Feat Brume du Matin

Brume du Matin m’avait demandé la veille de le rejoindre à la clairière dans la partie de la forêt qui faisait partie de notre territoire. Il m’avait dit de ne pas l’attendre parce qu’il avait plusieurs trucs à régler avant notre premier entraînement de combat.  Il était lieutenant après tout. Je m’étais incrustée dans la patrouille de l’aube. C’était beaucoup plus agréable de faire le trajet en compagnie de membres du clan que toute seul. Lorsque nous étions arrivés près de la clairière, j’avais remercié les chats d’avoir accepté que je les accompagne et me fus rendu au point de rendez-vous.

Alors que j’étais en train d’attendre l'arrivée imminente de mon mentor, je sentis un poids me tomber sur le dos.  Mon cerveau se mit à imaginer le pire. Une attaque ennemie, ici au beau milieu de la forêt. Je savais qu’il fallait que je me dépêche de faire tomber cet intrus de mon dos. Il serait plus facile de le combattre si j’arrivais à le faire basculer. La meilleure technique à ma connaissance pour faire décrocher un chat c’est de se rouler sur le sol. Si son adversaire n’avait pas du tout envie de se faire écraser, il lâchait tout. Par la même occasion, il était possible par la suite de se servir de ses pattes pour attaquer.

Sans plus attendre, je me roulai sur le dos, libérant mes pattes. Prête à en découdre avec le chat qui venait de m’attaquer, je pris quelques secondes pour reconnaître le pelage grisâtre de mon mentor. Je me relevai rapidement sur mes pattes et lui lança:

« Pardonne-moi, je croyais que je venais de me faire attaquer par un ennemi. »

Feat Brume du Matin

Au moins d’après mon mentor j’avais eu le bon réflexe. Je savais qu’il fallait attaquer le ventre le plus rapidement possible. C’était la partie la plus fragile et la plus vulnérable pour un chat. Pour atteindre cette partie du corps, il fallait se mettre sur le dos pour pouvoir attaquer avec nos quatre pattes. Sauf qu’il fallait faire très attention à ce moment-là puisque nous mettions également notre ventre à découvert. Brume du Matin s’avança vers moi avant de me dire :

« Tu vas devoir apprendre à adapter tes techniques de combat, en fonction de ton ennemi, et aussi en fonction de ton corps. Je vais d’abord t’apprendre les bases, puis nous allons faire des faux combats. Et attention ! On ne sort pas les griffes. »

Je hochai la tête d’approbation. Nous n’étions pas ici pour nous blesser après tout. C’était mon premier entrainement au combat et j’étais un peu nerveuse. Je n’étais pas la plus habile des apprenties. En effet, j’étais plutôt maladroite. Quand j’étais chaton je me prenais les pattes dans le sable et m’étalais de tout mon long lorsque l’on jouait à chat avec mes sœurs. J’ouvris grand les yeux lorsque mon mentor se leva sur ses pattes arrière et griffa un ennemi dans le vide. Il fonça ventre à terre sur cet ennemi invisible au moment où ses pattes avant touchaient le sol. Comment étais-je supposée faire ça sans tomber ? La journée allait être dure, moi qui croyais que l’on allait commencer par quelque chose de simple. Voilà que j’allais passer ma journée à mordre la poussière. Lorsqu’il eut fini de me démontrer la technique que je devais maîtriser, il me dit :

« Si tu es assez rapide, ce mouvement te permet de contre attaquer et de perdre ton adversaire ! Essaye d’abord toute seule, et on essayera sur moi ensuite. »

J’acquiesçai d’un mouvement sec de la tête. C’était à mon tour maintenant de démontrer ce que je savais faire. C’était simple non. Je devais simplement me lever sur mes pattes arrière donnant des coups de patte dans le vide atterrir et partir à courir vers l’ennemi que je m’étais imaginé. Quoi de plus facile à faire pour une apprentie de ma carrure. Je n’avais pas une carrure imposante comme celle de Brume du Matin. Il fallait commencer par être capable de rester en équilibre sur ses pattes arrière. Je me donnai donc un élan pour réussir à me lever debout. Mon corps se balançait de tout bord tout côté. J’avais l’impression de marcher comme un bipède. Alors que j’essayais de reprendre mon équilibre, je tombai à la renverse, mon dos toucha le sol en premier. Cela n’avait pas fait du bien. Je tentai à plusieurs reprises d’arriver à me mettre en équilibre sur mes pattes arrière, mais chaque essai ressemblait au précédent et je mangeais la poussière de la clairière à chaque fois. Ce n'était pas très rigolo. Je soupirai avant de regarder mon aîné et de lui demander :

« Tu n’aurais pas un truc à me donner pour rester en équilibre. Y’a rien à faire. Je suis nulle au combat. »

Feat Brume du Matin

Brume du Matin s’avança vers moi. Je le regardai attentivement pendant qu’il me montrait la technique. J’étudiais tous les muscles que mon mentor utilisait pour se garder en équilibre sur ses pattes arrière. Il m’indiqua également que je devais viser vers l’avant et non vers le haut. Je n’avais même pas remarqué que j'essayais d’attaquer vers le haut. Je me concentrais beaucoup plus sur le fait que je devais rester sur mes pattes arrière. Je m’imaginais bien les ennemis me regarder me dandiner. Ils ne me laisseraient probablement pas le temps de penser aux muscles que je devais utiliser pour ne pas tomber. Les combats pouvaient être cruellement à ce qu’en disaient les anciens. Le conseil que Brume du Matin me donna semblait sensé. Si je tentais de répliquer, la position de pêche en étant en équilibre sur mes pattes arrière, je devrais probablement arriver à frapper l’ennemie imaginaire devant moi. Avant de faire une nouvelle tentative, je me remémorai toutes les parties de chasse que j’avais eues et analysai les muscles que j’utilisais pour sortir le poisson de son état naturel. Je pris une grande inspiration avant de faire une nouvelle tentative. Personne ne pouvait me voir, ici dans ce coin perdu de la forêt. Les guerriers et les apprentis ne venaient que rarement chasser ou s’entraîner ici. Je n’avais aucune peur à avoir de me retrouver encore une fois dans la poussière. Brume du Matin ne semblait pas être le genre de guerrier à rire des erreurs de son apprentie. Il semblait réellement prêt à m’aider à devenir une excellente guerrière du Clan de la Rivière.  Je ramassai le peu de confiance en moi que j’avais et décidai que cette fois c’était la bonne.

Je contractai les muscles de mes pattes arrière et soulevai le reste de mon corps en me propulsant à l’aide de mes pattes avant. Je donnai quelques coups de griffes vers mon ennemi imaginaire avant d'atterrir lourdement sur le sol. J’avais enfin réussi quelque chose. Peut-être que je pouvais vraiment devenir une bonne combattante pour le clan et non pas une apprentie qui doit être protégée de tous les dangers parce qu’elle ne savait pas se battre. Je lançai un cri de joie avant de sauter sur place. Je devais vraiment avoir l’air d’un chaton qui venait de réussir à attraper une feuille qui virevoltait près de lui. Je repris une certaine contenance, je n’avais pas envie que Brume du Matin se mette à rire de mon comportement et qu’il ne me renvoie à la pouponnière parce que je n’avais pas grandi. Je me tournai vers mon mentor et lui dis joyeusement:

« T’as vu, j’ai réussi. T’es vraiment le meilleur mentor de tout le clan. On fait quoi maintenant ? »

Mes iris brillaient de fierté. C’était bien la première fois que j’arrivais à quelque chose au niveau des techniques de combat. Quand je n’étais encore qu’un chaton, j’avais tenté de reproduire les mouvements des apprentis sans grand succès. Ces tentatives finissaient toujours par moi qui avais le pelage plein de poussières et qui abandonnais l’idée de devenir quelqu’un d'important.