Borné dans sa nature, infini dans ses voeux, l'Homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux.

Roy mit son Eastpack sur ses épaules et sortit de chez lui d’un pas furieux. Ses parents et lui venaient encore de se disputer, ce qui n’arrangeait pas les choses entre eux. Leurs relations étaient plutôt tendues depuis quelques temps, et le jeune homme savait pertinemment que c’était de sa faute. Mais depuis qu’une infime partie de son esprit avait changé, il ne pouvait s’empêcher de se montrer sans cesse énervé et irritable, même envers ses amis. Il fallait maintenant faire de gros efforts pour réussir à le comprendre, ce qui l’énervait encore plus ; c’était un véritable cercle vicieux. Pourtant, à 18 ans, Roy avait passé la crise d’adolescence et n’aurait pas dû montrer autant de réticence à parler aux gens. Mais même ce simple geste l’irritait.
Il posa les mains sur le guidon de son vélo – magnifique bête de course noire avec marqué Décathlon en gros sur le cadre, secoua la tête comme un chien mouillé pour chasser les murmures incessants qui s’insinuaient dans ses pensées, et l’enfourcha comme s’il s’agissait d’un cheval fougueux. Après une roue arrière rapide mais correctement exécutée, il démarra en trombe et se dirigea vers son lycée, où il passait son année de Terminale, et à la fin de l’année, son baccalauréat. N’étant pas d’un naturel anxieux, il ne s’inquiétait pas trop, et à la mi-mai, il n’avait toujours pas commencé à réviser. Il avait l’habitude de vivre au jour le jour et de réviser à la dernière minute pour les contrôles, méthode qui n’avait toujours pas fait ses preuves.
Roy avait aussi le goût du risque, et c’est serein qu’il zigzaguait entre les voitures, ignorant royalement les appels de phare et les klaxons qu’il déclenchait par sa conduite peu responsable. Il prenait tout de même la peine de s’arrêter aux feux rouges, car même s’il aimait le risque, il n’était pas suicidaire.
Lorsqu’il arriva aux portes de son lycée, il s’y arrêta dans un dérapage parfaitement contrôlé, qui lui valut des regards impressionnés des filles et hargneux des garçons. Il rendit leur regard aux jeunes hommes, sourit aux filles, et rentra dans son lycée en marchant à côté de son bolide. Il était conscient que son physique était charmeur, ainsi que sa façon d’être. Il lui arrivait de frimer, mais était en fait quelqu’un de réservé, à qui il arrivait rarement de se vanter. Il avait une allure mystérieuse, qu’accentuaient ses cheveux bruns et ses yeux verts. Sa peau halée le rendait d’autant plus viril que ses sourcils fins efféminaient légèrement son visage. Il se situait pile poil entre le raffinement et la virilité ; et le pire, c’est qu’il ne le faisait pas exprès.