Petit Ange - Je suis bien meilleure que vous et vous le savez ! [Finie]

Je ne sais pas. Je ne sais même pas quelle est la définition de "couleur". C'est ... C'est la même couleur que le lait de maman. C'est ... c'est comme si il y avait beaucoup trop de soleil dans la pouponnière, ou comme si j'ouvrais les yeux brusquement dehors. Ma couleur est calme. Elle est semblable à celle de maman au toucher. Elle est douce, duveteuse. Moi je l'aime bien. Elle ne fait pas peur, elle n'est pas mystérieuse comme celle de maman. Celle de maman, elle est toute sombre. Elle est comme la nuit. Moi, ma couleur c'est le contraire. Enfin, l'opposé. Un peu comme celle de mon frère. Maman dit très souvent que je ressemble à mon père. J'aime bien quand elle dit ça. J'ai un mélange des yeux de mes parents. Certes, ils ont tous les deux des yeux bleus, des yeux comme le ciel, des yeux comme la glace, des yeux comme l'eau. Voilà, c'est ça mes yeux. Ce sont des mélanges du ciel et de l'eau. Je ne peux pas le voir, mais je sais que j'ai quelques rayures grises foncées, allant jusqu'au noir, qui parcourent mon échine, ma nuque et le haut de mon dos. Elles ne se voient pas beaucoup, mais je ne les aime pas trop. Avec elles, ma couleur n'est pas aussi pure qu'elle devrait être. Je crois qu'elles viennent de maman. Je pense que c'est elle qui me les a peignées ainsi. J'essaye de les enlever en me toilettant, mais elles ne partent pas. Elles font sales. J'ai les mêmes sur le bout de ma queue. Beurk. On dirait que j'ai trainé dans la poussière ou dans la boue. Non ! Moi je ne suis pas sale comme Petit Fauve ! Lui aussi a un peu ces rayures. Il en a même plus que moi, mais on s'en fiche de lui, pas vrai ? C'est de moi qu'on parle, oh !

J'ai rien. Enfin, pas grand chose. Je sais même pas ce que je vais devenir. À quoi, à qui je vais ressembler. Je vais être parfaite, pour sûr; je vais être la plus belle, la plus intelligente, et je le saurai. Je serais la plus forte, toujours la plus forte, partout. Je battrais mon frère, car je suis meilleure. Je ferai tout comme maman. Je deviendrai la plus grande cheffesse de tous les temps. Ahah, je suis bien plus intéressante que vous. Je serai courageuse ! Ahah !

Malheureusement, elle sera loin de ça. Elle sera vantarde, toujours à vouloir faire mieux que les autres, mieux que son frère, qu'elle appellera "petit frère" alors qu'il sera plus grand qu'elle; mais elle pensera toujours faire mieux. Elle sera sage, devant les guerriers, devant sa mère. Mais avec les chatons, les apprentis, ce sera une vraie petite peste. Elle fera des coups dans le dos, se servira des chats. Non pas pour faire le mal, juste pour être meilleure, enfin le mal des autres ne lui fera pas vraiment de la peine, elle n'en pas grand chose à faire. Elle jouera des chats, des mâles qui tomberont amoureux de son physique pour la majorité. Elle sera manipulatrice. Petit Ange sera arrogante, plus tard, elle voudra toujours avoir le dernier mot, mais pour l'instant, il s'agit de faire bonne impression devant les parents, devant les guerriers, devant le chef. Elle sera capricieuse, elle voudra tout avoir maintenant, elle aimera diriger. Elle causera beaucoup de problèmes à son lieutenant et son chef, elle essayera de les dominer, par ce regard et ces yeux très séducteurs. Excessive, elle parlera toujours de ses "exploits" magnifiquement. Car elle saura très bien manipuler les mots dans sa gueule. Jalouse ? Totalement. Elle ne supportera pas les autres femelles, sauf sa mère, enfin jusqu'à l'âge de l'adolescence. Malgré tous ça, elle a une peur du sang, des morts, de la décomposition des corps, des proies pas assez fraiches, elle sera maniaque, très propre, trouvera tous les chats un peu poussiéreux répugnants, dont son frère.

Quelle histoire ? Que vous voulez-vous que je vous raconte ! Normalement je ne devrais même pas pouvoir vous parler ! Mais ... Disons que je vois dans le futur. Disons, qu'il m'est possible de voir les quelques lunes à venir. Papa, Fauve Blanc, que je ne connaitrai jamais. Maman, Aile du Crépuscule, qui nous élèvera, moi et Petit Fauve. Je ne saurai pas ce que papa est devenu. Il s'est volatilisé. Maman dit qu'il est mort, malheureusement je ne sais pas encore ce que ça veut dire. Je crois que c'est quelque chose d'important, une maladie, car maman a l'air triste quand elle parle de papa. J'espère qu'il viendra me voir pour mon baptême d'apprenti au moins !

Je suis là, je suis sortie du ventre de ma mère. Il fait froid, je frissonne. Là-dedans c'était plus chaud, pourquoi ne m'y a-t-on pas laissé ? Le sol est glacé, l'air s'infiltre d'un coup dans mes poumons. Ça fait mal. Je sens l'air circuler maintenant. J'inspire, j'expire. Je n'ai pas encore ouvert les yeux, je ne les ouvrirais pas tout de suite, c'est bien trop éblouissant au-dehors, si je les ouvrais tout de suite j'en deviendrais aveugle. Alors je reste dans la pénombre, c'est mieux. Je sens que quelque chose me pousse. Il me pousse, et je ne peux que pousser des miaulements ridicules. Quelques choses vient me chatouiller le flanc droit. Ce sont des poils, une fourrure, et je reconnais l'odeur de ma mère. C'est le corps de ma mère. J'ai faim. Ça fait longtemps que je ne me suis pas nourrie. Il faut que j'avale quelque chose. L'odeur du lait maternel vient chatouiller mes narines. Je cherche, je tâtonne pour trouver le ventre de ma mère, et cette fameuse source de nourriture. Enfin, elle est là. Je bois, jusqu'à plus faim, le lait onctueux envahit ma gorge tel un flot inarrêtable. Je suis bine là, je ne veux plus bouger. Je délaisse la mamelle à laquelle je m'étais accrochée, je me roule en boule, contre le ventre chaud de maman. Je baille, je soupire, je dépose ma tête entre mes pattes et me laisse envahir par le sommeil.

Je suis née.