréciait pas de se sentir étouffé par un espace restreint. L’apprenti étoile n’aimait pas ressentir les limites qui étaient imposées par cette gigantesque prison qui regroupait plusieurs chats de tous les clans, et des troupes, d’après ce qu’il avait entendu, et d’après ce qu’il sentait. Il avait un odorat, après tout. Comme tous les chats. Et cet odorat lui permettait de deviner que certains ici étaient différents. Enfin.. Il observait toujours, à tour de rôle, le chaton au loin et le papillon bien près de lui. Petit volatile libre aux couleurs magnifiques. Petit volatile libre qui pouvait s’en aller lorsque cela lui chantait. Au contraire du novice fragile. Qui était, lui, prisonnier de cet endroit depuis beaucoup trop longtemps à son goût. Mais, étant surveillé par des gardes, il lui était impossible de s’échapper. Sinon, il l’aurait fait depuis longtemps. Ou pas, au vu de la douleur qui lui vrillait le crâne malgré la faible luminosité de la grotte. Comment serait-ce en dehors ? Il se surprit à craindre même de sortir. Comme s’il ressentait un certain sentiment de sécurité. Très petit. Mais tout de même présent. Il ne pouvait pas leur faire confiance… on l’avait retrouvé. Pourquoi ? Il était certain d’avoir été prudent pourtant… Parce que l’apprenti était toujours prudent. Cela faisait parti de son caractère. C’était ainsi qu’il avait grandi. En découvrant ce dont les autres étaient capable.

Les étoiles ? Méchantes ? Où était-il allé chercher ça ? Les étoiles étaient ce qu’il y avait de plus bon. C’étaient elles qui les guidaient. Que feraient-ils, sans elles ? Le novice ne pouvait laisser le chaton penser que les étoiles allaient causer la fin du monde. C’était insensé. Mais il ne voulait pas non plus lui parler à présent, son pelage hérissé. L’autre n’avait pas le droit d’insulter les étoiles ! Pas le droit de l’insulter lui ! Il était une étoile. Et il était gentil. Enfin, il croyait bien l’être. Donc dire que celles-ci allaient détruire le monde, cela l’insultait au plus haut point. Et puis, les étoiles étaient gentilles, elles guidaient, elles aidaient, elles procuraient espoir, elles se situaient haut dans le ciel pour permettre aux chats de ne pas les perdre de vue. Alors le chaton ne devait pas parler d’elles ainsi. Ce serait faire honte à son espèce. Il ne le supportait tout simplement. Alors il se retourna, lui tourna le dos. Il ne lui parlerait pas. Le petit ne méritait pas de parler ainsi, et même penser cela d’elles. Il avait bien l’intention de lui faire comprendre. Et sa façon de lui faire comprendre, c’était le silence. D'où son nom. Sa queue fouettait légèrement le sol, son regard était devenu encore plus pâle sous la colère. Il ne parlerait plus.