Oh là là, j'suis vraiment trop maladroite | PV Soie

L’astre solaire n’était pas encore levé lorsque la guérisseuse du Clan du Vent se redressa sur son lit de mousse, silencieusement. Elle s’étira en faisant bien attention à ne pas réveiller son ancien mentor, Cœur de Brume. Ces derniers temps, ils n’avaient que peu de temps pour discuter. Tout allait si vite, au camp. Les portées, la saison des feuilles nouvelles, les maux de ventre et... le départ d’Étoile de la Colombe. Cette dernière pensée la figea. Que se passait-il donc au sein de leur Clan ? Qu’était-il arrivé à leur chef ? Cela la tourmentait. Énormément. Et l’ascension récente de Jaspe Sanguin ne faisait pas taire ses inquiétudes. Tout ça allait trop vite et on ne lui disait rien, à elle. Même le Clan des Étoiles demeurait silencieux face à tout ça...

La petite chatte au pelage blanc secoua doucement de la tête, chassant ses pensées. Si quelque chose était à venir, elle savait que le Clan des Étoiles finirait par communiquer avec eux. Elle devait se montrer patiente jusqu’à la prochaine réunion des guérisseurs, à la demi-lune. Là, peut-être, elle comprendrait un peu plus...

Après avoir fait une toilette sommaire, Ange de Soie se redressa et sortit de la grotte qu’elle partageait avec Cœur de Brume. Une fois au sein du camp, elle s’étira de nouveau, profitant de l’air frais avec un sourire satisfait. Elle adorait sentir le vent matinal s’engouffrer dans sa fourrure, elle ne pouvait s’en empêcher. La féline inspira, le nez pointé vers les terres du Clan des Étoiles. Un orage se préparait en fin d’après-midi, elle en était certaine.

En redescendant sur terre, elle entrevit le tas de gibiers peu fourni. La chasse était habituellement bonne, mais. Dernièrement, une série de tempêtes avaient effrayé le gibier. Cela expliquait donc ce qu’elle voyait. Cela dit... en voyant ce vide, cela lui rappela à quel point la chasse lui manquait. En tant que guérisseuse, elle avait bien d’autres choses à faire que chasser et le Clan avait pris l’habitude de leur apporter des proies –toujours de magnifiques proies. Oh, elle en était heureuse, bien évidemment,  et remerciait toujours chaleureusement ces bienfaiteurs! Mais...

Elle scruta de nouveau le tas de gibier. Aujourd’hui, elle n’avait rien de spécial à faire. Quelques herbes à ramasser ici et là si elle le désirait, une visite de courtoisie à la pouponnière, mais du reste, elle était libre comme le vent. Elle avait donc le temps de prendre un moment pour elle.

C’est en trottinant avec légèreté qu’elle quitta le Clan. Elle s’arrêta toutefois à l’entrée du camp, se rappelant la dernière fois qu’elle était sortie seule sur les terres du Clan du Vent. La dernière fois, elle avait été blessée et kidnappée. Un long frisson lui traversa l’échine alors qu’elle reculait d’un pas, faisant volte-face. Elle n’irait pas seule. Une autre fois, peut-être.

Un guerrier passa dans son champ de vision et elle le rejoignit.

« Soleil d’Hiver ! », l’interpella-t-elle, tout bas, veillant à ne pas attirer l’attention des autres guerriers. « Es-tu libre, ce matin? J’aimerais aller chasser, mais je... Enfin...J’aimerais ne pas y aller seule, tu vois, je... »

Devant son malaise évident, le guerrier tigré eut pitié d’elle et lui donne un coup de langue entre les deux oreilles.

« Bien sûr que je vais t’accompagner. »

Devant son sourire compréhensif, elle se détendit et sourit à son tour, soulagée.

[...]

Lorsqu’elle revint au camp, la matinée était déjà bien entamée. Elle quitta le guerrier après l’avoir remercié une bonne dizaine de fois et être allée porter ses deux proies, deux mulots bien dodus, sur le tas de gibier. Par la suite, elle se dirigea, toute contente de sa chasse, vers sa grotte. Elle vit du coin de l’œil Cœur de Brume entrer dans la pouponnière et se dit qu’elle lui apporterait une proie, un peu plus tard.

Dès qu’elle s’approcha de la grotte, elle sentit une odeur de chat. Par réflexe, elle s’arrêta pour identifier l’odeur. En reconnaissant l’odeur de son Clan, elle se détendit automatiquement et son sourire revint.

Puis, elle capta un fragment de phrase :

«...dû rester dans l'entrée, je le savais!»

Surprise, la guérisseuse entra de son pas léger et s’arrêta devant le spectacle qui s’offrait devant ses yeux jaunes. En face d’elle, un tas d’herbes et de plantes s’étaient mélangées en un petit tas étalé sur le sol. Et en face de ce tas, se tenait une belle chatte rousse tigrée au regard déboussolé. Papillonnant des yeux d’étonnement, la guérisseuse contempla le carnage. Cependant, fidèle à elle-même, un sourire amusé se peignit sur ses babines. C’était la deuxième fois que ça arrivait, mais Ange de Soie ne lui en voulait pas; ce ne devait être qu’un accident.

«Eh bien, si je ne te connaissais pas, je pourrais croire que tu en as contre ces malheureuses petites plantes! », miaula-t-elle d’une voix douce, mais rieuse.

Elle s’approcha pour aider la pauvre guerrière, frôlant son long pelage du sien, plus court.

« Ne t’inquiète pas pour ça, je peux m’en charger, ce sont des choses qui arrivent. », elle prit quelques feuilles de cerfeuil et les replaça aux côtés des graines de pavot.