Allons s'entraîner comme les autres, puisqu'on est comme les autres ♛ Rive Désertique

Tu es enfin apprenti. Tu es finalement content de quitter le cocon familial qu’est la pouponnière. Oh, tu aimes ta fratrie, ta mère, ta mère de lait, tu les aimes tous, ce n’est pas le problème. C’en devient juste étouffant, à force. Chaton, tu n’étais pas autonome, encore moins indépendant, toujours sous la surveillance des adultes. Personne ne fait confiance à un chaton. Encore moins quand il est assez grand pour décider par lui-même. Ils te feraient encore moins confiance s’ils savaient qui tu es vraiment. S’ils savaient tes origines, tout du moins. Mais pour le moment, il valait mieux que personne ne le sache. Il valait mieux mentir, jouer le rôle d’un autre, il en relevait de ta sécurité et celle des autres, apparemment. Il faut croire que les adultes savent toujours mieux ce qui est bon que les plus petits. Plus jeunes. Ça ne veut pas dire moins intelligent. Mais, soit. Il te faut attendre. Courber le dos, acquiescer lorsqu’on te dit que tu es le fils de deux chefs, docilement. Oui, être docile. Mais surtout, il faut que tu sois patient. Attends. Aie le courage d’attendre. La force. Les autres ne comprennent pas. Soit. Tu tiendras. Parce que tu es fort. Tu te le dois, si tu ne le dois pas aux autres, tu le dois à toi-même. Même si ton existence en vexe plus d’un, tu dois continuer. Tant pis pour eux. Tant pis pour tous ceux qui ne peuvent pas supporter la vérité, parce que soit disant elle ne doit pas exister. Ils ne savent pas ce qu’ils loupent. C’est eux les perdants, et en aucun cas cela doit être toi.

Bon, le refrain habituel, les règles sont nulles, tout ça, rien de nouveau en fait ? Si, tu es apprenti maintenant. Tu auras un peu plus de responsabilité et d’autonomie, ça ne peut que t’être bénéfique. Commençons dans ce registre. Ton mentor est Rive Désertique. Tu ne connais pas très bien ce dernier, mais il te semble être un bon guerrier. Bon dans le sens… Comment dire ? Gentil, c’est enfantin comme terme. Soit, disons que oui, il semble gentil. Tout du moins, il t'inspire confiance, ce qui s’annonce être un bon début.

Tu t’es levé tôt, aujourd’hui. Parce que c'est le premier jour ? Sans doute. Ce qui est sûr, c’est que tu t’es levé beaucoup trop tôt, à tel point qu’il n’y a quasiment personne d’éveillé dans le camp, mais soit. Le camp, silencieux tel qu’il est actuellement, est agréable. Au moins, tu seras bien réveillé pour ton premier jour. Tous les autres apprentis dorment encore. Que faire en attendant ? Rien de plus simple : attendre. Observer en attendant. Le soleil commence à se lever. Ça vaut la peine de se lever plus tôt pour y assister. Et si le soleil se lève, cela veut dire que les autres aussi, vont se lever.

Bon, faudra que tu apprennes à te lever à la bonne heure pour plus tard. Même si se lever tôt n’était pas plus mal en soi. Ça te permettait d’éviter toute la foule de l’aurore, de rester encore un petit moment dans ta bulle et de faire le point sur ta vie. Bon, il n’y avait pas encore grand chose dans ta vie, faire le point était facile, c’était vite fait. Faire le point de la journée, plutôt. C’était important, histoire de ne pas se jeter dans le vide. Et aujourd’hui, eh bien c’était un peu flou. Tout ce que tu savais, c’était que c’était ton premier jour d’entraînement avec ton mentor fraîchement nommé, Rive Désertique. Tu ne connaissais pas trop le programme de la journée, il avait sûrement déjà tout prévu. Déjà, vous apprendriez à mieux vous connaître. Ça n’allait certainement pas se faire en un jour, c’était un travail sur le long terme, mais déjà s’appréhender mutuellement, c’était pas mal. Tu misais beaucoup sur la première impression, beaucoup de guerriers jugeaient les autres sur la première impression que donnait l’autre. Tu ne pensais pas être si différent. Et pour le moment, tu devais bien dire que ton mentor t’avait fait bonne impression. Autant espérer que tu avais vu juste et que ça continuerait ainsi. Bah, pourquoi ça ne continuerait pas ainsi ? Pourquoi ça devrait déjà tourner mal ?

Tu regardais le soleil se lever tranquillement, projetant ses rayons sur la cime des arbres au loin et teintant le ciel de traînées roses. Le ciel s’éclaircissait petit à petit, instant après instant. C’était comme ça chaque matin depuis toujours. Depuis que t’étais né en tout cas, même depuis le début des Clans, d’aussi loin que les chats pouvaient se souvenir. Tu attendais, patient comme toujours. S’impatienter ne servait à rien, n’est-ce pas ? Sinon, il aurait fallu te lever à la dernière minute. Là, tu faisais le vide. C’était important.

« Bonjour Nuage Spatial, j’espère que tu as bien dormi ? Tu angoisses pour ce premier jour ? On va réviser un peu les techniques de chasse, tout en observant un peu le territoire, si ça te va. Ahem. On y va ? »

Ça renforçait ta première impression, tu aimais bien le guerrier. Stressé ? Non, tu n’angoissais certainement pas. Pourquoi, le devrais-tu ? Cette pensée sèma le doute dans ta tête. C’était pas prévu ça. Qu’y avait-il de flippant à explorer le territoire et voir des mouvements de chasse ? Bah, tu te prenais trop la tête, comme toujours. Le guerrier commença à partir, direction la forêt. Tu lui emboîtas le pas, décidé à ne pas te laisser distancer dès les premiers instants. Toi aussi, tu devais faire bonne impression. Tu le rattrapas pour se mettre à sa hauteur, histoire de pouvoir parler. Enfin, l’écouter. Tu essayas de caler ton pas sur le sien, mais c’était un peu compliqué. Il te fallait faire plusieurs petites foulées pour avoir l’équivalent de l’une des siennes. C’était pratique d’être grand.

« Non, pas trop angoissé, ça va ! » Tu étais attentif à tes pas, prenant garde à ne pas marcher n’importe où, si bien que tu regardais le sol. Ce fut un soulagement de passer des pierres du ravin bordant le camp à la mousse épaisse et agréable de la forêt. C’était comme celle dans les tanières, même si celle-ci était un peu humide. « On commence par quoi ? »