what a new world ⸗ Grizzly

Rain était en marche depuis plusieurs mois désormais. Elle errait plus qu'elle ne voyageait, ne sachant trop quoi faire ni où poser ses bagages. Elle marchait tous les jours. Elle arrivait maintenant dans un lieu totalement inconnu, comme beaucoup d'autres lieux. Elle huma l'air, regardant les pâles rayons du soleil percer à travers les arbres. Les seuls oiseaux qui restaient en cette saison, étaient quelques corbeaux qui croassaient. Il lui sembla remarquer la présence d'une frontière. Cela lui rappela ce qu'il était advenu de sa famille quelques mois plus tôt. La tribu avait pour habitude de marquer leurs frontières, même si elle était pacifiste. L'odeur lui rappelait étrangement celle de la tribu de la terre, ce qui la retenait ici, humant les feuilles, les arbres marqués. C'était troublant, qu'un groupe de chats puissent avoir la même odeur que sa tribu perdue. Elle s'immobilisa, observant les arbres, se remémorant de doux souvenirs de ses mères et de son père, et... De lui. Elle ne l'oublierait jamais. Il lui était impossible de savoir s'il avait périt dans les montagnes, mais l'attente était insoutenable. Elle avait préféré fuir, parcourant le monde presque dans l'espoir vain de le retrouver. Elle s'en doutait, si elle voulait le revoir un jour, elle n'avait qu'à pas partir, et continuer d'attendre, regardant l'éboulement devant la grotte. Non c'était insoutenable. Elle s'ébroua, tentant de revenir à la réalité. Elle devait laisser ce passé derrière elle le plus vite possible, pour toujours. Ou s'en serai fini d'elle. Elle remarqua alors une présence. Elle passa à travers un arbuste et se trouva nez à nez avec un mâle, si proche qu'elle n'était qu'à un souffle de son visage...

- Salut ! Je m'appelle Pluie ruisselant sur les Rochers, et toi ? Je viens de très loin, ça fait des mois que je voyage, on est où ici ? Ton odeur, elle me fait penser à celle de quelqu'un que je connais. C'est sympa ici, tu fais quoi ? Y a d'autres chats qui vivent avec toi ? Quelque chose me dit qu'il y a du monde pas loin. Oh je suis peut-être chez toi ? T'inquiète pas je chasse pas chez les gens ! Je visite un peu, je fais des rencontres !, s'exclama-t-elle tout sourire. Elle avait un accent, elle n'était pas d'ici c'était certain.

Une petite pluie fine tombait depuis le début de la matinée quand il avait envoyé les premières patrouilles. L’aube s’était levée derrière un amas gris de nuages, posant une atmosphère froide et morose dans le camp de l’Ombre. Coeur de Grizzli humait l’air en guettant la possible arrivée d’un soleil flamboyant, dardant ses rayons à travers le brouillard et les cumulus, mais il savait que ses espoirs avaient des airs d’utopie. Affairé à s’occuper des siens, veillant à ce que tout le monde ait quelque chose dans le ventre pour ce soir, il passait du tas de gibier aux reines, anciens et chatons, constatant sans mal que la saison des feuilles mortes était belle et bien arrivée et que désormais, la saison des neiges menaçait son territoire de se geler.
Comprenant que ce soir peut-être, des félins s’endormiraient le ventre vide, le lieutenant détala dans la forêt de pins à la recherche de quelque chose à déposer sur le maigre tas de gibier. Il humait l’air distraitement, gardant un œil sur l’ombre qu’il venait d’apercevoir au loin. À la fois curieux et sur ses gardes, le matou roux tenta de se cacher derrière le tronc d’un jeune pousse qui le camouflait guère.

La petite chatte sous ses yeux avait des airs de vagabonde, avec une odeur étrangère comme si elle venait de loin. Les voyageurs étaient des félins très peu nombreux dans ce monde et il n’en avait, pour ainsi dire, jamais rencontré. Elle l’intriguait, avec sa douce démarche et ses airs mi-aventurière, mi-émerveillée. Il sursauta soudainement lorsqu’elle vint se coller à quelques centimètres de son museau. Subitement, il recula et sortit les griffes sans pour autant prendre un air menaçant. Elle avait un accent différent d’ici, confirmant ses suspicions mais un côté enjoué capable de berner le jeune matou. Il la détailla du regard et remarqua ses côtes saillantes, ses flancs amaigris et une démarche incertaine.

« Bienvenue par ici, Pluie ruisselant sur les Rochers. C’est un peu long comme nom. Je peux t’appeler Pluie ? Moi je m’appelle Coeur de Grizzli, je suis le lieutenant du Clan de l’Ombre et en effet, tu es ici sur notre territoire. Tu m’as l’air vachement affamée, tu sais chasser et te battre ? Tu sais, j’ai l’impression que tu ne survivras pas longtemps si tu restes toute seule … » lui dit-il en évitant de l’offusquer. Il avait peur que ses mots ne la pique en plein cœur.

La jeune femelle observa ce nouveau venu. Grand et musclé, au pelage nuancé, yeux dorés. Elle était tombée nez à nez avec lui, ce n'était pas de sa faute s'il était si proche du buisson à travers lequel elle avait tendu le cou. Elle le vit faire un mouvement de recule et même sortir les griffes, seulement son visage ne paraissait pas agressif, et sa voie lui parut même plutôt chaleureuse. Il s'intéressa à elle, sembla même s'inquiéter pour elle en lui faisait remarquer son petit gabarit. Elle n'était pas inquiète le moins du monde, elle avait déjà rencontré des félins qui l'avaient attaqués avant même qu'elle n'ait le temps d'ouvrir la bouche pour se présenter alors il était clair que ce chat ne lui ferait rien. Elle sourit joyeusement avant de lui répondre.

- Tu peux m'appeler comme tu le veux je n'ai pas de problème avec ça ! Je suis ravie de te connaître Cœur de Grizzly. Ça fait du bien de pouvoir enfin parler à quelqu'un, il y a longtemps que je n'ai plus croisé personne.

Elle fit la moue en réfléchissant à ses paroles. Clan de l'ombre, Lieutenant ? Qu'est-ce que ça pouvait bien être ? Elle songea à Cardi qui lui avait expliqué que là d'où il venait il y avait une hiérarchie et un fonctionnement totalement différent de ce qu'elle pouvait connaître de sa tribu. Son cœur se serra un peu en repensant à lui et à tout ceux qu'elle avait abandonnés après la catastrophe. Elle balaya ses idées d'un simple sourire, son visage parut de nouveau lumineux.

- Alors... Tu dois être le chef de ton groupe d'Ombres ? Tu as de grosses responsabilité ? Tu n'as peut-être pas le temps de causer avec une étrangère comme moi ?

Elle faillit ajouter qu'elle devrait sans doute partir pour ne pas trop le déranger, il avait sans doute des choses importantes à faire. Mais elle n'en fit rien, elle n'avait pas très envie de partir, pour une fois que quelqu'un ne se montrait pas trop, enfin pas du tout hostile envers elle, elle n'avait pas envie de s'en aller. Avant d'arriver ici, elle avait croisé des malotrus qui l'avaient attaqués sans raison. Elle avait aussi pu passer quelques jours avec des félins faibles qu'elle aidait à chasser. Et elle avait beaucoup marché, mais jamais elle n'avait trouvé de terre, ou de personnes où elle pourrait poser ses bagages. Elle n'avait pas envie de rester seule, le silence lui rappelait bien trop la perte de sa famille.

- Oh ne t'inquiète pas pour ça, j'ai toujours été plutôt fine. Je suis une très bonne chasseuse, et grâce aux esprits je ne me bat pas mal non plus. Tu aurai vu la raclée que j'ai mis à cet idiot de chat noir sur la colline, il a cru qu'il pourrait me battre et me donner aux renards ahah j'en ai fait une peau de corbeau. Il y réfléchira à deux fois avant de s'en prendre gratuitement aux inconnus.

Comme pour la contredire, son ventre se mit à gargouiller, assez fort pour que Cœur de Grizzly puisse l'entendre.

- Heu je... Bon d'accord je n'ai pas trouvé de viande depuis que j'ai quitté les plateaux rocheux et enneigé qui se trouvent à quelques jours de marche d'ici. J'ai du manger des plantes et des racines pour subsister mais cela n'a pas calmé ma faim. Qu'est-ce que je donnerai pour manger la chair tendre d'un aigle. Il y a des aigles par ici ?

Elle avait la joie prenante, trahissante. Elle n’était pas foncièrement méchante, il avait l’impression de pouvoir le lire dès qu’il posait le regard sur elle. La demoiselle suait de sincérité et de bonne humeur, de quoi rendre une matinée morose très colorée, nouvelle et lui offrant le sourire qu’il n’aurait pas su trouver tout seul pour une fois. Les responsabilités, bien que tâches qu’il prenait très à coeur et aimaient accomplir, commençaient à devenir un poids sur ses épaules qui s'agrandissait à mesure que les lunes progressaient et que la place de chef s’approchait dangereusement pour lui. Il n’était pas sûr encore d’être prêt à prendre la place d’Étoile Fragmentée. Mais après tout, comme lui avait répété son chef, il n’avait jamais eu la conviction d’être prêt à être lieutenant et pourtant, il faisait un excellent bras-droit.
« Plus précisément, je suis le sous-chef. Mon chef est Étoile Fragmentée. Oh, ne t’en fais pas. On m’a toujours appris à ne jamais rechigner devant une nouvelle rencontre ; elle pourrait devenir une alliée précieuse, peut-être même une amie. Même quand j’ai mieux à faire, il vaut mieux prendre le temps de sonder l’inconnu avant de faire ce qu’on sait déjà. »
Se dérobait aux yeux de tous l’intelligence sous-jacente du lieutenant, qu’il cachait comme un gibier précieux, comme s’il aimait encore être considéré comme un enfant, être sous-estimé. Comme s’il refusait qu’on porte un regard à sa juste valeur, se sous-estimant lui-même, se rabaissant toujours à l’enfant qu’il pense encore être dans sa tête. Mais le petit grizzli grandit et il est déjà devenu si grand qu’il ne devrait plus tomber dans ce genre de mécanisme.
« Il n’y a malheureusement pas d’aigles ici, désolé. Mais je peux toujours essayer de trouver quelque chose. » Le lieutenant serra les dents à ces mots, pensant aux chatons, aux reines et aux anciens affamés, à la saison des neiges menaçantes, qui prendrait peut-être des vies dans le clan. Il savait que ramener une nouvelle bouche à nourrir à cette période n’était pas la chose la mieux venue au sein d’un clan, mais il ne pouvait se résoudre à la laisser repartir, affamée et amaigrie, sans avoir rien mangé depuis des jours. Clan des Étoiles, je t’en prie. Aide-moi à nourrir Pluie et ceux de mon clan par la même occasion.
« Attends-moi là. » Le chasseur détala, louvoyant entre les pins, humant l’air à la recherche d’une proie. Il craignait de ne rien trouver sur son chemin. Mais, comme si sa prière avait été entendue, le matou tomba alors sur un rongeur qui tomba presque entre ses pattes. Il dû se battre davantage pour dégoter une seconde prise qui nourrira peut-être une femelle et ses chatons pour ce soir, mais il revint au moins avec deux prises. Il déposa la première au sol pour la pousser vers la féline et garda précieusement la deuxième près de lui. « Tiens, mange. Est-ce que tu voudrais rencontrer ceux avec qui je vis depuis des lunes ? »

Oh alors Coeur de Grizzly était un sous-chef, et le chef était une étoile, surprenant. C'était là de bien sages paroles pour un jeune matou. Le mâle faisait preuve d'une grande bonté envers Pluie, et elle le remarqua bien et le nota pour elle même. Pour se souvenir de ce jour et le marquer d'une pierre blanche. Elle s'approcha ensuite de Coeur de Grizzly qui était bien plus grand qu'elle et elle posa sa truffe sur son épaule un bref instant.

- Je te remercie Coeur de Grizzly, c'est très généreux de te part de m'accorder le temps si précieux que tu possède.

Elle se recula et lui sourit de plus belle. Le sourire était le meilleur remède contre tous les maux. Oui, Pluie avait toujours souris, même quand le renard avait prit ses frères et soeurs, elle avait sourit, quand ses mères la grondaient, elle souriait, quand les chats de la Chimère et les autres arrivèrent, elle souriait, et quand ils partirent, là aussi elle souriait. Pas un moment ne passait sans qu'elle ne profite à fond de la vie qu'elle possédait. Encore plus après être passé à un doigt de la mort il y avait des lunes de cela.

Elle fut d'abord déçu d'apprendre qu'il n'y avait pas d'aigle dans ce coin, mais ces derniers préféraient les montagnes où ils pouvaient fondre sur leurs proies sans craindre de se prendre dans les branches des arbres.

- Oh, et bien ce n'est pas grave, cette joli forêt compense le fait qu'aucun aigle n'y vive.

Elle vit ensuite son compagnon de papotage s'éloigner pour chasser. Elle n'avait même pas eu le temps de décliner son offre. Elle l'attendit alors simplement, assise avec la queue enroulée autour des pattes, le regard papillonnant sur la végétation. Elle observait, les sapins, les fougères. Elle en avait déjà traversé des forêts, mais cela lui faisait toujours bizarre, non pas d'être sous le couvert des arbres, mais de voir autant de végétation au même endroit. Elle pouvait ressentir dans cet atmosphère la présence des esprits des arbres, tous ces chats inconnus dont l'âme à rejoint les végétaux. Ce qu'elle craignait, au fond de son cœur, c'était que l'esprit protecteur de la montagne ne puisse pas veiller sur elle, ici, si loin de chez elle.

Grizzly reparu avec deux rongeurs, dont l'un qu'il déposa à ses pattes. Elle le regarda, indissociable de son éternel sourire.

- C'est très aimable à toi, je te suis reconnaissante, mais je ne peux pas accepter ce repas qui provient de ta terre, il reviens aux membres de ton groupe.

Elle connaissait ce besoin d'appartenance et de propriété mieux que quiconque. Bien que sa tribu se voulait généreuse et partageuse, le renard les pillait, épuisant non seulement leurs réserves de nourriture mais aussi d'énergie. A la suite de quoi les solitaires sont venu leurs prendre leurs terrains de chasse. Lors de ces voyages, elle avait vu des chats attaquer simplement si on s'approchait un peu des frontières, alors oui, elle comprenait.

- Je serai cependant enchantée de rendre visite à ton groupe et à rencontrer tes amis. Je suis sure qu'ils sont aussi gentils que toi ! Je serai ravie de leur apporter ce... cette proie que tu as chassé pour moi. Elle avait buté sur le nom de la proie, n'ayant pas l'habitude de ce genre de régime alimentaire.

C'était là sa part de candeur et de naïveté qui reparaissait, elle avait rencontré tellement de gens, des gentils et d'autres cruels, et elle devait pourtant savoir maintenant qu'on ne jugeait pas un groupe à partir d'un seul individu.

Il le sentait dans l’odeur qu’elle dégageait, il le voyait dans le regard particulier qu’elle possédait, il le lisait dans sa façon d’agir : Pluie n’était pas une féline de la Forêt de Cerfblanc. Elle venait de loin, elle avait dû parcourir des milliers de longueurs d’arbres pour parvenir jusqu’ici pour qu’il n’ait pas entendu parlé de cette Tribu. Pourtant, malgré le passé qu’elle devait sûrement porter lourdement sur ses épaules, Cœur de Grizzli détectait qu’elle avait l’étoffe d’une guerrière : il fallait seulement lui apprendre les coutumes du clan, à chasser et à se battre. Mais il lisait dans ses yeux les atouts d’une grande combattante. Lorsqu’elle vint déposer sa truffe sur son épaule, une décharge électrique le parcourut avec l’impression d’avoir vécu à nouveau un rite de passage, comme si elle venait d’être nommée apprentie.
Doucement, le guerrier recula, gêné ; mais dans sa tête, c’était acté : il ferait d’elle la plus grande guerrière, qu’elle vienne de loin ou pas. Après tout, elle n’avait rien d’une domestique galeuse qui quémandait les caresses de ses bipèdes et qui se contentait d’attendre que la pâté tombe dans sa gamelle.

Son sourire éternel l’empêchait d’être sur ses gardes, mais il savait que l’attitude de la femelle ne parviendrait pas à berner les siens et encore moins son chef. Il allait devoir se battre pour la faire entrer auprès des siens ; mais il savait qu’il ne pouvait pas laisser filer l’opportunité de la faire entrer dans son clan, de lui offrir l’hospitalité nécessaire et de la former, plutôt qu’elle ne se retrouve dans un autre clan et devienne définitivement son ennemie. Il avait encore bien trop de questions à lui poser sur d’où elle venait, trop de choses à lui apprendre, tant de possibilités qui s’offraient à lui et sa générosité qui souhaitait plus que tout lui offrir tout ce dont elle pouvait avoir besoin.
Si bien qu’il se mit en chasse pour elle. Il semblait transporté par une énergie nouvelle. De la découverte venait de se glisser dans son quotidien morne et ils possédaient tant de points communs que la pluie ne devait pas s’en aller.

Son cœur fit un bond lorsqu’elle refusa la proie. Elle était amaigrie et semblait terriblement affamée, mais elle refusait ce repas parce qu’il avait été chassé sur ses terres. Il aurait pu lui en vouloir, prendre ce refus comme un affront mais au lieu de ça, il la porta encore davantage dans son cœur. Elle venait de finir de le conquérir.
« — Je t’en prie, accepte ce campagnol. Il faut que tu te nourrisses. Ne t’en fais pas pour mon clan. Mange, insista-t-il en poussant à nouveau la proie vers elle. Et je te promets que je t’amène à eux si tu te nourris ! »

Malgré elle elle sentit son odeur de sapin et de fougère, une odeur qu'elle ne connaissait que peu mais qui lui plaisait beaucoup. Elle aimait aussi ce paysage boisé. Cœur de Grizzly eu de nouveau un mouvement de recul quand Pluie lui toucha l'épaule. Décidément il fallait qu'il se déride celui là ! Elle n'allait pas le manger. Ces mouvements de recul, était-ce par méfiance envers cette chatte inconnue ou bien par inconfort du aux contact physiques ? Peu importait, Pluie ne s'en occupait pas vraiment, elle aimait le contact et n'en avait pas peur, le contact, les caresses d'un pelage contre un autre, c'était vraiment réconfortant. Là d'où elle venait, il était très courant de toucher ses congénères, notamment à l'épaule comme elle venait de le faire. Au cours de ses voyages elle s'était bien aperçu que ce n'était pas le cas de tout le monde et que certains pouvaient éprouver de l'inconfort à cause de cette proximité, mais cela lui était égal, elle continuait de perpétuer ses vieilles traditions qui les unes assemblées aux autres constituaient son identité.

Grizzly insista pour qu'elle mange le rongeur, il poussa de plus belle l'animal vers ses pattes. Mais elle n'avait pas changé d'avis, la brune sourit toujours et encore avant de lui répondre.

- Grizzly, avec tout le respect que je vous dois monsieur le sous-chef, je n'ai pas changé d'avis, et si tu ne veux pas m'y emmener j'irai voir tes amis par moi même !

A ces mots elle attrapa la petite proie dans sa gueule et se leva, trottant pour s'éloigner du chat de clan. Elle huma l'air et tout ce qu'elle sentit c'était le rat et l'odeur de Cœur de Grizzly et de son groupe qui était omniprésente. Elle du lâcher la proie et fermer les yeux pour humer l'air. Ce n'était pas facile mais elle cru sentir que l'odeur était plus forte encore dans une direction.

- Ce doit être par là ! dit-elle joyeusement.

Elle jeta un œil vers son nouvel ami, la suivra-t-il ? Allait-il finalement accepter qu'elle préfère donner cette proie à quelqu'un d'autre ? Elle n'aurai qu'à chasser après avoir rencontré et quitté les amis de Grizzly. Mais elle ne se doutait pas qu'elle resterait ici.

- Allez, viens ! Je pourrai manger plus tard ne t'en fait pas. C'est drôlement joli par ici, elle est grande cette forêt ? Il y a beaucoup de plante ? Quel type de proies y a-t-il s'il n'y a pas d'aigle ? Combien de membres compte ta tribu ? Oh il y a des bébés ? J'aime beaucoup les bébés, mais il n'y en avait pas dans la mienne. Pendant mon voyage j'ai aidé une chatte à mettre bas et à se nourrir, la pauvre était seule et les renards mangeurs de chatons rodaient.

Elle frissonna à cette pensée, non pas de froid, mais de dégoût et de colère, elle détestait les renards plus que tout, elle se souvenait encore de celui qui terrorisait sa famille.

Elle possédait aussi la hargne d’une guerrière. Lorsqu’elle avait décidé quelque chose, il semblait difficile de lui faire changer d’avis. Un challenge que Coeur de Grizzli avait bizarrement envie de relever. Il souhaitait par-dessus tout qu’elle ingère un morceau de proie mais malgré son insistance, il n’avait pas l’air bien convainquant car elle ne cédait pas à la tentation d’une créature fraîchement tuée tombant dans ses pattes. C’était peut-être ce qui faisait d’elle une chatte spéciale, venue d’ailleurs. Il savait pertinemment qu’ici, n’importe quel solitaire n’aurait pas rechigné devant une proie offerte aimablement par un membre d’un Clan. Car les groupes régnant sur la forêt étaient réputés pour détenir une immense partie du terrain de chasse accessible, rendant les vies de solitaires encore plus compliquées dans les parages. Mais, malgré le ventre gargouillant et l’eau à la bouche, Pluie n’avait pas cédé à la tentation ; il sentait bizarrement que cela pourrait être une preuve de loyauté ou de fidélité provenant d’un chat comme elle. Des qualités incroyablement recherchées au sein d’un Clan. Il n’y avait pas plus fort que la loyauté d’un félin pour son clan, la valeur la plus précieuse, qui semblait déjà couler au fond de ses veines comme si elle avait toujours vécu dans son clan. Après tout, elle avait connu la loyauté d’une Tribu et d’une famille.
Coeur de Grizzli la regarda, perplexe, en la voyant attraper la proie et commencer à chercher une direction. Elle la déposa pour humer l’air et il comprit qu’elle cherchait la direction du camp. Particulièrement impressionné par ses talents de traque - sachant qu’elle ne connaissait pas comme lui les odeurs de sa forêt, capable de différencier le pin de l’épicéa, un guerrier lamba d’une reine qui venait de reprendre son statut de combattante. Complètement en confiance, le guerrier ronronna de bonheur.

« En tout et pour tout, nous sommes une quinzaine d’individus. Il n’y a pas de portée en ce genre de périodes très difficiles pour les chatons. Ils arriveront à la saison des amours ! Nos derniers chatons sont déjà grands et apprentis, prêts à devenir de grands guerriers. Mais je crois que tu auras tout le temps d’apprendre cela pendant ton séjour chez nous. » lui proposa-t-il subtilement en souriant. « Suis-moi. » lâcha-t-il en filant en direction du camp.