Tu n'étais pas voulu. ¤ Tjenji.

La journée était d'une rareté dans la saison du froid. Le temps s'était à peine réchauffé de quelques degrés, mais c'était bien suffisant pour la troupe pour s'improviser un moment de congé, malgré les supplications des différents dirigeants. C'était leur journée, et comme un syndicat enragé, on les ignorait bien, ces chefs. Tjenji traversa le camp endormi, frissonnant à moitié; il ne s'habituait jamais aux températures basses, à son grand dam. Quand la neige est arrivée, elle l'avait en même temps frappé violemment dans le museau : il se traînait maintenant avec le nez coulant de maladie, dégoutant ses congénères. Il était habitué, ce n'était pas aussi grave désormais, même si il aurait aimé mourir de la grippe bien plus tôt.

Il sortit de cet endroit de procrastination et examina ses options. Il n'avait pas grand chose à faire, car il n'avait pas eu de claires indications de la part des supérieurs à part de tout simplement se lever (demande pleine de désespoir, soit-disant parlant). Tjenji avait faim, donc il alla chasser. Aussi simple que ça. Il ne savait pas où, donc il laissa son instinct d'enfant le guider, et il le guida vers les frênes siamois; un endroit pleins de romantisme où il aimait marcher au petit matin, quand aucun couple n'aurait idée d'accomplir des actes sales. Mais c'était aussi un endroit plein de gibier, d'animaux des bois, qu'il était un des seuls à apprécier le goût musqué et fort. Cela n'embêterait personne si il mangeait une des proies qu'il aurait tuée.

Notre félin s'arrêta. Il avait ressenti l'odeur d'un autre chat; le manque de vent ne pouvait cacher les effluves de ses compagnons, à son grand désarroi. Il reconnaissait bien la signature du chat, et essaya de l'ignore avec un grand mal, même si il ne pouvait pas se débarrasser de la boule à la gorge que lui avait provoqué l'individu. Il fit quelques pas de plus, avant d'humer encore l'air pour s'assurer que c'était bien qui il pensait être.

- Comme ça fait longtemps ! Tu m'as pas manqué !

Il sursauta un grand coup. Son frère, enfin son demi-frère, venait de retomber juste devant lui comme une fleur. Lui, qui ne lui avait presque pas adressé la parole depuis plusieurs semaines, venait délibérément lui parler. Son grand corps semblait vouloir intimider,et Tjenji avait peur. Il ne savait pas pourquoi mais il avait peur, envie de détaler. Mais il se força à répondre, malgré sa petite mine effrayée reculant déjà :

- Haha, salut Koras ...

Ses pensées se mélangeaient. Il se sentait idiot d'avoir une telle réaction. Au fond de lui, il savait qu'il n'allait juste l'importuner, se moquer de lui. Il était un peu déçu. Il espérait qu'un jour tout s'arrangerait. Qu'il serait aimable avec lui. Mais il savait au fond de lui que ça n'arriverait pas.

- Q-Qu'est-ce que tu fais ici, bredouilla-t-il misérablement.