Enjoy the silence. [ft. Rayn]

Le camp grouillait de mouvements, de sons, qui se faufilaient jusqu’à moi. Mais moi, je ne bougeais point. J’étais dans cette bulle depuis ce matin ; je regardais les guerriers aller et venir, mais sans dire un seul mot. Je sentais une ombre planer au-dessus de moi. Cette même ombre avait toujours été là, proche de moi, guettant tous mes mouvements, puis elle avait légèrement disparu, pour finalement réapparaître hier, alors qu’on m’avait chargé de l’entraînement de Nuage Espiègle, son mentor ne pouvant plus. L’ombre avait été intéressée par le fils du lieutenant. Il devait avoir ce quelque chose que l’ombre recherchait, et qu’elle n’avait pas trouvé en moi. Personnellement, je ne connaissais pas vraiment le lieutenant, et encore moins son fils, je ne pouvais donc pas juger, seulement observer. J’étais calme, mais ce même calme ne régnait pas dans mon âme, venant bouleverser mon coeur et ses repères. Assis, les yeux fermés, je faisais tout de même mine de ne pas sentir la présence m’harcelant depuis tout petit, depuis que je n’étais qu’une petite tempête, encore innocente à l’époque. Hélas, faire semblant n’arrangeait rien. Faire semblant ne guérissait pas les blessures, faire semblant n’envoyait par les remords au loin, là où les étoiles ne brillent pas. Faire semblant ne permettait que d’éviter les problèmes un moment, le temps d’un instant, avant qu’ils ne reviennent au pas de course, une fois la nuit arrivée. Faire semblant n’était que superficiel, faux, tout comme sa voix à mes oreilles, lorsqu’il me promettait paix en échange de désirs exaucés.

Je me levai, parce que l’ombre me disait de le faire. Elle me chuchotta au passage d’aller entraîner mon premier et nouvel apprenti, car il en avait bien de besoin. Je n’aimais pas obéir ainsi à sa personne, mais je jetai un regard vers Agonie Céleste, et réalisai que j’en étais malheureusement obligé. C’est ce qu’il me disait et qu’il ne cessait de me répéter, les yeux plus menaçants que jamais. Sa voix, tellement rauque qu’on pouvait y entendre le tonnerre, faisait bien sentir qu’on ne pouvait pas négocier avec lui. Je n’étais pas en position de négocier non plus, je n’avais rien pour le surpasser, je n’étais qu’un petit jouet, une petite pièce dans son jeu, un morceau qu’il pouvait facilement remplacer, au final. Je me dirigeai vers mon apprenti en silence, pour lui désigner l’extérieur du camp. Il savait ce qu’il avait à faire, il n’était pas si jeune. Il avait quand même un semblant d’expérience derrièrr lui, et ça me soulageait de ne pas avoir à faire à un apprenti surexcité. La seule chatte surexcitée que j’avais su tolérer, c’était Nuage de l’Émeraude… Qui était partie, à présent, et je croyais bien connaître le coupable. Un jour, je le ferai payer. Un jour, je lui ferai payer, d’avoir enlevé l’amour de ma vie. Un jour, je me l’étais promis. Je deviendrai plus fort, et je le surpasserai, quitte à tuer, quitte à mourir. Je savais bien que faire cela ne me ramènerait pas Nuage de l’Émeraude, mais rien ne le ferait, alors à quoi bon ?

La route se fit sans un bruit, un son, et j’appréciais cela ainsi. J’aurais pu être muet, ça ne m’aurait pas dérangé, et j’aurais donné ce don de parler à quelqu’un qui l’utiliserait comme il se devait. Bref. Trêve de bavarde, si on pouvait appeler ça comme ça. Nous étions arrivé à destination. La rivière. Je voulais évaluer ses capacités à pêcher, c’était une activité qui devait absolument se faire sans parler, pour ne pas effrayer les poissons. Je regardai mon apprenti mon apprenti dans les yeux, mais je détournai bien vite le regard vers le sol. Il ne semblait pas être tant déçu de mon mutisme quasi général. Tant mieux, parce qur je me ferais pas d’exception. J’avais besoin de cette bulle pour bien fonctionner, c’était essentiel. Je me mis face à la rivière, lui montrant la position idéale pour pêcher, question qu’il se remémore, et je me retirai vers l’arrière, lui laissant la place, signe que j’attendais de voir ce dont il était capable. L’ombre avait l’air à être frustré de mon choix d’entraînement. Ça ne m’étonnait guère, mais je ne souhaitais pas faire l’entraînement de combat pour l’instant.