«Laisse ton cœur avoir le dernier mot.» Feat.Marty

Le voile de l'épaisse nuit avait succombé . Sous la chaude lumière du soleil , toutes les terres : berges , forêts et hauts plateaux semblaient prendre un nouvel aspect , semblaient renaître après une période sombre . Ce renouveau s'accompagnait de l'éveil de nombreuses proies ; lapins , souris , musaraignes , rats , crapauds et d'autres . La saison des feuilles vertes était enfin arrivée . La journée s'annonçait excellente pour la chasse malgré la chaleur qui sévissait déjà . C'est avec joie que guerriers et apprentis s'extirpaient de leur nid . Les râles habituels des "heureux élus " des patrouilles étaient plus ténus qu'à l'accoutumée . Il fallait dire que cela faisait longtemps qu'une si belle journée s'annonçait . Les anciens même ne se plaignaient pas . La perspective de se prélasser sous les doux fils dorés du soleil après un long hiver semblaient faire taire leurs plaintes .

C'est pourtant mitigée , contrairement à la plupart des autres que Flèche de Mousse sortit de son nid , plongée dans ces pensées . La connaissant , ce comportement est plus qu'étonnant . Elle devrait être enthousiaste et se presser de s'affairer à ses tâches . Depuis quelques temps pourtant elle n'avait plus la même énergie , la même passion et la même concentration surtout . Elle n'en était pas moins loyale à son Clan et en ignorait la raison . Elle se sentait frivole et cela l'exaspérait . La guerrière avait toujours considéré avec mépris les guerrières qui ne se consacraient pas entièrement au travail , et voilà qu'elle commençait à se comporter comme l'une d'entre elles . Il ne manquait plus qu'elle se mette à batifoler et discuter du dernier mâle en vogue en gloussant . Un rictus parcourut ses lèvres à cette pensée . Jamais . Elle devait se recentrer sur son devoir .

Elle louvoya entre les litières de ses camarades . Un sourire se dessina immédiatement sur son visage lorsqu'elle aperçut son ami Cœur de Martinet . Flèche de Mousse se dirigea vers l'élégant matou bicolore , une idée en tête . Une idée qui devrait lui permettre de se reprendre en main . En théorie .


- Bonjour. le salua-elle d'un signe de tête . Que dirais-tu de m'accompagner en patrouille ?

Au fond d'elle , elle espérait sérieusement qu'il accepte . Elle ne voulait pas l'admettre , mais elle serait plus qu'un peu déçu que son ami ne vienne pas . Elle le dévisageait , pleine d'espoir et souriante , en attendant sa réponse.

Cœur de Martinet cligna des yeux et se leva. Le jour était enfin levé, il allait pouvoir apporter son aide au camp. Il s'étira, sortant ses griffes et agitant sa queue, puis s'ébroua. De l'herbe et du duvet d'oiseau tombèrent de son pelage soyeux et parfumé aux fleurs. Il allait sortir de son nid pour rejoindre son lieutenant afin de partir en patrouille ou chasser, quand Flèche de Mousse s'approcha de lui. Elle était toute souriante et ses yeux verts pâles brillaient.

- Bonjour. Le salua-elle d'un signe de tête . Que dirais-tu de m'accompagner en patrouille ?

Le matou étudia quelques instants son amie et sembla lire quelque chose de fragile et léger, comme de l'espoir dans ses douces prunelles. C'était étrange et cela troubla un peu le guerrier bicolore.

- Bonjour à toi aussi. Miaula t-il un peu gêné, mais il reprit rapidement son sérieux. En patrouille ? Oui pourquoi pas. Ont pourraient aller en direction de la frontière avec le clan de la rivière, le marquage n'a pas était fait depuis longtemps et on ne sait jamais, peut-être que ces faces de truites essayent encore de nous voler notre gibier.

Il dépassa sa camarade en lui ébouriffant les poils de la tête avec sa queue au passage et se dirigea vers la sortie.

- Prends de la mousse, on en imbibera pour les autres quand on sera à la rivière.

Cœur de Martinet gravit la pente qui entourait le camp en quelques bonds et contempla la vue. La neige avait complètement fondue, disparue comme par magie et des centaines de fleures multicolores. Des lapins broutaient paisiblement dans l'herbe tandis que leur petits gambadaient joyeusement, se poursuivant et jouissant de leur innocence. Des nuées d'oiseaux, surtout des hirondelles fourmillaient dans le ciel bleu du printemps. Le soleil réchauffa sa fourrure bicolore et un doux zéphyr vint caresser ses moustache. Quelle magnifique journée, pensa le matou, en inspirant profondément l'air frais et pur de son territoire. Il allait patrouiller avec son amie, renouveler le marquage, chasser pour les plus faibles et les plus fragiles du clan, manger un morceau et ensuite il se promit d'aller se poser sur un rocher plat pour regarder les nuages défiler dans le ciel au soleil couchant. Soudain les oreilles de Cœur de Martinet s'orientèrent vers un buisson d'où s'élevaient des pépiement. Sans attendre Flèche de Mousse, le chat gris et blanc descendit la pente, le ventre au ras du sol et s'approcha du buisson. Il écarta petites branches basse et découvrit entre les frêles racines du buisson, un petit groupe de cailles. Cinq au total, toutes jeunes et surprise par mon arrivée inattendue. L'instinct prit le dessus sur les sentiments et Cœur de Martinet bondit sur les cailles sans défenses. Le matou sortit du buisson à reculons et releva la tête, trois petites cailles pendaient entre ses crocs. Les deux autres avaient réussi à s'enfuir. Il rejoint Flèche de Mousse qui venait d'arriver au sommet de la pente et qui l'attendait la gueule elle aussi chargée, mais de mousse. Il déposa les trois petits oiseaux et lui sourit, des plumes et du sang tachaient son museau gris et sa truffe rose comme une petite baie.

- Hey ! Bah alors t'en a mis du temps pour me rejoindre ! T'es vraiment lente ! On dirait un loir !  

- Bonjour à toi aussi. Flèche de Mousse crut déceler un certain malaise dans ses paroles et était persuadée que son ami allait refuser sa proposition , à son grand regret . Cependant , cette gêne  disparut bien vite . Elle avait dû se faire des idées . En patrouille ? Oui pourquoi pas. Ont pourraient aller en direction de la frontière avec le clan de la rivière, le marquage n'a pas était fait depuis longtemps et on ne sait jamais, peut-être que ces faces de truites essayent encore de nous voler notre gibier.

La guerrière sourit . C'était l'occasion parfaite de raviver son énergie et de se soucier du Clan . Elle sourit et hocha la tête avec détermination afin de montrer à Cœur de Martinet qu'elle approuvait ses paroles . Celui-ci s'élança vers la sortie , froissant au passage la fourrure de Flèche de Mousse de sa queue . La femelle apprécia ceci plus qu'elle n'aurait voulu l'admettre et laissa échapper un ronronnement qu'elle réprima aussi vite .  


- Prends de la mousse, on en imbibera pour les autres quand on sera à la rivière.


Elle s'exécuta immédiatement , essayant de ne plus penser à la douceur de ce contact contre son front . Flèche de Mousse le  rattrapa en quelques foulées , espérant qu'il ne s'était aperçu de rien . Elle effectua le trajet en silence , elle qui était habituellement si bavarde . Elle mettait cela sur le compte de la concentration et de la mousse qui obstruait sa bouche mais elle avait en réalité peur de dire des choses inintéressantes aux yeux de son camarade . Ce qui était assez étrange étant donné qu'elle parlait généralement de tout et de rien à ses amis .

Elle jaugeait d'un œil heureux la nature qui se repeuplait quand elle s'aperçut qu'elle avait laissé Cœur de Martinet la distancer . Elle l'observa avec attention de loin alors qu'il se mettait en chasse de jeunes cailles dissimulées derrière un buisson . La guerrière ne rata pas ses muscles roulant sous son pelage bicolore  au cours de la traque ; depuis son approche silencieuse jusqu'à son  bond agile . Sa traque fut fructueuse étant donné qu'il revint vers elle avec trois spécimens dans la gueule . Son visage  orné de plumes et souillé de sang , qui faisait ressortir ses yeux d'une couleur si particulière . Flèche de Mousse n'y avait jamais particulièrement fait attention mais ils étaient d'un orange crépusculaire tout à fait remarquable . Il posa ses prises au sol et lui sourit - sourire qu'elle lui rendit - avant de déclarer :


- Hey ! Bah alors t'en a mis du temps pour me rejoindre ! T'es vraiment lente ! On dirait un loir !  

Elle fut atterrée de cette comparaison et elle resta quelques secondes muette et honteuse  , son sourire s'effaçant . Il y avait définitivement quelque chose d'anormal . En temps normal elle aurait ri de cette comparaison et aurait rétorqué de manière taquine . Reprenant ses esprit , elle se débrouilla afin de marmonner un faible :

- Désolée ... Ce fut à peine audible à travers la mousse . Elle baissa les yeux .

La guerrière ne put soutenir cette situation plus longtemps et pivota vivement sur elle-même , manquant de basculer . Elle n'arrivait plus à suivre le rythme , telle une reine pleine de plusieurs semaines . Et en plus il avait fallu qu'on le voie , pire , qu'il le voie . Elle s'éclipsa vers un cours d'eau proche au grand trot , mortifiée , et commença à imbiber la mousse afin de se donner une contenance . Quelle imbécile ! Pourquoi n'ai je pas simplement riposté ! ce n'était qu'une boutade amicale ... De quoi ai-je l'air maintenant ?

Cœur de Martinet était étonné par la réaction de son amie. Elle qui était toujours si joyeuse et taquine.

- Désolée ... Ce fut à peine audible à travers la mousse . Elle baissa les yeux .

Le matou vit le sourire de Flèche de Mousse s'effacer et après quelques secondes la femelle tigrée pivota vivement sur elle même avant de s'élancer au trot vers le cours d'eau le plus proche.

Qu'est-ce qu'il lui prend ? Je ne voulais pas la vexer. Pourquoi a t'elle réagit comme ça ?

Le matou bicolore chercha un endroit ou enfouir ses cailles, elles allaient le gêner pour la patrouille. C'est entre les racines d'un genévrier qu'il les cacha et alla rejoindre son amie à pas lents et hésitants. Il était confus et ne comprenait pas bien la situation.

Elle a changé. Elle n'était pas comme ça il y a quelques lunes. Peut-être qu'elle m'en veut.

C'est vrai qu'il n'avait pas était très présent pour son amie durant la dernière demi-lune. En effet avec la maladie de sa mère, la découverte que lui et Aile Orangée avaient fait sur leur liens de sang et son enquête perpétuelle sur l'identité de son père , le matou n'avait pas chômé et il n'avait pas eu de temps à consacrer à ses amis.

Je ne pense pas que c'est pour ça qu'elle a l'air si étrange en ma présence.

Lorsqu'il arriva près du ruisseau, la chatte brune était déjà entrain de récupérer de l'eau, et la mousse qu'elle tenait dans sa gueule semblait lourde. Cœur de Martinet hésita mais finit par miauler, d'une voix qu'il voulait chaleureuse, mais qui malheureusement sonnait un peu faux et qui cachait mal son embarras.

- Je peux t'aider à porter si tu veux. Tout en espérant que sa camarade n'allait pas lui rétorquer d'aller ce faire voir, le matou poursuivit son opération. Il s'avança vers la femelle et lui prit un peu de mousse. De l'eau coula le long de son poitrail et sur ses oreilles et entra en contacte avec sa peau, se qui le fit frémir.

- Brrr... C'est froid ma parole !

Il s'ébroua et se mit à rire quand il remarqua qu'il avait par mégarde légèrement éclabousser Flèche de Mousse.

- Haha ! Tu ressemble un peu à un hérisson maintenant ! Les poils de ton dos sont tout hérissés à cause de l'eau ! Viens on va courir un peu pour sécher !

Il lui donna un petit coup de patte dans le flanc et partit au petit trop. Jouer un peu n'allait pas leur faire du mal, et puis, cette ambiance de tension et de gène n'était pas ce qu'il souhaitait vivre durant cette patrouille.

- Allez Flèche de Mousse ! Essaye de m'attraper !

Flèche de Mousse réussit à se reprendre en se concentrant sur les mousses qui s'alourdissaient peu à peu.Sa tension remonta quelque peu lorsqu'elle reconnut le pas de Cœur de Martinet qui se rapprochait lentement mais  inexorablement . La guerrière se raidit imperceptiblement et se prépara à une remarque acerbe qui n'arriva pas . Au contraire , son ami lança d'un ton qui se voulait joyeux mais semblait faux :

- Je peux t'aider à porter si tu veux.

La gorge sèche , elle cherchait encore sa réponse lorsqu'il prit les devants.Il se saisit de la mousse , s'en renversant légèrement sur son corps . Flèche de Mousse retint une remarque et se contenta d'un sourire en coin lorsqu'il frémit .

- Brrr... C'est froid ma parole !

Cette fois-ci la guerrière laissa un rire s'échapper de ses lèvres . Sa réjouissance fut cependant de courte durée puisque quelque secondes plus tard elle put à son tour connaître les bénéfices de l'eau glacée . Cœur de Martinet venait de s'ébrouer , l'aspergeant au passage . Ce fut au tour du mâle de rire .

- Haha ! Tu ressemble un peu à un hérisson maintenant ! Les poils de ton dos sont tout hérissés à cause de l'eau ! Viens on va courir un peu pour sécher !

Elle accepta d'un signe de tête. Le froid commençait à s'insinuer en elle malgré le fragile soleil matinal et ce n'était décidément pas une mauvaise idée .  Cependant , pour une raison qu'elle ignorait , cela la mettait mal à l'aise qu'il la voie dans cet état . La femelle voulait qu'il la voie sous son meilleur visage et ce n'était visiblement pas le cas . Flèche de Mousse tenta cependant de cacher sa gêne par un sourire malicieux . L'ambiance presque enfantine qui accompagnait habituellement leurs patrouilles revenait peu à peu à son soulagement . Cœur de Martinet tapota son flanc puis trotta au loin avant qu'elle ne puisse riposter .Elle s'élança à sa poursuite en modérant son allure pour le surprendre par la suite .

- Allez Flèche de Mousse ! Essaye de m'attraper !

Elle allait faire plus qu'essayer . Elle allait y arriver , elle s'en était fait la promesse . La chatte accéléra d'un coup , prenant de l'impulsion et de la vitesse à chacune de ses foulées . Elle coordonna son souffle avec ses mouvements et imprima un rythme régulier . En tant que guerrière du Clan du Vent , courir était pour elle une seconde nature , un délice . Chacun des mouvements lui venait avec une aisance que seuls les chats des hauts-plateaux possédaient . Elle se laissa aller à la douce sensation du vent sur son pelage qui semblait la porter loin , loin de ses insignifiants soucis . Un grand sourire aux lèvres , elle répondit enfin avec aplomb :

- Tu va voir ce qu'il va te faire , le hérisson !

Flèche de Mousse décida de ne pas lui laisser le temps de s’appesantir sur le sens de sa phrase et la menace qu'il comportait et repoussa ses limites pour se mettre à son niveau , épaule contre épaule. La femelle arborait un sourire satisfait mais ne baissa pas sa garde , connaissant le mâle . Elle s'empressa de le faucher avant de le clouer au sol avec douceur en un bon habile ... avant de tomber sur lui . Elle resta figée quelques instants , perdue dans ses yeux ocre .

Cœur de Martinet filait plus vite que le vent. Il sentait chacun de ses muscles rouler sous son pelage. Il aimait cette sensation, il aimait l'herbe sous ses pattes, il aimait cette lande, comme il aimait son clan. Il entendit soudain Flèche de Mousse cavaler derrière lui. Finalement elle s'était prêtée au jeu. Il en était heureux.  

- Tu va voir ce qu'il va te faire , le hérisson !

Le matou bicolore laissa soudain échapper un cri et il s'écroula au sol, son amie venait de lui faucher les pattes arrières et voilà qu'elle le clouait au sol comme un vulgaire lapin. Le jeune mâle se trémoussa, jusqu'à parvenir à se mettre sur le dos. Il tomba alors nez à nez avec les magnifiques prunelles vertes de la jeune chatte. Cette dernière resta figée quelques instants à le dévisager, il fit de même, complétement hypnotisé.

- Tu es belle...

Cœur de Martinet se rendit soudain compte de ce qu'il venait de dire et s'ébroua afin de déloger Flèche de Mousse. Mais n'arriva pas à se dégager. Le matou se cacha le visage avec ses pattes avants, soudain prit de sueurs froides. Elle allait le prendre pour un fou, lui qui était connu dans son clan comme un guerrier sérieux et insensible aux charmes de ses camarades. Voilà qu'il commençait à perdre la tête. Depuis quand osait-il dire ce genre d'idioties ? Il n'avait pas le temps pour une compagne et une famille.

" Le clan passe avant le reste "

C'était sa maxime et sa raison de vivre. Il ne devait pas se détourner de sa voie. Devenir le plus grand guerrier et le meilleur chasseur du Clan du Vent.
Mais il n'empêche que Flèche de Mousse était vraiment une chatte charmante et exquise, pleine de joie et puis c'était sa meilleure amie. Peut-être même sa seule réelle amie dans tout le clan.
Il lui jeta un regard en coin à travers ses pattes.

Un petit cri de surprise strident assura la guerrière de la réussite de sa tentative. Un léger sourire fat s'étendit sur son visage mais elle n'eut néanmoins pas la présence d'esprit de ne pas relâcher ses efforts. En tant que prédatrice naturelle, elle savait garder son attention immarcescible.

Cela valait autant à la chasse qu'en amour. Elle ne s'était jamais laissée allée aux charmes blandices des mâles. Du moins, jusqu'à ce jour. Les moirures du soleil matinal sur le pelage de Cœur de Martinet alentissaient le cours des pensées de la femelle.  Flèche de Mousse ne pouvait s'empêcher de détailler d'un œil séduit le mâle qui frétillait désespérément sous elle, lui laissant une échappatoire. Il saisit cette opportunité et ne tarda pas à se retrouver sur le dos. Flèche de Mousse maintenait toujours son ami au sol, plongée dans ses prunelles crépusculaires lorsqu’il rompit l’épais silence :

- Tu es belle...

Cette phrase eut l’effet escompté. Il sembla à la guerrière que son cœur manqua quelques battements tandis qu’un large sourire, sincère cette fois, s’esquissait sur son visage, malgré son ébahissement. Il n'était pas du genre à s'épancher sur ses sentiments.

Malheureusement, ce court instant de joie fut obombré par la réaction du mâle. Une expression dont elle n’arrivait pas à cerner toutes les parcelles mais qui n’annonçait rien de bon. Il semblait presque horrifié. Comme frappé par la foudre, il se redressa brutalement et tenta de se défaire de l’étreinte de son amie, sans succès. Il sembla à Flèche de Mousse que le malaise ne pouvait s’épaissir plus quand il enfouit son visage entre ses pattes.

Elle hésitait entre s’enterrer et s’enfuir mais elle en resta simplement coite de douleur et de choc. Elle fut sortie de sa phase lorsqu’il lui adressa un regard timide au travers de ses membres. Elle osa lui répondre d’un faible rire et tenta de détendre l’atmosphère.

- Alors, tu deviens timide ? T’es pas mal non plus dans ton genre…

Elle se décala sur le côté, relâchant le matou.

- Je t’ai néanmoins connu plus…combatif . le taquina-elle gentiment, lui tournant autour d’une démarche guindée, avant de fouetter son visage  de sa queue en plumeau .

Elle s'arrêta soudain, les oreilles redressées . Un friselis nerveux lui indiquait la présence d'un gibier . Comment avait-elle pu passer à côté du fumet charrié par le vent ? Elle défaillait vraiment lorsqu'il se trouvait dans les parages en ce moment . D'ailleurs , après de tels affronts, il allait vouloir attraper la proie , zélé et fier qu'il était . Mais il s’agissait de SA prise . Elle lui lança un regard en coin lourd de sens et de défi .

Flèche de Mousse eu un faible rire. Coeur de Martinet ne s'attendait pas à ça, c'était plutôt un bon signe.

- Alors, tu deviens timide ? T’es pas mal non plus dans ton genre…

La femelle tigrée se décala et le relâcha. Le matou bicolore se releva penaud, cette situation l'embarrassait beaucoup, il avait dévoilé ses sentiments à son amie. Mais au fond de lui, le fait que Flèche de Mousse le trouve pas mal le rendait fou de joie.  

- Je t’ai néanmoins connu plus…combatif. Le taquina-elle gentiment, lui tournant autour d’une démarche guindée, avant de fouetter son visage de sa queue en plumeau. Coeur de Martinet rougit, retenant sa respiration à chaque fois que la jolie chatte lui chatouillait les narines. Il avait du mal à contenir toutes les émotions qui l'assiégeaient.

Quand soudain Flèche de Mousse s'immobilisa, les oreilles dressées. Coeur de Martinet fit de même et identifia aussitôt l'origine de ce qui avait éveillé l'intérêt de sa camarade. C'était une proie.
Au regard que la jeune chatte lui lança, Coeur de Martinet comprit qu'elle voulait l'attraper elle même et puis lui même avait déjà fait ses preuves avec ses cailles.

- D'accord Flèche de Mousse, tu peux y aller. Je ne suis pas d'humeur à chasser de toute façon... Marmotta t-il. Mais après nous devrons aller à la rivière pour marquer la frontière, nous avons assez perdu de temps...

Coeur de Martinet espérait que son l'insinuation qu'il venait de faire n'allait pas vexer la jeune chatte. Il prit les mousses spongieuses et alla s'installer sur un rocher plat non loin de là, pour mieux observer Flèche de Mousse et aussi pour faire un brin de toilette. Il avait bien envie de voir son amie chasser.

Flèche de Mousse s'attendait à ce que Cœur de Martinet veuille également prendre le rongeur en chasse mais il ne semblait pas avoir cette ambition , impression confirmée par ses paroles :

-D'accord Flèche de Mousse, tu peux y aller. marmonna-il de manière audible. Sans doute pour ne pas alerter le lapin mais son amie sentait qu'il y avait autre chose derrière . Et son instinct ne la trompait pas Je ne suis pas d'humeur à chasser de toute façon...

Qu'est-ce qui le tracassait donc ? La femelle voulait quémander plus d'informations mais l'heure n'était pas aux bavardages . Pendant que tu bavasses , le lapin se casse . Elle se promit néanmoins de lui demander de retour au Camp , ils avaient déjà perdu assez de temps comme ça . Semblant lire dans ses pensées , Cœur de Martinet termina par :

-Mais après nous devrons aller à la rivière pour marquer la frontière, nous avons assez perdu de temps...

Elle acquiesça et se remit en chasse , déstabilisé par le regard perçant de son ami .  Il s'était posé sur un rocher plat et vaquait , en profitant pour faire sa toilette à l'occasion . Sa confiance en elle s'évanouit . Et si il lui avait laissé le lapin car il avait pitié d'elle et ne voulait pas qu'elle rentre au camp bredouille ? La guerrière secoua la tête pour chasser ces mauvaises pensées . Ce n'était vraiment pas le moment de céder à la déprime . Elle devait rester forte pour le Camp et attraper ce lapin . Le petit animal était étonnamment gras , ce qui en plus de mieux les nourrir ralentirait sa course . Mais il avait l’œil vif , l'oreille dressée et semblait prêt à détaler au moindre bruit suspect . La chatte tigrée fit preuve de prudence et s'approcha de lui autant que possible avant de passer à l'attaque . Dans quelques queues de souris , elle pourrait lui bondir dessus aisément mais elle percevait l'agitation de sa proie qui fut parcourue soubresaut . Aussitôt elle s'élança , réduisant la distance qui les séparait d'une grande foulée qui ressemblait plus à un saut . La course s'engageait . Le félin , qui galopait aisément ,  était déjà assuré de sa victoire mais ne relâcha pas ses efforts . Seuls quelques centimètres séparait ses pattes avant de l'arrière du lapin . Flèche de Mousse pouvait l'achever d'un coup de griffes bien placé si elle le voulait .  Elle le coursa quelques instant par plaisir  avant de lui sauter dessus , toutes griffes sorties , quand elle remarqua son intention de prendre de la vitesse . Le lapin retomba sur le sol , inerte , et elle le pris dans sa gueule . Il n'avait pas perdu trop de sang . Tant mieux , cela éviterait a la guerrière de saliver et ferait une proie juteuse pour celui qui l'aurait .

Elle revint vers Cœur de Martin et , mue par une force incontrôlable , annonça sans réfléchir , après avoir laissé tomber sa proie au sol :

- Cœur de Martinet , la situation est étrange entre nous ...je sais qu'il y a quelque chose ... dis le moi .

Ça ressemblait à une accusation, sans doute car au fond elle éprouvait un peu de colère à l'égard de son ami pour ébranler ses convictions et ses émotions ; sans qu'elle n'y comprenne rien . Mais elle aussi avait des choses à lui dire , ça oui .

Entre deux coups de langue, le matou observait son amie, sa manière d'avancer dans l'herbe, ses muscles qui roulaient sous sa fourrure tigrée. La proie qu'elle traquait était un lapin très grassouillet pour la saison. Il la vit approcher le plus possible du lapin avant de bondir en avant. Mais le petit lagomorphe brun eut un soubresaut et essaya de prendre la fuite. Aussitôt Flèche de Mousse s'élança derrière lui. Une course s'engagea entre les deux animaux. Elle dura quelques dizaines de secondes car Flèche de Mousse semblait amusée de courir après le petit animal. Elle était vraiment très belle quand elle courrait et ses gestes étaient gracieux et précis.
Elle semblait si légère qu'on avait l'impression quelle dansait et que ses pattes ne touchaient même plus le sol herbu.
La chatte finit par rattraper sa proie et l'acheva.
Elle revint ensuite vers Cœur de Martinet et  annonça, après avoir laissé tomber sa proie au sol :

- Cœur de Martinet , la situation est étrange entre nous ...je sais qu'il y a quelque chose ... dis le moi .

Le matou bicolore sauta du rocher. Il avait eut le temps de se remettre en question et de réfléchir aux sentiments qu'il avait pour Flèche de Mousse. Il comprenait que son amie puisse se poser des questions au sujet de leur relation. C'est avec une boule au ventre qu'il s'approcha d'elle et qu'il dit en la regardant dans les yeux.

- Ecoute Flèche de Mousse, je sens bien que tu espères plus de moi, que tu souhaites sans doute que je m'ouvre à toi.

Le mâle baissa les yeux un court instant, reprenant son souffle.

- Malheureusement, je ne suis pas très fort à ce jeu là. Mais il faut que tu saches que je tiens beaucoup à toi...

Cœur de Martinet  refit une pause et contempla le minois de la jeune chatte tigrée. Etait-elle vraiment faite pour lui ? La méritait- il ?
Elle avait vraiment tout pour plaire, des yeux magnifiques, des moustaches fines et élégantes et puis tout le reste qui faisait son charme. Elle avait également une personnalité remarquable, elle était forte et combative mais aussi douce et chaleureuse. Cœur de Martinet poursuivit ses explications, il lui était difficile de se confier ainsi.

- Tu ne pourras sans doute pas comprendre les tourments dans lesquels  je vis, mais je sais que tu est celle qui apporte du bonheur dans mon existence. Tu es ma camarade, mon amie, mais depuis peu je pense que tu pourrais être plus que ça.

Il se rapprocha encore plus d'elle et posa sa tête sur son épaule, enfouissant son museau dans sa douce fourrure. Il lui murmura alors.

- Tu crois que je pourrais aller plus loin avec toi, malgré mes obligations envers  le clan ? Beaucoup avant nous on réussi à franchir le pas...

Cœur de Martinet se redressa, sa truffe toute proche de celle de Flèche de Mousse.

- Serais tu prêtes à me suivre dans la vie, alors que je doute de tout, que je suis perdu, que je crains en permanence que mes choix ne sont peut-être pas les bons ?

Le matou frotta son museau sur celui de son amie, il eut soudain très chaud, il n'avait jamais était aussi proche de la jeune chatte.

- Flèche de Mousse, m'aimes tu ? Où n'est-ce qu'une illusion ? Dis moi ce que tu as sur le cœur toi aussi.

|| Up ♪

Message :

Le cœur du jeune guerrier s'embrasa, il se mit à battre plus vite encore que celui d'une souris. Flèche de Mousse l'aimait !
Elle était prête à partager sa vie, il n'allait plus être seul .
Le ronronnement de Flèche de Mousse le fit vibrer, il ne put s'empêcher de faire de même, se blottissant à son tour contre elle.
Il lui caressa le dos de sa queue en plumeau et sentit la chaleur et l'amour de la jeune chatte se répandre en lui jusqu'à le submerger.
Ils restèrent ainsi quelques minutes qui semblèrent durer une éternité.
Puis Coeur de Martinet se décala et lui rappela leur mission.

" Tu viens ? Plus vite on en aura finit et plus vite nous pourrons profiter de notre temps libre à deux. "

Il enfouit de nouveau son museau dans la douce fourrure de sa compagne puis prit la mousse qui n'était plus aussi imbibée et indiqua à la chatte de faire de même avec son lapin, enfin il prit le chemin en direction de la frontière qu'il détestait tant.

Le soleil était presque au plus haut et brillait fort entre les rares nuages qui passaient devant lui.
Coeur de Martinet tourna la tête vers le lac, se dernier reflétait le ciel et étincelait, c'était magnifique mais pas autant que Flèche de Mousse.
Le jeune guerrier trouva amusant de penser cela, dire que ce matin encore seul sa loyauté au clan comptait.

Ils passèrent non loin du troupeau de moutons qui broutait souvent sur leur territoire.
Coeur de Martinet savait que ces grosses bêtes blanches, pataudes et duveteuses n'étaient pas dangereuses sauf si on les faisaient paniquer, car à ce moment là elles pouvaient vous piétiner en fuient .
Le matou avait déjà rapporté au camp quelques touffes de leurs étranges fourrures frisées et elles s'étaient avérées très confortables et chaudes.

Tandis qu'il passaient près de la Place des Bipèdes, puis de celle des Chevaux , Coeur de Martinet espéra que le bipède qui y vivait avait bien attaché son chien. Malgré son courage, les chiens restaient une menace et des animaux vraiment effrayant à ses yeux et à ceux de bon nombre de félins.
Heureusement, rien de vint perturber leur traversé et ils arrivèrent bientôt à la frontière. Ils descendirent la petite pente et furent accueillit par une rangée de roseaux et par les doux clapotis des vaguelettes qui venaient lécher la berge du lac. Plus loin, l'île des assemblées se dressait telle une montagne de pin et au delà, leur parvint le doux murmure de la rivière qui s'engouffre dans le lac.  

" Elle est bien calme aujourd'hui " observa à voix haute Coeur de Martinet " Les pêcheurs du clan de la rivière vont pouvoir en profiter ".

Il pencha la tête vers sa compagne, mi- rieur, mi- sérieux.

" Si ça se trouve ils nous observent en ce moment même et vont venir nous pêcher ! "

|| J'archive.