Who cares if one more light goes out ?

FT Inari

La chantant le Matin, après avoir veillé à ce que chaque membre de sa Troupe soit à l’abri de la pluie et bien installé, était partie à la recherche de la novice. Son coeur battait plus vite et ses pattes devenaient moites rien qu’à l’idée qu’elle allait la revoir. Enfin. Après tout ce temps, elle allait enfin pouvoir recroiser son magnifique visage et plonger ses magnifiques yeux dans les siens. Elle lui avait manqué, oh, tellement manquée. Son absence était horrible à vivre pour la jeune chatte. Elle avait l’impression qu’il lui manquait une partie d’elle même, elle avait l’impression qu’on lui avait coupé son oxygène et qu’elle devait se débattre pour survivre.

Oui, c’était cela. Elle avait l’impression de ne plus avoir vraiment vécu depuis qu’elle avait croisé ce regard, son regard. Sauf certains instants hors du temps où elle pouvait reprendre sa respiration, elle avait l’impression de mourir petit à petit. Elle avait besoin de la revoir, de pouvoir entendre sa voix qui l’avait sauvée de la crise de panique, de pouvoir encore une fois sentir son odeur. Elle sentait bon. Pas que les plantes médicinales, non, elle avait quelque chose de spécial, qui faisait qu’on se sentait apaisé à ses côtés. La avait besoin d’être apaisée. Elle avait plus que jamais besoin d’être rassurée. Et même si Trïco le faisait très bien, là, tout ce qu’elle voulait, c’était Naimya. Tout ce qu’elle souhaitait, c’était d’être à ses côtés. Tout ce dont elle rêvait, c’était de passer du temps avec elle, de s’endormir à ses côtés et de se réveiller aussi longtemps qu’elle le pourrait.

Elle n’avait pas ressenti ça envers Ndranghet. Si le mâle lui avait fait de l’effet, la femelle, elle, l’envoûtait. Elle était entièrement sous son emprise, dépendante de sa présence et ne sachant plus comment vivre avec son absence. Cela ne devait faire que quelques lunes qu’elle ne l’avait pas vue, mais aux yeux de la Guérisseuse, des années s’étaient écroulées. C’était dur, de tenir sans voir la personne que l’on aime. Dur de ne pas sentir sa présence, dur de ne pas pouvoir enfouir sa tête dans son pelage, dur de ne pas pouvoir boire ses paroles. C’était dur d’aimer à distance.

Elle commençait à chercher dans l’endroit le plus probable; celui où elle devait le plus se trouver. Elle entrait timidement dans l’antre des guérisseurs, l’endroit où elle allait passer, se doutait-elle, les prochaines lunes. Mais à part une femelle qui avait l’air gravement brûlée et quelques malades, sûrement les derniers de l’épidémie qui avait décimé leurs peuples, elle ne croisa aucune trace de la jolie femelle. A vrai dire, l’endroit ne portait même pas son odeur. La fronçait les sourcils, inquiète. Ce ne pouvait pas être possible. Naimya devait bien passer souvent ici, si elle était novice. Alors pourquoi elle n’arrivait pas à la sentir ? Elle sortit de la tanière, inquiète. Elle laissa glisser son regard sur les membres de l'inondée, sans pourtant réussir à la croiser. Peut-être qu’elle était partie chercher des plantes. Oui, cela devait être ça. Tout allait bien. Tout allait bien, elle était juste partie et elle n’allait pas tarder à revenir. Alors elle s’assied quelque part et attendit, patiemment, le retour de la femelle. Les yeux fixés sur l’entrée, le temps passait. Les minutes se succédèrent, jusqu’à s’allonger en heures. Et lorsque le coucher du soleil fit son apparition, La se décida à aller demander à quelqu’un où était la novice. Elle ne pouvait attendre plus longtemps.

Elle s’approchait lentement d’une femelle qui était assise dans la clairière principale, et hochait respectueusement la tête en signe de salut. Elle avait l’air plutôt âgée, et son corps émanait une aura de sagesse que La ne pouvait pas éviter. Elle s’assied en face d’elle, doucement, et prit la parole d’une voix éraillée par la fatigue, mais qui n’avait pas perdu de son charme.

“Je suis désolée de vous déranger, je ne serai pas longue. Je m’appelle La chantant le Matin, et je recherche votre novice Guérisseuse, Naimya. Pourriez-vous me dire où elle est ? Je vous en serai reconnaissante.”

Elle prit une voix respectueuse et partit droit au but. Elle voulait savoir; elle voulait savoir plus que tout. Et la première étape pour avoir des réponses le plus rapidement possible était de s’adresser respectueusement avec la personne qui était susceptible de lui en donner. La avait beau être épuisée et plus que stressée, elle n’allait pas mettre de côté ses principes les plus fondamentaux pour autant.

La chantant le Matin, tout en regardant la femelle dans les yeux, ne savait pas encore qu’elle vivait ses derniers instants d’innocence. Elle ne savait pas encore que le mot fatidique allait résonner comme le glas dans son corps glacé par le froid, ce corps où l’attente fourmillait. Elle était si impatiente de retrouver la femelle qu’elle aimait, si impatiente de se serrer contre elle, si convaincue qu’elle allait bien et qu’elle allait bientôt la retrouver, qu’elle n’avait même pas réfléchi aux autres possibilités. Non. Non. La maladie, après lui avoir enlevé tant de gens qu’elle aimait, après lui avoir forcé à renoncer à tout ce qu’elle connaissait auparavant, après qu’elle ait dû faire tant de sacrifices de toute sorte, sur elle et sur les autres, après qu’elle l’ait dépourvue d’humanité, ne pouvait tout simplement pas lui enlever la femelle qui possédait son coeur. Non. C’était impossible. Elle ne pouvait pas encore la mettre à terre, parce que cette fois-ci, La ne se relèverait pas.

Cette fois-ci, La chantant le Matin se laisserait mourir.